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2.4 Modèle stochastique de turbulence

2.4.2 Modèle RDT

La partie précédente nous a montré qu’on pouvait modéliser la turbulence par un processus de Langevin. Cependant, l’équation modèle introduite précédemment est d’une part purement phénoménologique et d’autre part ne fait intervenir aucune dérivée spatiale et ne peut donc foncièrement décrire qu’une turbulence homogène. Dans tous les cas, il serait intéressant de pouvoir obtenir un modèle directement à partir de l’équation de Navier-Stokes. Ceci peut être fait en appliquant un filtre à cette équation qui permet d’isoler les grandes échelles de l’écoulement :

U (~x) = Z

G(~x − ~x0)~u(~x0) d~x0 , (2.27)

où G est une fonction localisée autour de l’origine. En appliquant ce filtre à l’équation de Navier- Stokes (sans forçage pour simplifier), on vérifie que le champ de vitesse moyen (ou filtré) vérifie l’équation de Navier-Stokes avec un terme supplémentaire qui fait intervenir le fameux tenseur

de Reynolds τij : ∂tUi+ Uj∂jUi = − 1 ρ∂ip + ν∇ 2U i− ∂jτij , (2.28) τij = uiuj − uiuj .

Maintenant se pose le problème de la fermeture de cette équation : il faut exprimer le tenseur de Reynolds en fonction du champ moyen pour pouvoir résoudre de façon consistante la première équation. C’est le plus vieux problème de la turbulence : quelle fonction du champ moyen utiliser pour obtenir une modélisation réaliste des grandes échelles de la turbulence ? Cette question a donné naissance à plusieurs classes de modèles : les modèles de viscosité turbulente, les modèles de similarité et les modèles combinant ces deux approches (voir Laval, 1999, pour les détails).

Une approche alternative consiste à écrire l’équation que vérifie la partie fluctuante ~u0 =

~u − U du champ de vitesse et essayer de trouver une approximation pour la résoudre. Pour trouver cette équation, il suffit de retirer à l’équation de Navier-Stokes originelle celle obtenue pour les grandes échelles. Dans le modèle de la « Rapid Distortion Theory » (Dubrulle et Nazarenko, 1997), on fait l’hypothèse qu’à petite échelle, les interactions importantes sont les interactions non-locales, c’est à dire entre des nombres d’onde éloignés l’un de l’autre (cf. figure 2.3). Cela revient à considérer les interactions dissonantes : une petite échelle interagit avec une grande pour donner une petite échelle. On s’attend donc à ce que ce modèle soit très





kI kd

E(k)

k

Fig. 2.3 – Image de la cascade non locale dans le cas idéal avec trou d’énergie. A gauche,

dans l’espace réel où des gros tourbillons transmettent de l’énergie à des tourbillons de taille beaucoup plus petite. A droite, dans l’espace spectral où les transferts d’énergie se font entre nombres d’ondes éloignés (des petits vers les grands).

intermittent. En pratique, on néglige donc dans l’équation pour le champ de vitesse à petite échelles tous les termes faisant intervenir un produit de quantités fluctuantes. Il faut noter qu’à grande échelle, les interactions importantes restent celles entre nombre d’ondes voisins comme dans la cascade de Richardson. Sous ces hypothèses, on obtient l’équation suivante pour les petites échelles de la turbulence :

∂tu0i = −∂j(Uiu0j+ u0iUj) − ∂ip0 + νt∆u0i+ ∂jτij , (2.29)

τij = UiUj − UiUj + u0jUi+ u0iUj .

Le dernier terme représente le forçage des petites échelles par les grandes échelles. Les inter-

actions locales ont été remplacées par un terme de viscosité turbulente, νt. Par la suite, on

appellera modèle RDT, le système composé des équations (2.28) et (2.29) et des conditions d’incompressibilité de la partie moyenne et de la partie fluctuante.

On peut réécrire l’équation (2.29) en utilisant la transformée de Gabor : ˆ

u(~x, ~k, t) = Z

d~xg( | ~x − ~x0 |)ei~k·(~x− ~x0)

~u(~x, t) , (2.30)

où g est une fonction rapidement décroissante à l’infini. Une telle transformée représente un paquet d’ondes localisé en position (~x) et en nombre d’onde (~k). Comme la transformée de Fourier, celle-ci permet de traiter de façon simple les termes de pression et de dissipation dans l’équation de Navier-Stokes. Son intérêt repose sur le fait qu’elle peut représenter un champ inhomogène contrairement à la transformée de Fourier qui est intrinsèquement homogène. Un autre avantage est que les incréments (centrés) de vitesse s’expriment très facilement en fonction de la transformée de Gabor du champ à petites échelles :

~u(~x + ~l) − ~u(~x − ~l) = 1 2i

Z

e−~l·~k=(ˆu(~x, ~k))d~k , (2.31)

2.4. MODÈLE STOCHASTIQUE DE TURBULENCE 25

décrit par les équations (2.29), on obtient la formulation RDT de la turbulence non-locale, Dtu = ˆˆ u · ˆξ + ˆσ⊥− νtk2u ,ˆ ˆ ξ = ~∇(2~k k2U~0· ~k − ~U0) , (2.32) ˆ σ⊥ = ˆσ − ~k k2(~k · ˆσ) ,

où Dt= ∂t+ ˙~x· ~∇+˙~k·~∇kest une dérivée convective dans l’espace de Gabor et les caractéristiques

sont données par :

˙~x = U0 = ~∇kH , (2.33)

˙~k = −~∇(~k · ~U0) = −~∇H ,

avec H = ~U0· ~k. Etant donné qu’à grande échelle, la dynamique est essentiellement locale, ces

dernières ne sont que faiblement influencées par les petites échelles et on peut donc considérer les quantités ξ et σ comme des bruits donnés (dont la statistique dépend des grandes échelles). L’équation (2.32) se réduit donc à une équation stochastique dans l’espace de Gabor avec un bruit multiplicatif et un bruit additif. On appellera modèle RDT stochastique la combinaison des équations (2.29) et (2.32).

L’avantage de ce modèle est de pouvoir réaliser des simulations numériques rapides car l’équation pour les petites échelles est linéaire et donc ne nécessite pas énormément de temps de calcul. La seule difficulté est que cette équation fait intervenir 2 bruits ξ et σ issus de l’interaction non-locale et dont les propriétés statistiques ne sont pas données. Pour valider ce modèle et obtenir des informations sur la statistique des bruits, on peut envisager (au moins) 2 approches : la résolution numérique de l’équation de Navier-Stokes ou bien une approche expérimentale associée au calcul de la statistique de ces bruits. Dans la partie suivante, nous allons présenter l’étude à partir de données expérimentales, d’une quantité globale d’un écoulement turbulent.

Chapitre 3

L’écoulement de von Kármán

3.1

Description et propriétés

L’écoulement de von Kármán a été dans les dernières années l’objet de nombreuses études car il permet d’atteindre des régimes très turbulents. Il est actuelement étudié dans le « Groupe Instabilités et Turbulence » (associé avec les ENS de Paris et de Lyon dans le cadre du projet VKS) à cause de sa capacité à créer un champ magnétique par effet dynamo. En effet, cet écoulement est connu pour engendrer des taux de vorticité très élevés : cela est intéressant dans le cadre de l’effet dynamo compte tenu de l’analogie entre l’équation pour la vorticité et celle pour le champ magnétique (voir la partie suivante pour une introduction à l’effet dynamo). Nous nous sommes donc intéressés plus particulièrement à la turbulence se développant dans cet écoulement afin d’étudier son influence sur l’effet dynamo.