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III/ ṣaḥīfa avec une longue histoire, plusieurs témoins et un scribe :

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Sauf si, bien que ça soit moins probable, il ne s’agit pas de la formule usuelle mais en toute simp-licité du verbe écrire بـتـك, autrement dit : « il a écrit : Il (‘Ali) était (aussi) le scribe de cette ṣaḥī-fa. » Peut-être, Ibn Isḥāq a reçu de Zuhrī cette tradition, ou plus ou moins cette partie de cette dernière, d’une manière écrite1170; il se peut également que cet additif ait été inséré postérieur-ment.

Curieusement, ‘Abd al-Razzāq relate l’histoire de Ḥudaybiya de son maître Ma‘mar qui la tient de Zuhrī dans treize pages sans pour autant citer le nom d’aucun écrivain.1171

A propos de ce passage, al-Suhaylī, dans sa glose, a pris le soin de citer vingt trois personnes qui ont déjà écrit pour le Prophète, notamment Abū Bakr, ‘Umar, ‘Uthmān et Mu‘āwiya.1172 En ce qui concerne ce dernier, il ajoute :

«Après l’année de la conquête de la Mecque (8/629), Mu‘āwiya b. Abī Sufyān a écrit, maintes fois, pour lui [le Prophète].»

" حتفلا ماع دعب نايفس ربأ نب ةيواعم ا بثك هل بتك و ".

1173

Apparemment, le nom du scribe de cette ṣaḥīfa est devenu un enjeu politique. ‘Abd al-Razzᾱq de Sanaa rapporte de Ma‘mar : « J’ai demandé à Zuhrī : qui est le scribe de Ḥudaybiya ? Il a souri et il m’a répondu : C’est ‘Ali Ibn Abī Ṭālib. Si tu demandes à ces gens-là, c’est-à-dire les Omeyyades, ils te répondraient : C’est ‘Uthmān.

دبع قازرلا لاق : رمعم ان ربخأ : لاق : لأس يرهزلا هنع ت ( يأ ةيبيدحلا باتك بتاك نع ) لاق و كحضف : و بلاط ربأ نب لىع وه اولاق ،ءلاؤه هنع تلأس ول : ةيمأ نبب نبعي ،نامثع . 1174

III/

ṣaḥīfa avec une longue histoire, plusieurs témoins et un scribe :

Nous estimons que s’il y a une ṣaḥīfa qui peut rivaliser celle de Médine, ça serait le kitāb de Nej-rān.

Le Prophète aurait envoyé à Najrān son compagnon ‘Amr Ibn Ḥazm avec un "livre" qui contient : Des directives en ce qui concerne l’impôt foncier « al-kharāj » sur tous les produits de la terre, sur toute somme d’or ou d’argent ainsi qu’aux esclaves.1175

... " قيقر و ءاضيبو ءارفص لك فو ةرمث لك ن ف نارجن لهلأ الله لوسر رن بنلا محمد بتك ام اذه "...

1176

Les gens de Najrān doivent également subvenir aux besoins des messagers du Prophète durant vingt jours au maximum.1177

" كلذ نود امف اموي ني رشع ن يب ام مهتعتم و لىسر ةنؤم نارجن لىعو "... 1178 " 1170

Al-Zuhrī tolère cette manière de transmission dont le transmetteur se base sur un support écrit. cf., Ḥākim al-Naysabūrī (Muḥammad), Ma‘rifat ‘ulūm al-ḥadīth, op. cit., p. 710 sq.

1171 Al-Ṣan‘ᾱnī (‘Abd al-Razzᾱq), op. cit., T. V, pp. 330-342. No 9721 . Voir, Görke (Andreas), «The Historical tradition about al-Ḥudaybiya -a study of ‘Urwa b. Zubayr’s account-», op. cit., pp. 240 sqq.

1172 Al-Suhaylī (‘Abd al-Raḥmān), op. cit., T. IV, p. 51.

1173 Ibid. Pour la conquête de la Mecque, cf., Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), éd. éd. al-Seqqā, op. cit., T. IV, pp. 48 sqq.

