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Chapitre III Modélisation hydrodynamique à l’échelle du réservoir

1.3 Modèle spatialisés

Pour la plupart des modèles de mines en hydrogéologie, c’est finalement une approche plus ou moins finement spatialisée qui est utilisée. Ce type de modèle est à mi-chemin entre les modèles analytiques et les modèles globaux. Il utilise des équations simplifiées pouvant être mises en œuvre numériquement, et tient compte de la géométrie du réservoir minier à différents niveaux de précision. Les équations utilisées font appel à un changement d’échelle de représentation, en passant d’une échelle de description microscopique à une échelle de description macroscopique.

1.3.1 Modèles de réservoirs en réseau

L’utilisation de modèles de réservoirs en réseau (RER) est le plus souvent envisagée dans le cas des anciennes mines. Le principe général de cette approche consiste à diviser un réservoir minier en secteurs, chaque secteur étant représenté par un réservoir pouvant échanger de l’eau avec les réservoirs voisins auxquels il est connecté, ou déborder vers l’extérieur. Cette technique est particulièrement appropriée lorsqu’on l’on souhaite modéliser un bassin minier dans son intégralité, et que les questions posées concernent les échanges entre les réservoirs par exemple, ou encore l’étude d’un mécanisme physico-chimique particulier (dissolution, absorption, oxydo-réduction, etc.).

Pour la prévision de l’ennoyage d’une mine, une méthode appelée GRAM35 a été développée en 2007 [49, 50]. La technique s’appuie sur un réseau de réservoirs reliés entre

124 eux par des points d’échange constitués par des tubes dans lesquels l’écoulement est décrit par des équations d’écoulement turbulent36 dans des conduites en charge. Cette méthode présente trois inconvénients [51] : (i) la non prise en compte de la réduction du bassin d’alimentation de la mine lorsque le réservoir se remplit progressivement (ce qui induit une diminution de la recharge du réservoir), (ii) la non prise en compte de la variation du volume de vides en fonction de l’altitude du réservoir et (iii) l’absence d’interactions avec des eaux souterraines.

Selon leurs objectifs, d’autres auteurs utilisent également la méthode MIFIM37 [51], plus récente, qui pallie les trois inconvénients majeurs de la méthode GRAM, mais n’inclue plus de tubes : les entrées / sorties d’eau sont représentées par des flux constants.

Ce type de modèle a été utilisé pour le calcul de l’évolution des concentrations en éléments chimiques depuis le début de l’ennoyage du bassin ferrifère lorrain, dans le but de prévoir le temps de retour à une concentration compatible avec l’alimentation en eau potable [1, 52, 53, 54]. Du point de vue du transport de masse, chaque réservoir se comporte comme un réacteur chimique à mélange parfait. Selon les modèles, le calcul des concentrations peut être très détaillé, et inclure les cinétiques de nombreux éléments chimiques [1, 52], ou être simplifié et inclure le calcul de l’évolution d’un seul élément chimique « indicateur » tel que le sulfate issu de la dissolution de gypse38 [53, 54]. Le calcul du débit échangé entre les réservoirs peut être gouverné par les différences de charges entre chaque réservoir [54], ou simplement gouverné par les débits d’alimentation de chaque réservoir, le sens d’écoulement de l’eau entre réacteurs étant alors prédéterminé depuis les secteurs les plus profonds jusque vers le secteur qui déborde dans un cours d’eau [1, 52, 54].

1.3.2 Modèles de réseau de tubes

Pour le cas des mines ennoyés, d’autres travaux utilisent des codes39 permettant de modéliser l’écoulement turbulent dans un réseau de tubes en charge [55, 56, 57] ainsi que le transport de masse ou même l’échange de chaleur avec l’encaissant.

Dans les modèles de ce type, les équations utilisées au sein des tubes permettent de représenter des écoulements turbulents, avec une perte de charge linéaire dépendant du nombre de Reynolds [55]. Nous présentons davantage de détails sur ce point en Annexe 9.

1.3.3 Modèles maillés spatialisés

Cette approche consiste à remplacer une description microscopique très détaillée des phénomènes physiques et chimiques, par une description macroscopique du comportement moyen à l’échelle d’un volume élémentaire représentatif (VER), dont la taille doit être définie. Le domaine à modéliser est alors discrétisé pour produire un maillage, les mailles associées devant être au minimum de la taille du volume élémentaire représentatif. Le comportement moyen du système à modéliser dans chaque maille élémentaire est alors caractérisé par des paramètres macroscopiques (conductivité hydraulique, porosité, emmagasinement, dispersivité, etc.) qui sont définis en tout point du domaine à modéliser, et dont les valeurs exactes sont rarement connues et doivent donc être estimées lors du processus de calage du modèle.

