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CHAPITRE 3 : LES CONCEPTS DU DOMAINE PSYCHOLOGIQUE

3.1. Les concepts théoriques

3.1.1. Les modèles d’autorégulation

3.1.1.2. Le Modèle du Sens Commun (Leventhal)

Le Modèle du Sens Commun, modèle d’autorégulation, est issu des recherches menées auprès de patients pour comprendre leur observance thérapeutique. Les premiers travaux de Leventhal et coll. (1970) ont porté sur la communication et les messages basés sur la peur concernant les recommandations et les changements d’attitudes liés à la santé. Ces travaux ont d’abord mis en évidence que la représentation de la menace sur la santé combinée à des plans d’action était le facteur déterminant pour des processus de coping ultérieurs. Leventhal, Meyers et Nerenz (1980) ont ensuite cherché à définir la nature de la représentation mentale de la maladie, conduisant Leventhal, Nerenz et Steele (1984) à élaborer le Modèle du Sens Commun (CSM) des représentations de la maladie (Diefenbach et Leventhal 1996).

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Le Modèle du Sens Commun cherche à appréhender les processus cognitifs, émotionnels et comportementaux impliqués dans l’adaptation de l’individu face à des perturbations physiques et psychologiques.

Ce modèle repose sur l’idée centrale de représentations mentales de la maladie. Lorsqu’il se trouve dans une situation de maladie, l’individu élabore des représentations cognitives et émotionnelles propres à sa maladie. Cette élaboration est réalisée à partir de trois sources :

- Les croyances profanes constituées d’informations issues des connaissances concernant la maladie ; ces informations profanes sont étroitement liées au contexte social et culturel.

- Les informations provenant de l’environnement social externe c’est-à-dire délivrées par les professionnels de santé, les experts ou les proches.

- L’expérience de la maladie au travers des symptômes présents ou passés. L’élaboration des représentations mentales est basée sur des sources concrètes et abstraites d’informations utilisées pour donner du sens à la maladie et y faire face. En effet, les représentations de la maladie s’appuient sur l’intégration des sensations somatiques sous-tendues par des schémas ou prototypes liés à la maladie (Fishbein et al. 2001).

Les travaux initiaux des auteurs (Leventhal, Leventhal et Contrada 1998) ont montré que l’individu structure ses représentations autour des cinq principaux éléments cognitifs suivants:

- l’identité correspond à l’étiquette que l’individu attribue à sa maladie et aux symptômes associés.

- la chronologie fait référence au facteur temporel de la maladie c’est-à-dire son évolution, sa durée et sa guérison.

- les causes supposées concernent les origines possibles de la maladie.

- les conséquences, imaginées ou réelles, se rapportent aux répercussions anticipées de la maladie sur les plans physiques, sociaux et économiques.

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- le contrôle perçu correspond au degré par lequel l’individu ou les professionnels peuvent prévenir, guérir ou stabiliser la maladie.

Reprenant ces éléments cognitifs initiaux, les représentations de la maladie ont été quelque peu modifiées et formalisées ultérieurement (Moss-Morris et al. 2002) sous la forme des sept dimensions suivantes, avec en particulier l’ajout des dimensions liées à la cohérence de la maladie et aux émotions:

- l’identité repose sur l’expérience de l’individu concernant les symptômes qu’il associe à la maladie.

- la chronologie (aiguë/chronique). - la chronologie cyclique.

- les conséquences.

- les éléments de contrôle personnel. - les éléments de contrôle du traitement.

- les éléments de cohérence de la maladie se réfèrent à la façon dont l’individu comprend sa maladie.

- les représentations émotionnelles appréhendent la dimension émotionnelle de l’individu face à sa maladie et complètent les dimensions cognitives précédentes.

Face à la maladie, l’individu recherche activement des solutions selon un positionnement qui s’articule autour de trois étapes (Leventhal, Diefenbach et Leventhal 1992). Selon Leventhal (Fishbein et al. 2001) les représentations influencent la sélection de réponses de coping et donnent forme à leur exécution :

- Tout d’abord, l’individu élabore des représentations cognitives concernant cette menace et réagit sur le plan émotionnel.

- Ces représentations de la maladie induisent des comportements d’ajustements ou coping.

