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modèle ; elle vient après, mais elle masque cette secondarité en se faisant passer pour le modèle

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« Comme toute imitation, la forgerie a besoin d’un

modèle ; elle vient après, mais elle masque cette

secondarité en se faisant passer pour le modèle

lui-même. »

772

772

Kilito (Abd al-fattāḥ), L’auteur et ses doubles -Essai sur la culture arabe classique-, éd. du Seuil, Paris, 1985, p. 52. Kilito vise ici, bien entendu, la poésie préislamique. Par ailleurs, toutes proportions gardées, les deux champs sont proches, puisque les philologues ont, en gros, adopté la méthode des traditionnistes lors de la collecte des poèmes anciens. cf., Blachère (Régis), Histoire de la littérature arabe -Des origines à la fin du XVe siècle de J.-C-, éd. J. Mai- sonneuve, Paris, 1990, T. I, p. 118.

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III. L’étude du texte de Médine : isnād et matn

III. I. L’étude de l’isnᾱd, la chaîne de transmission.

III. I. I. Biographie d’Ibn Isḥᾱq/Ibn Hishᾱm.

III. I. I. I.Prologue

III. I. I. II. Le parcours de la Sīra d’Ibn Isḥāq/Ibn Hishᾱm.

III. I. I. III. Les maîtres et les styles de transmissions d’Ibn Isḥᾱq et d’Ibn Hishᾱm. III. I. I. III. I. Les maîtres d’Ibn Isḥāq.

III. I. I. III. II. Le style de transmission chez Ibn Isḥᾱq. III. I. I. III. III. Le style de transmission chez Ibn Hishᾱm.

III. I. II. La Ṣaḥīfa est-elle dépourvue de l’isnād ?

III. I. II. I. isnād en rapport avec les Alides. III. I. II. II. Les différents isnād de la Ṣaḥīfa.

A/ La version Ibn Isḥāq/Ibn Hishᾱm (m. 151/ 768-218/833). B/ La version d’Abῡ ‘Ubayd (m. 224/838).

C/ La version de Ḥumayd Ibn Zanjawayh

(m. 251/865).

D/ La version d’Ibn Abī Khaythama (m. 279/892). E/ La version rapportée par al-Bayhaqī (m. 458/ 1065).

III. I. II. III. Le colophon des ṣaḥīfas.

A/ṣaḥīfa avec un scribe douteux :

B/ṣaḥīfa avec plusieurs témoins et un scribe controversé :

C/ṣaḥīfa avec une longue histoire, plusieurs témoins et un scribe : D/ṣaḥīfa à nu:

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III. I. L’étude de l’isnᾱd, la chaîne de transmission

III. I. I. Biographie d’Ibn Isḥᾱq/Ibn Hishᾱm

III. I. I. I.Prologue :

Souvenons-nous d’emblée de l’observation de A.-L. de Prémare : « les isnᾱd sont souvent ceux-là mêmes que des clercs musulmans patentés ont sélectionnés, validés ou invalidés, en fonction de leur propres critères et pour servir leur propre vision des faits. »773et de l’interrogation de G. Lec- omte : « Est-il possible de juger les hommes du deuxième siècle selon les normes idéologiques établies au troisième ? »774

Quoi qu’il en soit, le ḥadīth se compose donc d’un texte, matn, qui contient des informations, et d’une chaîne des garants « isnᾱd », comportant le nom de ceux qui l’ont transmis effectivement ou éventuellement à travers beaucoup de générations.775

Le juge al-Rᾱmahurmuzī (m. 360/970) nous annonce dans son ouvrage, considéré comme le prem- ier livre écrit dans cette spécialité, à savoir la terminologie du ḥadīth776: « Avant la discorde, la fit-na, l’isnᾱd n’était pas exigible. »777

L’isnād devient désormais obligatoire à compter du troisième quart du Ier siècle d’hégire /VIIe, dur-ant la seconde fitna de 61-73/681-692.778

À cet égard, soulignons que J. Horovitz , suivi par Schoeler, estime que l’isnād islamique tient son origine du processus d’authentification utilisé dans les écoles juives de l’époque talmudique (entre 200 et 500 de notre ère).779Lors de la transmission, on exige de nommer le nom de chaque inform-ateur.780 « Si tu peux remonter une chaîne de tradition jusqu’à Moïse, alors fais-le. »781

773

De Prémare (Alfred-Louis), Les fondations de l’islam -entre écriture et Histoire-, op. cit., p. 27.