C’est l’approche la plus précise pouvant être utilisée en modélisation spatialisée, mais c’est aussi celle qui nécessite le travail de calage le plus important.

36 Voir paragraphe suivant et l’Annexe 9.

37 MIFIM : A variable-volume, head-dependent mine water filling model

38 Formé pendant l’exploitation, au niveau des inter-bancs marneux, à la suite des foudroyages [111].

125 Dans le cas des milieux fortement hétérogènes tels que certains milieux fracturés ou karstiques, la structure des vides est hétérogène à plusieurs échelles, de telle sorte que l’hétérogénéité du milieu poreux croît avec l’augmentation de la taille du VER [46]. Les modèles maillés résultant de l’approche classique sont alors difficiles à mettre en œuvre en raison de l’impossibilité fréquente de définir un volume élémentaire représentatif compatible avec les objectifs du modèle. Le VER finit ainsi par englober l’intégralité du domaine à modéliser, ce qui rend l’approche continue inutilisable.

Les réservoirs miniers présentent des différences majeures avec les réseaux karstiques. Tout d’abord, parce que la répartition des vides miniers est entièrement connue, grâce au travail des géomètres. Ensuite, parce que la structure des vides est d’origine anthropique et de ce fait beaucoup plus « organisée ». Enfin, parce que les galeries de mine ont des parois beaucoup plus régulières que les conduits karstiques [58].

Ainsi, dans le cas d’un réservoir minier, dont la géométrie est connue, on pourrait imaginer ne plus devoir se préoccuper du VER en définissant une taille de maille à la dimension de la section d’une galerie de mine, pour s’affranchir des hétérogénéités liées au réseau de galeries.

Mais on se heurte alors à une autre difficulté : tout d’abord, une galerie de mine n’est pas un milieu poreux, et la condition d’application de la loi de Darcy, qui est à la base de cette description continue des écoulements souterrains, n’est alors plus respectée. Par ailleurs, les écoulements en galerie peuvent y être turbulents, notamment en phase d’ennoyage des vides miniers, et une deuxième condition d’application de la loi de Darcy n’est plus non plus respectée. Des modélisations faisant intervenir des nombres de Reynolds importants ont toutefois été mises en œuvre à l’aide d’outils spécifiques40 pour des zones foudroyées suite à une exploitation en longue taille [59].

1.3.4 Modèles mixtes

D’autres auteurs proposent une approche mixte, à l’aide d’un modèle maillé qui représente le milieu poreux non exploité couplé à un modèle de réseaux de tubes [60], ou à des mailles représentant des zones exploitées où des équations spécifiques sont utilisées [61].

La première approche permet de coupler le milieu poreux avec des tubes en réseau utilisés pour modéliser les écoulements en galeries [60]. L’avantage est de pouvoir modéliser des écoulements turbulents, en réécrivant notamment la relation de Darcy-Weisbach exprimant la perte linéaire de charge Δℎ d’une conduite en fonction de la vitesse moyenne 𝐶𝐶̅ du fluide sous une forme intégrant différents modes d’écoulement, suivant les deux paramètres de calage 𝛼𝛼 et n :

Δℎ = 𝛼𝛼𝐶𝐶̅𝑐𝑐

Selon la deuxième approche (méthode HFEMC : Hybrid Finite Element Mixing Cell), on considère des interactions entre le milieu poreux non exploité et les travaux ennoyés par l’intermédiaire d’un couplage entre milieu poreux continu et un modèle à réservoirs [61]. Pour ce faire, le domaine d’étude est découpé en sous-domaines. Selon que l’on se trouve dans un milieu exploité ou non, on utilisera alors différentes équations (Figure 61). En pratique, on considérera soit l’équation de l’hydrodynamique classique qu’on appliquera au maillage régulier de la nappe libre / captive, soit une équation permettant de calculer l’évolution de la

40 Le Telescopic Mesh Refinement [113] a notamment servi à définir les conditions aux limites et les paramètres utilisés dans les zones foudroyées, à partir d’une géométrie définie à plus grande échelle. Il ne trouve pas sa place dans nos travaux mais s’avère être un outil extrêmement puissant.

126 charge hydraulique moyenne d’une zone exploitée, et conséquemment le débit d’échange du secteur exploité avec la nappe environnante (« condition aux limites interne » sur la Figure 61). Il est également possible de calculer les échanges éventuels entre les zones exploitées par des galeries / puits de liaison (« liaison hydraulique » sur la Figure 61) grâce à une équation du premier ordre.

Figure 61 - Schéma général de la méthode HFEMC. Modifié d’après [61].

Cette méthode permet de tenir compte de la structure de la mine de la façon la plus simple possible. Elle sera toutefois écartée dans nos travaux, car nous souhaitons utiliser au mieux les données géométriques détaillées à notre disposition.