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2.5 Modèles d’études du cycle d’HSV-1

2.5.3 Le modèle murin oro-oculaire

Notre équipe d’accueil a développé un modèle murin d’infection herpétique oro-oculaire (OO), qui présente l’avantage unique de reproduire en grande partie l’histoire naturelle de l’infection chez l’homme : primo-infection par voie orale (inoculation labiale) puis latence du virus dans les deux TG, comme chez l’homme. De plus, les atteintes oculaires (notamment les réactivations) ne sont observées que d’un côté (celui de l’inoculation), alors même que du génome viral latent est bien retrouvé dans les deux TG de façon symétrique en phase d’infection latente (sans expression protéique), associés à des LAT [60].

Pathogénèse virale et propagation du virus dans le modèle murin oro-oculaire

Le modèle murin d’infection herpétique OO a été décrit initialement avec la souche sauvage SC16 de HSV-1, isolée à partir d'un patient par Hill et al. en 1975 [115]. Plusieurs des résultats acquis depuis l’ont été avec des souches génétiquement modifiées à partir de cet arrière-fond génétique. Après inoculation dans la lèvre supérieure gauche, le virus se propage sur les fibres nerveuses sensitives, pour atteindre le TG gauche (ipsilatéral au côté d’inoculation) à J4 p.i. Les neurones du TG sont responsables de l’innervation sensitive de la face et correspondent au site principal de la latence de HSV-1, c’est pourquoi nos études sont centrées principalement sur cet organe nerveux. Le virus peut ensuite se propager depuis le TG gauche vers le système nerveux central (SNC), où HSV-1 peut être détecté par immunomarquage à partir de J6 p.i. [116]. A cette date, le noyau du tractus solitaire, l’area postrema, le locus coeruleus et l’hypothalamus, tous connectés au système trigéminal, sont

infectés des deux côtés. Suite à l’infection bilatérale de ces structures médianes, le virus se propagerait vers le TG droit (controlatéral au site d’infection) où il est retrouvé à J6 p.i. Par ailleurs, depuis les TG, le virus migre de façon antérograde vers le ganglion ciliaire puis l’œil. Dans notre modèle, les animaux présentent des signes généraux d’infection à partir de J4 p.i., puis des signes d’infection oculaire (mydriase, opacités ulcères et néovascularisation cornéenne, blépharite) entre J6 et J10 p.i., mais uniquement du côté de l’inoculation (Figure 9).

Figure 9 : Signes cliniques oculaires dans le modèle oro-oculaire. A) Néovascularisation cornéenne. B) Ulcère cornéen avec opacification, croûtes et blépharite. C) Ulcère avec néovascularisation.

Le virus pourrait aussi directement atteindre théoriquement le TG droit via la propagation le long des fibres sensitives innervant la bouche, suite à une multiplication virale locale au site d’inoculation niveau (lèvre supérieure gauche) avec passage de virus dans la salive puis dans des zones buccales connectées au TG droit.

Cependant, même si cette voie de diffusion est possible, elle n’est certainement pas majoritaire dans la mesure où l’injection du virus dans la lèvre gauche est faite en profondeur (sous cutanéomuqueuse), limitant ainsi la propagation virale dans la sphère buccale.

Par ailleurs, les sites d’infection herpétique dans les jours qui suivent l’inoculation sont difficilement compatibles avec une diffusion par voie hématogène car tous les essais d’inoculation

A

B

intraveineuse de virus chez la souris et le lapin ont conduit à des atteintes principalement hépatiques et pulmonaires, mais une diffusion très limitée (voire absente) dans le système nerveux central [117- 119]. De ce fait, la propagation du virus dans les TG et dans le SNC dans notre modèle ne résulte probablement pas de la diffusion hématogène du virus, et les zones cérébrales atteintes sont toutes connectées aux voies trigéminées ou sympathiques connectées à la bouche, sans atteinte primitive du cerveau, comme cela est observé dans les exceptionnelles encéphalites virales.