774

Lecomte (Gérard) : « Sufyān al-Ṯawrī - Quelques remarques sur le personnage et son œuvre - », dans : Bulletin

d’études orientales, éd. l’institut Français de Damas, 1978, T. XXX, p. 58.

775

Al- Qᾱḍī (Muḥammad), al-Khabar fi al-adab al-‘arabi - dirᾱsa fi l-sardiyya al-‘arabiyya-, éd. Dᾱr al-gharb al-islᾱmī, Beyrouth, 1998, pp. 227sqq. Motzki (Harald) & Boekhoff-van der Voort (Nicolet) & Anthony (W. Sean), op. cit., p. 48.

776

À propos de la terminologie du ḥadīth voir, Juynboll (G. H. A), « (Re)appraisal of some technical terms in ḥadīth science. », in Islamic Law and Society, Vol 8, No 3, éd. Brill, Leiden, 2001, pp. 303 sqq.

777

Al-Rᾱmahurmuzī (al-Ḥasan), al-muḥaddith al-fᾱṣil bayna al-rᾱwī wa l-wᾱ‘ī, Annoté par M. A. Al-Khaṭīb, éd. Dār al- Fikr, Beyrouth, 1984, p. 208-209., et passim., cf. al-Khaṭīb al-Baghdᾱdī (Aḥmad), al-kifᾱya fi ‘ilm al- riwᾱya, éd.

Dᾱ’irat al-ma‘ᾱrif al-‘uthmᾱniya, Hyderabad, 1938, pp. 31 sqq.

778 Juynboll (G. H. A), «The date of the great fitna», dans Arabica, Vol 20, No 2, éd. Brill, Leiden, 1973, p. 159. Voir, Motzki (Harald), Boekhoff-van der Voort (Nicolet), Anthony (Sean W.), op. cit., p. 50. cf., Comerro (Viviane), «Méthodes et débats», Arabica, vol 58, éd. Brill, Leiden, 2011, p. 448. cf., Dickinson (Eerik ), « Ibn al- Ṣalāḥ al-Sha- hrazūrī and the Isnād », dans Journal of the American Oriental Society, Vol 122, No 3, American Oriental Society, 2002, p. 481.

779 Comparez avec, Dickinson (Eerik), Ibid., p. 489 sq.

780

Schoeler (Gregor), Écrire et transmettre, op. cit., p. 128.

781

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G. Schoeler pense qu’à l’époque où l’isnād apparaît dans le milieu islamique, vers le dernier tiers du VIIIe siècle, il devait y avoir suffisamment de convertis juifs qui connaissent le système d’auth- entification du Talmud, qui avait entre-temps reçu sa forme définitive, pour l’introduire dans la tr- ansmission islamique.782

E. Dickinson suppose que le ḥadīth via le isnād établit un raccourci entre le croyant et le prophète Muḥammad. À travers cet isnād la relation spirituelle entre le fidèle et le Prophète est manifeste-ment constituée.783

La culture musulmane a toujours dissocié ces deux aspects du ḥadīth, à savoir le matn et l’isnᾱd.784 Cependant, et pour la bonne compréhension du texte, nous proposons de considérer à la fois l’is-nᾱd et le matn tel une seule et unique unité.

Non pas pour la forme narrative seulement,785 mais aussi et surtout parce que chacun d’eux con- tient la clé de l’appréhension du texte et son parcours effectué. Le texte, en l’occurrence, c’est le matn et l’isnād qui, ensemble, constituent le ḥadīth.