1174 Al-Ṣan‘ᾱnī (‘Abd al-Razzᾱq), op. cit., T. V, p. 343. No 9722.

1175 Fagnan (Edmond), op. cit., p. 108.

1176 Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 72. Fagnan (Edmond), Ibid.

1177 E. Fagnan l’a traduit ainsi : « Najrān devra approvisionner et fournir mes envoyés pendant une période d’une vingtaine de jours ou moins. », Ibid., p. 109.

1178

165 " مهتلم و مهضرأو مهسفنأو مهلاومأ لىع الله لوسر ربنلا محمد ةمذو اللهراوج اهتيشاحو نارجنلو ... مهيديأ تحت ام لكو مهعـ َيـ ب و سأ نم فقسأ بغي لا ؛ بثك وأ ليلق نم ة يند هيلع سيلو هتناهك نم نهاك لا و هتينابهر نم بهار لاو هتيفق ... مـهـنـم لأس نم و نلا مهنيبف اقح ن يمولظم لاو ن يملاظ بغ فص "... 1179

« (En contrepartie) Najrān et sa périphérie jouiront de la sûreté d’Allāh et de son Prophète et Messager pour leur bien, leur personne, leur terre et leur religion…ainsi que leur temple et tout ce qu’ils peuvent posséder ; nul évêque, moine ou prêtre ne verra changer son état. En aucune manière, ils ne seront assujettis… nulle armée ne foulera leur territoire. Justice sera rendue à qui la demand-dera, sans avantage ni injustice pour personne…»1180

" دهش ( باتكلا اذه ف ام لىعن ) ةبعش نب ة بغملا و سباح نب عرقلأا و فوع نب كلام و ورمع نب نلايغ و برح نب نايفس وبأ . ركب ربأ نب الله دبع باتكلا اذه مهل بتك و ". 1181

« Ont comparu comme témoins Abū Sufyān Ibn Ḥarb, Ghaylān Ibn ‘Amr, Mālik Ibn ‘Awf, al-Aqra‘ Ibn Ḥābis et al-Mughīra Ibn Shu‘ba. Le présent acte a été écrit par ‘Abd Allāh Ibn Abū Bakr. »1182 À l’époque du califat Abū Bakr, les Najrāniens reviennnent. Ce dernier leur délivre un autre écrit certifiant celui du Prophète avec des nouveaux témoins, à savoir al-Mustawrid b. ‘Umar, ‘Amr cli- ent d’Abū Bakr, Rāshid Ibn Ḥuḏayfa et al-Mughīra Ibn Shu‘ba.1183

‘Umar Ibn al-Khaṭṭāb les a éloignés du Najrān de Yémen1184 et les a installés au Najrān d’Iraq.1185 Il écrit à leur égard un autre acte qui prend en considération leur nouveau statut. Pour compenser leur terre perdue, il leur fait remise de la jizya pendant deux ans à partir de leur arrivée en Iraq. C’est ‘Uthmān Ibn ‘Affān et un certain Mu‘īqīb qui atteste cette ṣaḥīfa.1186

Parce qu’Ils étaient maltraités en Iraq, ils viennent se plaindre au nouveau calife ‘Uthmān. Celui-ci écrit à leur sujet à son gouverneur al-Walīd Ibn ‘Uqba afin d’alléger leur capitation. Ce document qui nous fournit le nom du scribe, à savoir Ḥamrān Ibn Abān, nous informe aussi de sa date, c’est- à-dire la mi cha‘bān1187 de l’année 27/647.1188

Quand ‘Ali Ibn Abī Ṭālib s’installe en Iraq en tant que calife, l’évêque de Najrān, en tenant dans sa main la première ṣaḥīfa de Najrān soigneusement renfermée dans une peau rouge, interpelle ‘Ali : « Je vous conjure de nous laisser rejoindre notre pays. »

Le calife refuse sa demande ; cependant il exige des musulmans une conduite juste à leur égard. Cet écrit a été rédigé par un certain ‘Abd Allāh Ibn Abī Rāfi‘ le 10 jumādā II1189 de l’année 37/ 657.1190

1179

Abū Yūsuf (Ya‘qūb), Ibid. Fagnan (Edmond), Ibid.

