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2.5.1 Historique du modèle

Depuis près d’un siècle, des études ont été menées afin de mieux comprendre la relation parents-enfant à terme. Selon Bell (2002), les travaux réalisés jusqu’à maintenant ont principalement permis de mettre en évidence l’importance de cette relation pour l’enfant ainsi que pour ses parents et sa famille, les facteurs associés au développement de

la relation de même que le processus d ’établissement de cette relation. Que ce soit par l’observation minutieuse des interactions mère-enfant, l’observation des comportements maternels au fil du temps ou l’étude des qualités émergentes dans le processus d’établissement de la relation, un constat demeure : la relation parents-enfant est le plus souvent étudiée sous un angle ou un autre, mais rarement de manière à prendre en considération l’ensemble des dimensions identifiées par les auteurs qui s’y sont intéressés. Ce sont précisément ces préoccupations qui ont poussé cette auteure à effectuer différentes études et affiner, par le fait même, un modèle d’établissement de la relation parents-enfant.

L’émergence du modèle de Bell (2002) et les composantes qui s’y rattachent s’inscrivent dans une lignée d’études qualitatives qui avaient pour but de cerner la manière dont se construit la relation parents-enfant au cours des premiers mois suivants la naissance (Bell, Goulet, St-Cyr Tribble, Paul & Polomeno, 1996; Goulet, Bell, St-Cyr, Paul & Lang,

1998). De façon chronologique, les deux dernières études mentionnées ont d’abord permis de mieux cerner le concept d’attachement parents-enfant en déterminant ses attributs, ses antécédents et ses conséquents. Ainsi, à la suite de l’analyse exhaustive de différentes définitions du concept «attachement parents-enfant» selon la méthode décrite par Wilson (1963), trois concepts émergeants, voire trois composantes essentielles de cette relation, ont été identifié soit : la proximité, l’initiation des interactions et l’investissement du rôle parental (Bell et al., 1996; Goulet et al., 1998). Une étude qualitative du concept d ’attachement chez des mères et des pères pendant la période périnatale, effectuée par Bell en 1996, visait à décrire l’établissement de cette relation telle que perçue par des parents ayant un enfant âgé entre deux à six semaines, et ce, sur la base des composantes identifiées précédemment. En d ’autres termes, cette étude visait principalement à décrire les indices verbaux du développement du lien d ’attachement des parents envers leur nouveau-né afin de préciser sa conceptualisation. Les résultats de cette étude (Bell et al., 1996) ont apporté un nouvel éclairage sur les composantes identifiées antérieurement. En effet, la première composante, la proximité, a été scindée en deux composantes distinctes, à savoir le contact physique et le développement de la relation affective. De même, lors de cette étude, des précisions quant aux définitions des composantes de l’investissement du rôle parental et de l’initiation des interactions ont été apportées. Enfin, cette étude a permis l’identification

d ’une cinquième composante, c’est-à-dire la découverte. Dans une autre étude effectuée en 2002, cette même auteure s’est intéressée à l ’établissement de cette relation chez les deux parents envers leur enfant. L’objectif principal de cette étude était de décrire, du point de vue des parents, les similitudes et les différences dans l’établissement des relations mère- enfant et père-enfant durant la période périnatale. Ainsi, dans une étude qualitative longitudinale, inspirée des principes de la théorisation ancrée (Strauss & Corbin, 1994), Bell (2002) a évalué la façon dont ces cinq composantes évoluent au cours des quatre premiers mois de vie de l’enfant, tant dans la relation mère-enfant que père-enfant. Dix-huit couples qui avaient donné naissance à un premier enfant né à terme ont été interviewés à trois reprises, à savoir une semaine, six semaines et quatre mois après l’accouchement. Les résultats de cette recherche démontrent clairement les différences entre l’expérience des mères et des pères dans le développement de la relation avec leur enfant suivant les cinq composantes du modèle. Alors qu’à une semaine, les mères cherchent à comprendre la signification des signaux de communication émis par leur enfant, les pères expérimentent un investissement affectif important à l’égard de leur enfant. De plus, lorsqu’à la sixième semaine, les mères investissent principalement le domaine des interactions sociales avec leur enfant, les pères sont quant à eux, divisés entre les demandes de la famille et celles de leur travail. Enfin, à quatre mois, les mères stimulent l’autonomie et les capacités communicatives de leur enfant tout en maintenant le lien affectif qu’elles ont développé avec lui. Au même moment, les pères rencontrent le défi de développer une relation exclusive avec leur enfant, une relation qui lui est propre (Bell, 2002). La figure 1 présente le modèle de la relation parents-enfant du modèle conceptuel de Bell (2002).