L’isnᾱd, à notre sens, est un texte ou au moins un paratexte pour emprunter l’expression de G. Ge-nette qui indique :

« Le plus souvent, donc, le paratexte est lui-même un texte : s’il n’est pas encore le texte, il est déjà du texte. »786Passons la main à G. Genette pour éclaircir sa théorie :

« …Le texte se présente rarement à l’état nu, sans le renfort et l’accompagnement d’un certain nombre de production, elles-mêmes verbales ou non, comme un nom d’auteur, un titre… »787 Ce paratexte, dit-t-il, est un seuil qui offre à tout un chacun la possibilité d’entrer, ou de rebrousser chemin.788

Ph. Lejeune, spécialiste de l’autobiographie, avait attesté que cette frange, ainsi appelle-t-il ce que Genette nomme paratexte ou seuil, du texte imprimé, commande en réalité toute la lecture (nom de l’auteur, titre, sous-titre, nom de collection, nom d’éditeur, jusqu’au jeu ambigu des préfaces).789

Dans une approche littéraire, basée sur le livre de G. Genette : Discours du récit790, D. Beaumont affirme que l’isnᾱd, du point de vue narratif, n’est pas simplement une introduction, mais plutôt qu’il interagit et façonne concrètement la narration.791

782

Schoeler (Gregor), Ibid.

783

Dickinson (Eerik), op. cit., p. 504.

784 cf., à titre d’exemple, al-Ḥᾱkim al-Naysᾱbῡrī (Muḥammad), ma‘rifat ‘ulῡm al-ḥadīth wa kamiyyat ajnᾱsihi, Annoté par Aḥmad Ibn Fᾱris al-Salῡm, éd. Maktabat al-ma‘ᾱrif, Riyad, 2010, pp. 454-462., cf., Motzki (Harald), Boekhoff-van der Voort (Nicolet), Anthony (Sean W.), op. cit., p. 48 et passim.

785 Beaumont (Daniel), op. cit., p. 29.

786 Genette (Gérard), Seuils, éd. du Seuil, Paris, 1987, p. 13.

787 Ibid., p. 7.

788 Ibid., p. 8.

789 Lejeune (Philippe), Le pacte autobiographique, éd. du Seuil, 1975, p. 45., cf., Ibid.

790

Genette (Gérard), Discours du récit, éd. du Seuil, 2007, cf., par ex., pp. 164 sqq.

791

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Or, les spécialistes du ḥadīth ont même toléré de citer le texte, le matn, avant la chaîne des trans-metteurs.792 Cette permutation entre ces deux principes fondamentaux du ḥadīth peut renforcer notre visibilité. Chacun d’entre eux met en lumière l’autre d’une façon alternative.

Pour conforter notre postulat, nous citerons ci-dessous quelques exemples qui montrent l’imbri-cation de l’isnād et du matn au point que le ḥadīth ou le khabar devient, semble-t-il, un patrimo-ine familial.793C’est probablement la raison sous-jacente qui pousse Hishām Ibn ‘Urwa à critiquer ouvertement Ibn Isḥāq lorsque il ose transmettre de son épouse Fāṭima Bint al-Munḏir et outre-passer ses règles de rigueur.794

Nous découvrons que toutes les traditions ou presque citées par M. Ibn Isḥᾱq en rapport avec Khadīja,795la première épouse du Prophète, ont été rapportées par la famille de Zubayr ou de ‘Ali, c’est-à-dire le neveu ou le gendre de Khadīja.

I/ Son mariage avec Muḥammad : Ibn Isḥᾱq ne cite aucun isnᾱd, par ailleurs, Ibn Hishᾱm note :

« Plusieurs personnes savantes, qui le tenaient de Abī ‘Amr al-Madanī, m’ont transmis ce ḥadī- th. »796

Ce ‘Amr, de son vrai nom ‘Āṣim b. ‘Umar b. Qatāda (m. 120/737), était un maître d’Ibn Isḥāq. Il a transmis de, entre autres, Ḥasan b. Muḥammad b. Ḥanafiya b. ‘Ali et de ‘Ali b. Ḥusayn Ibn ‘Ali également.797

. Ibn Hishām--- personnes savantes anonymes--- Abī ‘Amr al-Madanī.