Le virus se propage de façon simultanée, le long des voies sympathiques jusqu’au ganglion cervical supérieur (SCG) gauche où il arrive dès J2 p.i. (Figure 10). Il se propage ensuite jusqu’à la colonne intermédiolatérale (IML) dans la moelle épinière gauche (entre J6 et J8 p.i), puis droite entre J8 et J10. Depuis l’IML, le virus gagne le SCG droit et infecte différentes structures du SNC de manière bilatérale, les noyaux du tractus solitaires les noyaux paraventriculaires, supra chiasmatiques et amygdaloïdes de l’hypothalamus et la zona incerta. Il est à noter que plusieurs de ces structures sont aussi liées à la rétine, de façon directe, ce qui pourrait expliquer la survenue d’atteintes rétiniennes en clinique humaine [20].

La propagation du virus depuis la lèvre est expliquée par la capacité́ du virus à se propager selon le réseau transynaptique (réseau de neurones connectés entre eux par des synapses). Mais il faut également prendre en compte la propagation entre deux neurones adjacents situés dans une même structure anatomique mais sans connexion synaptique (transfert local), en particulier par le biais d’une infection des cellules gliales [20].

Figure 10 : Voies de propagation nerveuses de HSV-1 dans le modèle murin oro-oculaire. A) Voies sensitives de propagation suite à une inoculation labiale gauche (flèches rouges). Le virus infecte d’abord le TG gauche, puis se propage dans l’area postrema, le noyau du tractus solitaire, le locus coeruleus avant d’atteindre le TG droit. Il peut également emprunter une voie alternative en se propageant à des zones de la sphère buccale connectée au TG droit, induisant ainsi sa propagation dans cet organe. B) Ensemble des voies de propagation virales. Les voies nerveuses autonomes sont représentées en bleu, les voies sensitives en rose et les voies motrices en vert. (SCG : ganglion cervical supérieur ; IML : colonne intermédiolatérale ; AP : area postrema ; Sol : noyau du tractus solitaire ; Pa : noyau paraventriculaire ; Sch : noyau suprachiasmatique ; Sp5 : noyau du tractus spinal trigéminal ; CG : ganglion ciliaire ; EW : noyau d’Edinger-Westphal). D’après [120].

Latence dans le modèle oro-oculaire

Les sites de latence sont identifiés dans ce modèle par l’expression des LAT en l’absence de production de particules virales infectieuses à J28 p.i. L’expression des LAT peut être détectée par hybridation in situ sur des coupes de souris infectées par la souche sauvage SC16 ou par la souche modifiée LβA (le gène LacZ étant inséré́ dans le locus LAT) [116 120]. L’utilisation de ces deux souches a permis de montrer que HSV-1 peut entrer en latence dans de nombreux sites neurologiques, et plus particulièrement dans les tissus à la fois connectés à la sphère oropharyngée et à la sphère oculaire. Ainsi, tous les tissus neurologiques ayant hébergé du virus lors de la phase aiguë sont susceptibles d’héberger du génome viral latent. Ces données ont été́ complétées par des études en PCR quantitative. Le nombre de copies d’ADN viral latent et surtout celui des transcrits LAT varient considérablement en fonction du tissu étudié [60 61]. Ainsi, l’expression des LAT est nettement plus importante dans les neurones sensitifs du TG, que dans les neurones sympathiques du SCG, moteurs du noyau du nerf facial ou encore dans les neurones de l’hypothalamus. Cette disparité se retrouve également entre les TG gauche et droit : alors que la charge virale latente (nombre de copies de génomes) est statistiquement similaire entre les deux TG, la production des LAT est plus

importante du côté inoculé (côté gauche), de même que le nombre de neurones exprimant ces LAT [60 61]. Or, l’expression de ces derniers est étroitement associée à la possibilité ultérieure de réactivation virale. A l’inverse, une infection herpétique sans expression des LAT est considérée comme peu réactivable [79].