1180

En dépit de quelque légère modification, nous nous sommes basés sur Edmond Fagnan pour traduire ce texte,

Ibid., p. 109. 1181

Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 73.

1182 Fagnan (Edmond), op. cit., p. 109 sq. ‘Abd Allāh (m.11/632) est probablement le fils de Abū Bakr al-Ṣidīq. cf., Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. V, p. 20.

1183 Edmond Fagnan, Ibid., p. 110. Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 73.

1184 Al-Ḥamawī (Yaqūt), Mu‘jam al-buldān, op. cit., T. V, p. 266.

1185 Ibid., p. 269.

1186 Edmond Fagnan, op.cit., pp. 110-111. cf., Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., pp. 73-74.

1187 Le huitième mois de l’année de l’hégire.

1188 Edmond Fagnan, Ibid., p. 112. Abū Yūsuf (Ya‘qūb), Ibid., pp. 74. Signalons que les délégués de Najrān se sont manifestés quatre ans ou presque, après le couronnement de ‘Uthmān en 24/644. cf., al-Ṭabarī (Mḥammad), op.

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D’après la tradition, le Prophète dépêche plusieurs émissaires vers Najrān, dont ‘Ali Ibn Abī Ṭā-lib,1191 Khālid Ibn al-Walīd1192et ‘Amr Ibn Ḥazm.1193 Vraisemblablement, l’Arabie méridionale a attiré l’attention du Prophète dès l’époque de la première émigration vers l’Abyssinie, cinq ans après le début de la Révélation. 1194

Ce dernier émissaire cité ci-dessus a été Visiblement envoyé à plusieurs cités de Yémen. Abū Yūsuf laisse apparaître ceci : « Il (le Prophète) leur (Najrān) envoya, à eux et à d’autres (cités) ‘Amr Ibn Ḥazm. » 1195 " مهيلإ ثعب و ( نارجن لىإ ) مه بغ لىإ و مزح نب ورمع "...

De ce fait, il apporte au Yémen plusieurs lettres « بتك » qui s’adressent aux Yémenites convertis ُ à l’islam ainsi qu’aux dhimmis, en l’occurrence le peuple de Najrān. Parmi ces « livres », le "livre" de l’aumône rapporté, entres autres, par Abū ‘Ubayd et son disciple Ibn Zanjawayh, que nous évoqu- erons ci-dessous. Lorsqu’Abū Yūsuf annonce :

" نارجن لىإ هثعب ن يح مزح نب ورمعل بتك ربنلا نأ قاحسإ نب محمد نبثدحف ".

« Je tiens de Muḥammad Ibn Isḥāq que le Prophète écrivit à ‘Amr Ibn Ḥazm qu’il députait ainsi à Najrān.»1196Il vise, manifestement, les Yéménites convertis. Or, ce petit texte attribué à Ibn Isḥāq contient deux commandements qui concernent les muslmūn uniquement, à savoir l’aumône et le quint sur le butin.1197 Le "livre" de Najrān qu’il cite juste après ne comporte en outre aucun isn- ād.1198

La Sīra d’Ibn Hishām évoque le "livre" de ‘Amr sans pour autant faire aucune allusion au pacte de Najrān.1199 Or, le kitāb en question cité dans la Sīra est certainement destiné aux convertis.1200 Cela dit, il se peut qu’Ibn Isḥāq ait transmis ce kitāb de Najrān, mais il ne nous est pas parvenu. Il se peut qu’Abû Yusuf ait détenu les deux textes, et qu’il les a peut-être amalgamés dans son livre al-Kharāj.

1189

Le sixième mois de l’année de l’hégire.

1190

Edmond Fagnan, Ibid., pp. 112-113. Abū Yūsuf (Ya‘qūb), Ibid., p. 74. ‘Ali règne entre 35/40-655 /660. cf., al-Ṭabarī (Muḥammad), Ibid., T. V, p. 152.