II/ Les traditions qui relate le début de la prophétie dans la grotte de Ḥirᾱ’ et l’effroi qui frappe

Muḥammad ainsi que le soulagement moral qui le trouve auprès de Khadīja qui n’hésite pas à faire appel ᾱ son cousin Waraqa Ibn Nawfal, Ibn Isḥᾱq tenait ces informations de Wahb Ibn Kisᾱn, un esclave de la famille de Zubayr qui les tenait de ‘Ubayd b. ‘Umayr b. Qatᾱda al-Laythī.798 Ibn Isḥᾱq rapporte même un khabar où le Wahb b. Kisᾱn en question entend ‘Abd Allᾱh Ibn Zubayr interr- oger ‘Ubayd Ibn ‘Umayr Ibn Qatᾱda al-Laythī sur le début de la révélation.799

. Ibn Isḥᾱq---- l’esclave de la famille de Zubayr Wahb Ibn Kisᾱn----‘Ubayd b. ‘Umayr b. Qatᾱda al-

Laythī.

. Ibn Isḥᾱq---- l’esclave de la famille de Zubayr Wahb Ibn Kisᾱn----‘Abd Allᾱh b. Zubayr----‘Ubayd b.

‘Umayr b. Qatᾱda al-Laythī.

III/Deux autres khabar dans lesquels on voit Khadīja solliciter le Prophète pour s’asseoir entre ses

cuisses lors de l’apparition de l’ange éventuel ; et quand elle retire son voile, il aurait disparu, ce qui témoigne du fait qu’il soit bel et bien un ange et non pas un démon. Ibn Isḥᾱq tenait le

792Ibn al-Ṣalᾱḥ (‘Uthmᾱn), ‘ulῡm al-ḥadīth, Annoté par Nῡr al-Dīn ‘Itr, éd. al-maktaba al-‘ilmiyya, Beyrouth, 1980, p. 229.

793 Voir, Motzki (Harald), « The murder of Ibn Abī l-Ḥuqayq : on the origin and reliability of some maghāzī reports », op.

cit., pp. 179 sqq.

794 Nous reviendrons sur ce point plus tard.

795 Pour sa biographie, cf., Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. X, pp. 15 sqq.

796 Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), éd. Dᾱr al-ḥadīth, op. cit., T. I, p. 141.

797 Al-Mizzī (Yūsuf), op. cit., pp. 528 sqq.

798

Ibid., pp. 171-172. Pour la biographie de ‘Ubayd, cf., Al-Mizzī (Yūsuf), Ibid., T. 19, pp. 223 sqq.

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premier de Ismᾱ‘īl Ibn Abī Ḥakīm, un esclave de la famille de Zubayr, qui le tenait d’un anonyme, qui le tenait de Khadīja elle-même.800

. Ibn Isḥᾱq---- l’esclave de la famille de Zubayr Ismᾱ‘īl Ibn Abī Ḥakīm----un anonyme---- Khadīja. IV/ Quant au second, Ibn Isḥᾱq le détient de ‘Abd Allᾱh b. Ḥasan, qui le détient de sa mère Fᾱtima

fille de Ḥusayn, qui le détient indirectement de son arrière-grand-mère Khadīja.801

. Ibn Isḥᾱq---‘Abd Allᾱh Ibn Ḥasan---sa mère Fᾱtima fille de Ḥusayn---son arrière-grand-mère

Khadīja.

V/ En ce qui concerne la tradition qui évoque la conversion de Khadīja à l’islam et sa récompense

exclusive le jour du jugement dernier, Ibn Isḥᾱq l’a rapportée de Hishᾱm Ibn ‘Urwa et de son père ‘Urwa Ibn Zubayr de ‘Abd Allᾱh Ibn Ja‘far.802

. Ibn Isḥᾱq--- Hishᾱm Ibn ‘Urwa---‘Urwa Ibn Zubayr---‘Abd Allᾱh Ibn Ja‘far b. Abī Ṭālib.803

Tous ces renseignements nous arrivent donc, soit par l’intermédiaire de la famille d’al-Zubayr Ibn al-‘Awwᾱm , soit par la famille de ‘Ali Ibn Abī Ṭᾱlib, lesquels sont respectivement le neveu et le gendre de Khadīja. 804