fait, il s’agit d’une phase qui est caractérisée par la recherche d’informations sur l’autre et l’attribution d’un sens à ses perceptions. Le processus de découverte mutuelle entre le parent et l’enfant est omniprésent durant la période périnatale (Bell, et al., 1996). Selon Bell et al. (2002), la découverte de l’enfant peut s’observer chez les parents par la connaissance des stades du développement de l’enfant et l’intérêt, voire une curiosité à connaître son enfant. Selon plusieurs auteurs, la connaissance que les parents développent de leur enfant tout au long de ce processus de découverte constitue la base sur laquelle peuvent s’ériger des liens plus sélectifs et durables (Boulanger & Goulet, 1994; Brazelton & Cramer, 1991; Rubin, 1984; Turner, 1970). Le contact physique entre le parent et son enfant fait appel aux comportements adoptés par le parent et l’enfant pour interagir (Bell et al., 2004; Lacombe & Bell, 2006). Selon Bell et al. (2002), la proximité physique peut s’observer chez le parent par les contacts physiques chaleureux et fréquents de même que par des contacts physiques lors des moments de détresse de l’enfant. De son côté, l’enfant met également en branle tout un répertoire de comportements qui servent à maintenir le contact physique avec l’adulte. Selon Bowlby (1969), les pleurs, les sourires, la capacité de maintenir un contact visuel prolongé et, le réflexe de préhension représentent quelques-uns des moyens utilisés pour maintenir la proximité avec l ’adulte. Le développement du

contact affectif se caractérise par la disposition affective des parents à l ’égard de leur enfant et de leur nouveau rôle qui se manifeste dans l’expression du plaisir, du sentiment de compétence à s’occuper de l’enfant et du contrôle sur leur expérience. Bell et al. (2004), ces auteures spécifient que la relation affective a trait aux affects des parents et de l’enfant ainsi qu’à leur régulation mutuelle. La qualité de la communication peut s’observer dans la cohérence quant aux réponses à l ’enfant, l’initiation et le maintien des interactions, le contenu verbal adéquat et chaleureux de même que la souplesse dans les échanges (Bell, 2002). L’initiation des interactions par les parents avec leur enfant correspond à l ’habileté et à la motivation des parents à initier, à maintenir et à terminer les interactions avec leur enfant, en tenant compte des capacités interactives de ce dernier. Ce à quoi Bell et al. (2004) ajoutent qu’il s’agit d’un processus qui se caractérise, d’une part, par la sensibilité du parent aux signes présentés par l’enfant et, d’autre part, par une réponse appropriée de ce dernier. Le parent doit ensuite développer l’habileté à ajuster son comportement de manière à susciter une réaction positive de la part de son enfant et à maintenir l’interaction

(Bell, 2002). Ceci implique que le parent doit être capable de décoder les signes d’engagement et de désengagement de son enfant pour reconnaître le moment opportun pour interagir avec lui et la quantité de stimulations à apporter, éléments essentiels à la poursuite ou à la cessation des interactions. La fréquence élevée des interactions permet au parent de décoder les comportements adoptés par son enfant et de s’y ajuster. Il est donc juste de parler de cycle interactionnel, qui sous-entend une rétroaction de même qu’une certaine évolution des actions entreprises par les parents pour répondre aux besoins physiques et psychologiques du nouveau-né (Boulanger & Goulet, 1994). Quant à l’engagement, il se définit comme étant l’investissement du parent envers l’enfant. Il réfère à la capacité du parent à assumer de nouvelles responsabilités et à s’engager réellement avec l’enfant. Les parents se sentent responsables de la sécurité, de la croissance et du développement de leur enfant. Il est important, selon Bell et al. (2004), de prendre en considération des différences dans les relations mère-enfant et père-enfant dans cette dimension puisque chacun d’eux s’investit de façon individuelle, mais complémentaire. Selon Bell (2002), l’engagement peut s’observer chez les parents par le sentiment de responsabilité à l’égard de l’enfant, la disponibilité physique et psychologique du parent ainsi que l’adaptation personnelle et familiale. De plus, selon cette auteure, la stimulation de l’enfant et la sécurité de l’environnement sont d’autres éléments qui témoignent de l’investissement personnel dans le rôle de parent.

Précisément, dans le modèle conceptuel de Bell (2002), la sensibilité parentale est au cœur des cinq composantes de la relation parents-enfant. La sensibilité parentale est à la fois intégrée et interreliée à chacune des composantes de la relation parents-enfant. Par exemple, la sensibilité est intégrée dans la souplesse des échanges entre le parent et son enfant (composante de l’établissement des interactions). De même, la disponibilité physique et émotionnelle (composante de l’investissement personnel dans son rôle parental) est reliée à la sensibilité parentale. De ce fait, des liens d’intégration et d’interrelation entre les composantes et la sensibilité parentale se tissent comme une toile de fond qui donne à la relation parents-enfant tout son sens.

Pour conclure cette partie, force est de constater que le choix du modèle conceptuel de Bell (2002) est tout à fait approprié puisque la sensibilité parentale représente, selon les écrits, un point névralgique et par le fait même, un défi de taille dans les processus interactionnels entre le parent et son enfant prématuré. Bien que les études de Bell n ’aient pas été faites dans un contexte de prématurité, les composantes du modèle de l’établissement de la relation parents-enfant identifiées par cette auteure serviront d’assises quant à la définition de la relation parents-enfant retenue et au choix d’assises méthodologiques, présentées ultérieurement dans ce document. Selon Corbin et Strauss (2008), l’utilisation d ’un modèle peut fournir un guide conceptuel pour le choix des notions qui seront investiguées.

Afin de comprendre l’état des connaissances sur la relation parents-enfant à l’UNN, la prochaine section dépeint une recension exhaustive des écrits a été faite selon les cinq composantes de la relation, à savoir la découverte, la proximité physique, le contact affectif, la communication et l’engagement.