1191

Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), op. cit., éd. al-Seqqā, T. IV, p. 249.

1192

Ibid., p. 239.

1193

Ibid., p. 241.

1194

Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. I, p. 173.

1195

Fagnan (Edmond), op. cit., p. 107. Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 72.

1196

Fagnan (Edmond), Ibid., p. 108. Abū Yūsuf (Ya‘qūb), Ibid.

1197

Selon la Sīrat d’Ibn Hishām, le Prophète décède juste après l’envoi de ‘Amr. cf., éd. al-Seqqā, op. cit., T. IV, p. 241. Désormais, les non-musulmans ne participent plus aux batailles et de ce fait, ils n’avaient plus le droit aux butins, comme c’était le cas au début de l’hégire, selon une tradition rapportée par Zuhrī. cf., Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., p. 294.

1198 Fagnan (Edmond), op. cit., Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit.

1199 Et pourtant la Sīra d’Ibn Hishām n’a pas oublié de relater l’histoire du groupe de Najrān, qui a discuté longuement avec le Prophète sur, entre autres, la nature de Jésus de Nazareth. cf., éd. al-Seqqā, op. cit., T. II, pp. 222-233. La Sīra d’Ibn Hishām a également pris le soin de narrer l’histoire de l’envoi de Mu‘ād Ibn Jabal au Yémen, ainsi que

la mission de Khālid Ibn al-Walīd à Najrān et les deux messages échangés entre ce dernier et le Prophète, juste avant le livre de ‘Amr Ibn Ḥazm cité ci-dessus. cf., Ibid., T. IV, p. 237 et p. 239-241 respectivement.

1200

167

En revanche, Ibn Sa‘d rapporte les kutub que le Prophète aurait envoyés aux rois et aux différentes tribus, y compris celui destiné à Najrān, en se servant d’un isnād composite.1201

Son contemporain Abū ‘Ubayd place le "livre" de Najrān en tête des livres écrits par le Prophète et ses compagnons.

Il le cite en deux versions avec quelques variantes et deux isnād différents. Le premier est transmis par Abū al-Malīḥ al-Huḏalī1202alors que le second est rapporté par ‘Urwa Ibn al-Zubayr.1203

Contrairement à Abū Yūsuf, la partie concernant ‘Ali dans le "livre" de Najrān chez Abū ‘Ubayd et Ibn Zanjawayh est omise.1204

Soulignons qu’Abū ‘Ubayd, pour revenir à notre Ṣaḥīfa de Médine, place celle-ci à la fin des kutub comportant des pactes conclus entre le Prophète et les différentes parties.1205Précisons aussi pour conclure que le nom de ‘Urwa Ibn al-Zubayr revient sans cesse dans la plupart de ces ṣuḥuf.1206

IV/

ṣaḥīfa à nu :

Par ailleurs, nous avons également une catégorie de "livre" écrite éventuellement à l’époque du Prophète sans aucune indication de témoignage ni de nom de scribe. Nous avons évoqué ci-dessus le "livre" de l’aumône qui se trouvait chez la famille de ‘Umar, et que ce calife aurait écrit et adressé à ses gouverneurs.1207 Ce kitāb de ‘Umar s’est probablement basé sur le "livre" de l’aum- ône que la tradition attribue au Prophète.1208

Cependant, Abū ‘Ubayd, suivi par Ibn Zanjawayh, rapportent que le calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azīz demande aux Médinois les deux kutub, à savoir le "livre" de l’aumône du Prophète ainsi que le "livre" de ‘Umar I. Le premier était chez la famille de ‘Amr Ibn Ḥazm1209 et le deuxième chez les descendants de ‘Umar I, dit la tradition.1210

Abū ‘Ubayd cite une tradition d’un certain Muḥammad b .‘Abd al-Raḥmān : « Le "livre" de l’aum-ône du Prophète et le "livre" de l’auml’aum-ône de ‘Umar comportent… » 1211

Les deux « livres » ont pris, peut-être, la forme d’un seul kitāb à l’époque de ‘Umar II.1212

Tout juste après, il rapporte un autre ḥadīth de Sālim le fils d’Ibn ‘Umar : « Le "livre" de l’aumône du Prophète qui était chez la famille de ‘Umar comporte… »1213

1201

Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. I, p. 249. Voir, p. 222.