Bizarrement, ‘Ᾱ’isha805 dont al-Zubayr est son beau-frère, garde le silence sur ce point, bien qu’Ibn Isḥᾱq, non loin, rapporte ceci :

. Ibn Isḥᾱq ----Zuhrī ----‘Urwa b. Zubayr---‘Ᾱ’isha (58/677) :806

" ةقداصلا ايؤرلا ةوبنلا نم الله لوسر هب ئدب ام لوأ نإ ... ةولخلا هيلإ الله ببحو ". 807

« Le début de la révélation se concrétise par ses songes véridiques, notammant sa passion pour l’isolement. »

‘Ᾱ’isha elle-même, si nous nous fions à Ibn Sa‘d, indique un renseignement rarissime, introuvable chez Ibn Isḥᾱq :

" رمع نب محمد ان ربخأ ( يدقاولا ) مأ نبكت تناك ةجيدخ نأ ةشئاع نع ةورع نع هيبأ نع دانُ زلا ربأ نب نامحرلا دبع انثِّ دح دنه ". 808

. « Ibn Sa‘d son maître Muḥammad Ibn ‘Umar al-Wᾱqidī ‘Abd al-Raḥmᾱn Ibn ’Abī al-Zinᾱd

--- son père --- ‘Urwa --- ‘Ᾱ’isha :

Khadīja était surnommée Umm Hind, la mère de Hind. », car, explique-t-il, avant son mariage avec le Prophète, Khadīja a enfanté, avec deux hommes différents, un garçon et une fille appelés tous les deux Hind.809

800 Ibid., p. 173. 801 Ibid. 802 Ibid., p. 174.

803 Pour la biographie du neveu de ‘Ali b. Abī Ṭālib, cf., Al-Mizzī (Yūsuf), Ibid., T. 14, pp. 367 sqq.

804 Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. III, pp. 93 sqq.

805 ‘Ᾱ’isha est comptée parmi les six compagnons qui ont transmis le plus de ḥadīth, notamment à travers son neveu ‘Urwa b. Zubayr, cf., Ibn al-Ṣalᾱḥ (‘Uthmᾱn), op. cit., p. 296., pour sa biographie, cf., Ibn Sa‘d (Muḥammad), Ibid., T. X, pp. 57-79.

806 Ibn Sa‘d (Muḥammad), Ibid., T. X, p. 76.

807 Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), éd. Dᾱr al-ḥadīth, T. I, p. 170.

808

Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. X, p. 16.

809

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Ce silence manifesté par ‘Ᾱ’isha a-t-il un sens ? Peut-on le considérer tel un autre mode ou une autre possibilité essentielle de discours ?810

VI/Les akhbᾱr, au sujet de l’émigration du Prophète en compagnie de Abῡ Bakr et la participation

active de la famille de ce dernier à la réussite de ce grand événement, M. Ibn Isḥᾱq les rapporte via ‘Urwa ou ‘Abbᾱd Ibn ‘Abd Allᾱh Ibn Zubayr qui les ont entendus de Asmᾱ’, épouse d’al-Zubayr, ou de sa sœur ‘Ᾱ’isha.811

. Ibn Isḥᾱq---‘Urwa Ibn Zubayr ou ‘Abbᾱd Ibn ‘Abd Allᾱh Ibn Zubayr---- Asmᾱ’ épouse de Zubayr

ou de sa sœur ‘Ᾱ’isha.

VII/La tradition concernant l’émigration de ‘Umar vers Médine, Ibn Isḥᾱq la tient de Nᾱfi‘

l’escla-ve de ‘Abd Allāh b. ‘Umar qui la tient de ce dernier, qui la tient de son père ‘Umar b. al-Khaṭᾱb.812

. Ibn Isḥᾱq---Nᾱfi‘, l’esclave de ‘Abd Allᾱh Ibn ‘Umar---‘Abd Allᾱh Ibn ‘Umar---‘Umar Ibn

al-Khaṭᾱb.

