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Modèle des mécanismes cérébraux du rappel épisodique correct indicé par des odeurs

DISCUSSION GÉNÉRALE

5. Modèle des mécanismes cérébraux du rappel épisodique correct indicé par des odeurs

Le réseau du rappel épisodique correct est différent du réseau du rappel épisodique incorrect. C’est pourquoi il est intéressant de coupler l’étude du réseau central de la mémoire épisodique (Etude 5) à celle du réseau complet et spécifique de la mémoire épisodique correcte. Ainsi, nous pouvons avoir accès à l’ensemble des interactions spécifiques, essentielles à l’exactitude du souvenir. Dans ce paragraphe, nous combinerons l’ensemble de ces interactions spécifiques pour proposer un modèle du rappel épisodique correct (Figure 33). Un intérêt particulier sera apporté au LTM et aux régions sensorielles olfactives. En effet, le LTM et les régions olfactives sont connus pour stocker une partie de la trace mnésique du souvenir. De plus, il est fort probable que les régions olfactives, suite à la perception de l’odeur, constituent la porte d’entrée de ce réseau mnésique. Le modèle proposé dans ce paragraphe n’est qu’hypothétique et mérite d’être testé (cf., CONCLUSION & PERSPECTIVES, p.203).

Figure 33. Modèle hypothétique des mécanismes cérébraux du rappel épisodique correct indicé par les odeurs. A) Réseau précoce du rappel épisodique correct, lors de la perception de l’odeur. B) Réseau plus tardif du rappel épisodique correct, lors de la ré-expérience du souvenir. Les différents processus cognitifs impliqués sont représentés en blanc et les structures dont ils dépendent en bleu clair. Les interactions représentées en blanc correspondent aux interactions présentes tout au long du rappel épisodique. Les interactions représentées en jaune correspondent aux interactions spécifiques de l’étape du rappel épisodique en question. Les numéros représentent l’ordre temporel d’activation des régions au cours de chaque étape du rappel épisodique.

5.1. Le réseau précoce du rappel de souvenirs

Dans notre approche comportementale, les odeurs sont utilisées comme porte d’accès aux souvenirs. On peut ainsi faire l’hypothèse que les régions olfactives constituent l’origine de la mise en place du réseau du rappel épisodique. Si on suit cette logique, ce réseau peut être interprété comme suit (Figure 33A). Le CP et le COF sont activés suite à la perception de l’odeur. Leur activation entraîne le recrutement du gyrus temporal médian et inférieur (MTG/ITG), ainsi que celui du gyrus angulaire (AngG) et du précuneus. Ces deux ensembles de régions interagissent à leur tour, avec le gyrus frontal inférieur (IFG). Ce dernier entraîne l’activation du gyrus frontal supérieur latéral (SFG lat), ainsi que celle du cortex préfrontal médian (CPF med) et du cortex cingulaire antérieur (Cing ant). Ces deux ensembles de régions interagissent ensuite avec le LTM, le cortex retrosplenial et le cortex cingulaire postérieur (Cing post) qui forment un sous-ensemble étroitement interconnecté. Ce réseau, activé très précocement par la perception de l’odeur, permet la reconstruction correcte de l’ensemble du souvenir épisodique.

En d’autres termes, la perception de l’odeur connue engendrerait la récupération d’informations associées à l’odeur et celle d’images visuelles. Le tri et la sélection de ces informations sémantiques seraient ensuite nécessaires pour récupérer les informations pertinentes et spécifiquement associées à l’odeur. Cette sélection requièrerait des processus de recherche, et se baserait également sur des informations émotionnelles et relatives au self. Ensuite, la récupération d’informations épisodiques et l’évocation d’informations émotionnelles impliquant directement les participants génèreraient le sentiment de recollection.

5.2. Le réseau tardif de la ré-expérience des souvenirs épisodiques

La ré-expérience de l’épisode représente la fin du processus de rappel. Les participants ont fini de reconstruire les souvenirs épisodiques qu’ils peuvent maintenant revivre et élaborer (Figure 33B). Le réseau de la ré-expérience est constitué du réseau précoce du rappel épisodique (à l’exception du lien reliant les régions de la recherche et du contrôle cognitif avec celles de la recollection). À ce réseau, viennent s’ajouter de nouvelles interactions, qui renforcent la communication au sein du réseau de la mémoire épisodique. On peut faire l’hypothèse que le réseau précoce du rappel épisodique, recruté lors de la perception de l’odeur, se maintient tout au long du processus de rappel. Ces nouvelles interactions se mettraient en place après l’instauration de ce réseau et permettraient la ré-expérience correcte du souvenir épisodique. L’ensemble de ces nouvelles interactions concernent soit les régions de l’imagerie visuelle, soit les régions olfactives. Lors de la ré-expérience, les régions olfactives (CP, COF) et visuelles (AngG, Précuneus) interagissent avec le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire antérieur. En plus de ces nouvelles interactions, les régions visuelles communiquent également avec le gyrus temporal médian et inférieur. Ce réseau, ainsi connecté, sous-tend la ré-expérience des souvenirs épisodiques.

La ré-expérience du souvenir semble donc fondée sur des processus d’imagerie mentale visuelle et olfactive renforcés. Les images olfactives et visuelles évoquées seraient donc plus émotionnelles et impliqueraient davantage les processus relatifs au self quand les souvenirs

sont corrects que lorsqu’ils sont incorrects. D’autre part, les processus de contrôle cognitif interagissent davantage avec les régions olfactives et visuelles. Ces interactions pourraient refléter des processus de mémoire de travail, qui permettraient de maintenir, de manière plus vivace, les images olfactives et visuelles. Enfin, on peut supposer que les interactions entre les régions responsables des processus conceptuels multi-sensoriels, et les régions sensorielles visuelles et olfactives, sous-tendent des processus d’élaboration sémantique relatifs aux épisodes revécus.

5.3. Conclusions

En conclusion, le rappel épisodique correct est permis grâce à la mise en place d’un réseau neuronal précoce. Un grand nombre de processus cognitifs interagissent étroitement au sein de ce réseau et témoignent de la complexité de la mémoire épisodique. Au cours du rappel, ce réseau évolue et se complexifie, tout en accordant une place centrale aux processus sémantiques. Lors de la ré-expérience du souvenir, les processus cognitifs mis en jeu sont les mêmes que lors du rappel précoce indicé par l’odeur, mais ils interagissent plus étroitement encore. Les régions visuelles et olfactives communiquent davantage au sein du réseau. Les imageries mentales visuelle et olfactive seraient alors renforcées. A l’inverse des régions olfactives qui jouent un rôle clef au sein du réseau de la mémoire épisodique, le LTM et les processus de recollection en général, sont peu recrutés. La recollection semble plus associée aux premières étapes du rappel du souvenir, évoquées par l’odeur, qu’à la ré-expérience du souvenir. Il est également intéressant de noter que les régions olfactives et le LTM ne sont jamais directement connectés au cours du processus de rappel épisodique. Ces résultats vont à l’encontre des données anatomiques du système olfactif, qui révèlent une connexion directe entre le CP et le LTM. L’accès privilégié des odeurs aux souvenirs, grâce aux interactions fonctionnelles étroites entre le CP et le LTM, ne sont pas confirmées par nos données.