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- Les résultats des actions d’ajustement sont ensuite évalués. Une autoévaluation peut conduire le cas échéant à un nouvel ajustement des représentations et des réponses de coping.

Les processus impliqués dans les étapes que sont l’élaboration des représentations de la maladie et les actions qui en découlent, s’inscrivent dans une interface qui relie l’individu à son environnement. Cette interface représente un espace où l’individu est actif dans la recherche de solutions à ses problèmes de santé. Elle dépend de facteurs singuliers comme l’histoire personnelle de l’individu, sa personnalité, son contexte social et culturel qui conditionnent le processus de résolution de problème (Diefenbach et Leventhal 1996). Ainsi, l’élaboration des représentations de la maladie repose sur des facteurs individuels aussi bien que sur des facteurs environnementaux externes.

Le Modèle du Sens Commun comprend deux systèmes de traitements indépendants qui, ensemble, forment un système d’autorégulation (Figure 3.3). L’un des deux systèmes de traitement crée des représentations s’appuyant sur la réalité perçue de la menace sur la santé, l’autre crée des représentations s’appuyant sur les réactions émotionnelles (Leventhal, Diefenbach et Leventhal 1992; Diefenbach et Leventhal 1996).

Figure 3.3 : Le modèle du Sens Commun des représentations de la maladie (Diefenbach et Leventhal 1996)

Représentation

liée à la menace sur la santé

Coping

Représentation liée à l’émotion

Coping Evaluation

Contexte culturel et social

Evaluation

Stimuli

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Stratégies de coping utilisées pour gérer les réactions émotionnelles Représentation cognitive de la maladie Cause, Conséquences « Guérison »/ Contrôle, Identité, Durée Evaluation du coping Evaluation des styles/stratégies de coping adoptés pour faire face aux

réactions émotionnelle Conséquences émotionnelles

Détresse émotionnelle Evaluation du coping Evaluation de l’impact des styles/stratégies de coping adoptés

Conséquences de la maladie Maladie état Fonctionnement physique Bien-être psychologique Fonctionnement du rôle Fonctionnement social Vitalité Stratégies et styles de coping Evitement/ Déni Ré-évaluation cognitive Expression des émotions Coping centré sur le problème

Soutien social

Stimulus de la maladie Informations communes

stockées en mémoire, Informations données par des

sources externes et Informations somatiques et symptomatiques Boucle de feedback Boucle de feedback Représentation émotionnelle de la maladie

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Les processus actifs lors de la construction de ces étapes (représentations, réponses de coping, évaluation) impliquent l’intégration d’informations issues de deux types de mémoires, la mémoire épisodique (autobiographique et émotionnelle) et la mémoire sémantique (représentations et concepts) (Leventhal, Diefenbach et Leventhal 1992). Selon le Modèle du Sens Commun, des stimuli externes et internes suscitent des représentations de la maladie lorsqu’ils sont confrontés à des expériences antérieures de santé et de maladie inscrites dans la mémoire épisodique (Diefenbach et Leventhal 1996). Les représentations sont d’autant plus influencées par les informations liées à la santé que celles-ci sont en adéquation avec les informations antérieures.

Le système de régulation repose sur les interactions étroites entre les processus de représentations comprenant les représentations cognitives et émotionnelles, les réponses de coping cognitives et émotionnelles et l’évaluation (figure 3.4).

La maladie évoluant constamment, les représentations, les réponses de coping et les processus d’évaluations évoluent également (Diefenbach et Leventhal 1996; Leventhal, Leventhal et Contrada 1998). Le Modèle du Sens Commun présente donc un système d’autorégulation où l’individu fait face à sa maladie de façon dynamique.

L’étude des représentations élaborées par l’individu concernant sa maladie a pour objectifs des applications cliniques (Weinman et Petrie 1997; Petrie et Weinman 2006; Petrie, Jago et Devcich 2007; Figueiras et al. 2010) et plus particulièrement la compréhension de l’observance thérapeutique (Horne et Weinman 1999; Horne et Weinman 2002; Llewellyn et al. 2003; Karamanidou, Weinman et Horne 2008) et/ ou le rétablissement (Cooper et al. 2002; Figueiras et Weinman 2003).

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