VIII/ La fameuse tradition de Surᾱqa Ibn Mᾱlik Ibn Ju‘shum qui a poursuivi le Prophète lors de son

émigration afin de l’arrêter pour toucher la prime de cent chamelles. Le ḥadīth raconte que chaque fois qu’il s’approchait du Prophète et d’Abῡ Bakr, son cheval aurait trébuché et Surᾱqa serait tombé. Ibn Ishᾱq tient ce khabar de Zuhrī, qui le tient de ‘Abd al-Raḥmᾱn Ibn Mᾱlik Ibn Ju‘- shum, qui le tient de son père, qui le tient de son oncle Surᾱqa.813

. Ibn Ishᾱq---Zuhrī---‘Abd al-Raḥmᾱn Ibn Mᾱlik Ibn Ju‘shum ---son père Mᾱlik---- son oncle Surᾱqa. IX/ Le hadīth, qui décrit le serment d’al-‘Aqaba en présence de quelques Médinois , tel Ka‘b Ibn

Mᾱlik, est relaté par Ma‘bad le fils de Ka‘b, qui le tient de son frère ‘Abd allᾱh, qui le tient de son père Ka‘b.814

. Ma‘bad le fils de Ka‘b---- son frère ‘Abd allᾱh---- son père Ka‘b.

X/ Le khabar de la conversion discrète d’al-‘Abbᾱs, l’oncle du Prophète, à l’islam, M. Ibn Isḥᾱq le

tient de Ḥusayn Ibn ‘Abd Allᾱh Ibn ‘Ubayd allᾱh Ibn ‘Abbᾱs qui le tient de ‘Ikrima l’esclave de Ibn ‘Abbᾱs.815

. Ibn Isḥᾱq---- Ḥusayn b. ‘Abd Allᾱh b. ‘Ubayd allᾱh b. ‘Abbᾱs----‘Ikrima l’esclave de Ibn ‘Abbᾱs.

Pour conclure, citons ce khabar qui montre clairement la monopolisation du ḥadīth tel un capital strictement familial : ..." لاق ،دعس نب ثيللا نع : ه بغو بيبح ربأ نب دي ن بك انباحصأ ثدحي لبقأف ،ةيردنكسلإا ديري ةنيدملا نم لجر انيلع مدق لائاق : لوسرلا نع رمع نبا نع عفان نبثدح . عفان نبا لىإ اهب اوبتك و ثيداحلأا كلت اوعمجف : دحأ اننيب و كنيب نوكي لاأ انببحأ . أف مهباج : اذهب ربأ ثدح ام الله و . نوذخأت نمع اورظناف ... " 816 810

Heidegger (Martin), être et temps, Trad. de l’allemand par François Vezin, éd. Gallimard, Paris, 1986, p. 211 sq. Ricœur (Paul), Le conflit des interprétations-essais d’herméneutique-, éd. du Seuil, Paris, 1969, p. 441.

811 Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), éd. Dᾱr al-ḥadīth, T. I, pp. 354 sqq.

812Ibid., pp. 345 sq. 813 Ibid., p. 357 sq.

814 Ibid., pp. 318 sqq.

815 Ibid., p. 484 sq.

816

Ibn ‘Abd al-Bar (Yūsuf), al-tamhīd limā fi al-muwa a’ min al-ma‘ānī wa al-asānīd, éd. al-Awqāf al-maghribiya, 1982, T. I, p. 54 sq.

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« …de Layth Ibn Sa‘d, il a dit : Un homme de Médine arrive en Égypte, espérant atteindre la ville d’Alexandrie. Il transmettait des ḥadīth aux Égyptiens, entre autres, Yazīd Ibn Abī Ḥabīb en préci-sant qu’il les a entendus de : Nāfi‘, l’affranchi de Ibn ‘Umar, ---- Ibn ‘Umar----le Messager.817

Les Égyptiens ont contacté le fils de Nāfi‘ : « Nous souhaiterons éviter les intermidiaires entre vous et nous.» Mon père n’a point transmis ces ḥadīth, faites attention de qui vous rapportez, réplique- t-il… »

Cette interpénétration du matn et d’isnād nous permettra, éventuellement, de concevoir la socié-té ou disons-nous les sociesocié-tés des textes fondateurs et l’esprit de ses notables.