1202

Pour la biographie de ce successeur décédé vers 98/716, cf., al-Mizzī (Yūsuf), op. cit., T. XXXIV, pp. 316 sqq.

1203

Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., pp. 280 sqq. Ibn Zanjawayh suit son maître à la letter. cf., Ibn Zanjawayh

(Ḥamīd), op. cit., pp. 449 sqq.

1204

Ibid., p. 282. Ibid., p. 451.

1205

Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), Ibid., p. 291.

1206 Ibid., pp. 280 sqq.

1207 cf., à la version d’al-Bayhaqī [version E, figure 6] dans cette étude.

1208 Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., p. 458.

1209 Pour la partie qui concerne l’aumône dans la ṣaḥīfa de ‘Amr Ibn Ḥazm, cf., Ibid., p. 459. Ibn Zanjawayh (Ḥumayd),

op. cit., T. X, p. 838.

Voir la biographie de ce compagnon médinois dans Ibn Sa‘d, op. cit., T. V, pp. 317-318.

1210 Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), Ibid., p. 456. Ibn Zanjawayh (Ḥumayd), Ibid., T. IX, p. 800.

1211 Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), Ibid., p. 486.

1212

‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azīz Ibn Marwān Ibn al-Ḥakam règne entre 99-101/717-719, cf., Tārīkh al-Ya‘qūbī, op. cit., T. II, pp. 226 sqq.

168

Abū Yūsuf, le grand disciple d’Abū Ḥanīfa, rapporte de Zuhrī---de Sālim fils de‘Abd Allāh Ibn

‘Um-ar--de ‘Abd Allāh Ibn ‘Umar1214: « Le Prophète aurait écrit un "livre" d’aumône qu’il l’a attaché à

son épée ou à son testament (doute d’un narrateur). Il ne l’a pas divulgué jusqu’à[le jour de] sa mort. Après son décès, Abū Bakr ainsi que ‘Umar l’ont mis en application. »

هب لمعف ،ملس و هيلع الله لىص ضبق ربح هجرخي ملف ،هتيص وب لاق وأ هفيسب هنرقف ةقدصلا ف اباتك بتك الله لوسر نأن " رمع مث ركب وبأ "...

1215

« Il ne l’a pas divulgué jusqu’à sa mort » : cette phrase rend le texte équivoque, voire obscur. Comment se fait-il qu’un "livre" de cette grande envergure reste à l’ombre jusqu’au décès du Proph- ète ?

Qui l’a dévoilé, le Prophète lui-même ou une autre personne ? Le texte reste muet là-dessus. Ibn Hishām nous a rapporté d’autres "livres" sans témoins ni scribe, tels que le "livre" que le Prophète aurait écrit pour Yuḥanna Ibn Ru’ba,1216 lors de la bataille de Tabūk, le "livre" adressé aux rois de Ḥimyar, et les "livres" que le Prophète et Musaylima Ibn Ḥabīb, appelé dans la littérature

islamique Musaylima al-Kaḏāb, auraient échangés, pour ne citer que ces exemples.1217

Visiblement, la Ṣaḥīfa de Médine, du moins le texte qui nous est parvenu, appartient à cette caté-gorie qui ne comporte aucun scribe ni aucun témoin, c’est sans doute le cas de la plupartdes dou-ze "livres" cités par Abū ‘Ubayd.1218

Par ailleurs, nous estimons que ce témoignage, dans plusieurs cas, vise à mettre plus en valeur les personnages qui se présentent comme garants que l’écrit lui-même. A l’égard de la ṣaḥīfa adre-ssée aux muslimūn de Thaqīf, nous nous retrouvons avec trois témoins, à savoir ‘Ali et ses deux fils Ḥasan et Ḥusayn.1219 Ce kitāb de Thaqīf aurait été rédigé vers 9/6301220alors que les deux enfants en question avaient entre cinq et six ans.1221Parmi les cinq témoins du "livre" de Najrān, Abū Sufyān, le père de Mu‘āwiya est cité en tête.1222

1213

Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), Ibid.