Les critères fixés par les experts du ḥadīth au deuxième et au troisième siècle de l’hégire, huitième et neuvième de l’ère chrétienne, ne doivent limiter notre champ de manœuvre.

Peu importe pour la science humaine que la tradition soit authentique ou apocryphe, tant qu’elle trahisse les apparences, et divulgue ce qui est expressément tenu caché.

En tout état de cause, ces traditions dévoilent les profondeurs anthropologiques, psychologiques, et politiques de cette société ancienne. Nous estimons que l’étude de l’isnād ce n’est pas forcément une reproduction des critères d’authenticité définit par la tradition musulmane elle-même, pour emprunter l’expression de A. L. de Prémare.818

Au contraire nous pensons que cette étude nous démêle les conditions de l’engendrement de cette pensée et ses réels fondements, notamment ses évidences mouvements à travers et le temps et l’espace.

Joseph Chelhod corrobore cette visiondans son ouvrage le sacrifice chez les Arabes

,

en discutant le thème de la poésie arabe préislamique :

« La poésie préislamique Apocryphe révèle tout comme la poésie authentique, les sentiments et les coutumes de la Jāhiliyya.819» 820

817 Au sujet de Nāfi‘, voir : Motzki (Harald) & Boekhoff-van der Voort (Nicolet)&Anthony (W. Sean), Analysing muslim

traditions, op. cit., pp. 47 sqq. Juynboll (G. H. A), « Nāfi‘, the mawlā of Ibn ‘Umar, and his position in muslim ḥadīth

literature » dans Der Islam 70, éd. Walter de Gruyter, Berlin, 1993, pp. 207-244. Juynboll (G. H. A), Encyclopedia of

canonical ḥadīth, op. cit., p. 435.

Soulignons en passant que Motzki estime, contrairement à G.H.A. Juynboll, que Nāfi‘ est une figure historique. cf., Motzki (Harald), Ibid., pp. 61 sqq. Juynboll (G. H. A), « Nāfi‘, the mawlā of Ibn ‘Umar, and his position in muslim ḥa- dīth literature », Ibid., pp. 217 sqq.

818

De Prémare (Alfred-Louis), Les fondations de l’islam, op. cit., p.27., cf., Micheau (Françoise), op. cit., p. 81 où elle reprend l’idée de A. L. de Prémare.

819

La Jāhiliyya est la période préislamique. cf., Bianquis (Thierry), Guichard (Pierre), Tillier (Mathieu), Les débuts du

monde musulmans -VII°-X° siècle-, l’article de : Robin (Christian), « La Péninsule Arabique à la veille de la prédica-

tion Muḥammadienne. » éd. Presses Universitaires de France, Paris, 2012, pp. 5 sqq. Également, Djaït (Hichem), La grande discorde- Religion et Politique dans l’Islam des origines-, op. cit., pp. 19-27.

Jāhiliyya est un terme coraniqe évoqué quatre fois dans des sourates uniquement médinoises, toutefois il est tou- jours utilisé d’une manière péjorative : Q III, CLIV ; Q V, L ; Q XXXIII, XXXIII ; Q XLVIII, XXVI. cf., ‘Abd al-Bāqī (Muḥammad Fuād), op. cit., p. 184. M. Ibn Manẓūr souligne que la Jāhiliyya signifie la situation des arabes

avant l’islam telle une terre sans signe manifeste pour orienter le nomade. Ibn Manẓūr (Muḥammad), op. cit., T. XI, p. 130.

820

121

Cela dit, nous savons que la compilation structurée des traditions prophétiques s’est engagée un siècle au moins après le décès du Prophète, dans un contexte politique conflictuel incitant non seulement à exploiter la tradition existante, mais à en produire en abondance.821

Le « façonnage » du Ḥadīth a débuté, ainsi le confirme beaucoup de chercheurs, pendant les dernières années du califat de ‘Uthmān, lorsque une opposition insurectionnelle se manifeste.822