1214

Au sujet de ‘Abd Allāh Ibn ‘Umar, voir, Juynboll (G. H. A), Encyclopedia of canonical ḥadīth, op. cit., p. 10 sq. 1215

Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 76. al-Shāfi‘ī (Muḥammad), al-Um, op. cit., T. III, pp. 11 sqq. Ibn Zanjawayh

(Ḥumayd), op. cit., p. 804. Vraisemblablement, Abū Yūsuf (m. 182/798) n’a pas entendu directement de Zuhrī (m. 124/741). cf., al-Khaṭīb (al-Baghdādī), op. cit., T. XVI, p. 359.

E. Fagnan doute s’il s’agit de Sālim fils d’Ibn ‘Umar ou d’une autre personne. op. cit., p. 115.

1216

Chez Abū ‘Ubayd Rūba ةبور. cf., Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., p. 289.

1217

Ibn Hishām (‘Abd al-Malik), op. cit., éd. al-Seqqā, T. IV, p. 169, 235, 247 respectivement. Abū ‘Ubayd a assemblé douze "livres" sous un seul chapitre intitulé : ".حلصلا لهلأ هباحصأ و الله لوسر اهبتك يتلا دوهعلا بتك". Quant à Ibn Sa‘d, il s’est montré plus prolixe à cet égard. cf., Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), Ibid., pp. 280-298.

Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. I, pp. 222-252.

A notre époque, Hamidullah s’est intéressé à ces"Écrits". cf., Hamidullah (Muḥammad), Majmūʻat al-wathāi’q al-siyāsiya op. cit., pp. 43 sqq.

1218 voir supra.

1219 Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., p. 285.

1220 Pour la conversion de Thaqīf à l’islam et l’écrit de la ṣaḥīfa en 9/630, cf., Ṭabarī (Muḥammad), op. cit., T. III, p. 99.

1221 Ḥasan et Ḥusayn sont nés en 3/624 et 4/625 respectivement. cf., Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. VI, pp. 352. 399.

1222

169

Nous pouvons également découvrir un témoin notoire à côté d’une personne peu connue ; le 3ème calife ‘Uthmān Ibn ‘Affān est le garant, avec un certain Mu‘ayqīb,1223 du "livre" que ‘Umar I aurait écrit aux gens de Najrān.1224 Ces deux derniers progressent et deviennent les témoins oculaires du "livre" originel de Najrān écrit éventuellement par le Prophète.1225

Le fait de placer un personnage reconnu près d’une autre personne anonyme ou presque donne plus d’éclat au premier.1226

1223 Ibn Sa‘d (Muḥammad), op. cit., T. IV, pp. 109 sqq.

1224 Abū Yūsuf (Ya‘qūb), op. cit., p. 74.

1225 Ibn Salᾱm (Abῡ ‘Ubayd al-Qᾱsim), op. cit., p. 281.

1226La littérature shiite évoque également « al-ṣaḥīfa al-mal‘ūna », « le feuillet (le pacte) maudit ». Afin d’écarter ‘Ali et de confisquer le pouvoir, Abū Bakr, ‘Umar, Abū ‘Ubayda Ibn al-Jarrāḥ, Mu‘āḏ Ibn Jabal et Sālim Ibn al-Ḥabība auraient rédigé un pacte, dit le pacte maudit. Ils l’auraient signé à la Mecque lors du Pèlerinage de l’Adieu (10/631) et Abū ‘Ubayda l’aurait enterré à la Kaaba. Voir, al-Majlisī (Muḥammad Bᾱqir), op. cit., T. XXVIII, pp. 43 sqq. Ouardi (Hela), op. cit., pp. 56 sqq.

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« Les études modernes portant sur le fonctionnement

réel de la mémoire contredisent radicalement la cro-