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LA PERCEPTION OLFACTIVE

2. Le système olfactif

2.1. L’organisation du système olfactif

Le système olfactif est organisé en plusieurs niveaux : l’épithélium olfactif qui tapisse la cavité nasale, le bulbe olfactif qui repose sur le plancher de la boîte crânienne et les cortex olfactifs (Figure 10).

2.1.1. L’épithélium olfactif et le codage de l’odeur

Chez l’Homme, l’épithélium olfactif est localisé dans la partie supérieure des cavités nasales et constitue l’entrée du système olfactif. Dans chaque narine, il recouvre une superficie d’environ 2.5 cm² et comprend 7 millions de neurones sensoriels, les neurorécepteurs (Moran et al., 1982).

Les neurorécepteurs olfactifs sont les seuls neurones en contact direct avec l’extérieur. Les agressions issues de l’environnement, telles que les substances chimiques toxiques ou la pollution, accélèrent leur dégénérescence. Cependant, ils possèdent la caractéristique d’être renouvelés périodiquement (tous les 30 ou 40 jours), ce qui assure la fonctionnalité du système olfactif tout au long de la vie de l’individu. Ce phénomène est appelé neurogenèse (Graziadei & Monti Graziadei, 1983). Les extrémités ciliées des neurorécepteurs, localisées

dans le mucus, sont tapissées de récepteurs transmembranaires sur lesquels se fixent les molécules odorantes (Figure 11A). Ce processus entraîne la dépolarisation des neurones sensoriels et la genèse d’un potentiel d’action, transmis au bulbe olfactif via les nerfs olfactifs.

Figure 10. Organisation du système olfactif, représentée en vue sagittale. Le cortex olfactif primaire est représenté en bleu et les cortex olfactifs secondaires sont représentés en violet et vert. Amyg, amygdale ; COF, cortex orbitofrontal, CP, cortex piriforme ; Ento, cortex entorhinal ; Hipp, hippocampe ; Thal, thalamus (Figure adaptée de Royet et al., 2013).

Le génome de la souris comporte 30000 gènes, dont plus de 1000 sont uniquement réservés au système olfactif, soit environ 3% du génome. Chez l’homme, on dénombre plus de 20000 gènes dont près de 900 codent pour les neurorécepteurs olfactifs (5%) (Buck & Axel, 1991; Glusman et al., 2001). Bien que seul le tiers d’entre eux soit fonctionnel, l’Homme est capable de percevoir plusieurs centaines de milliers d’odeurs (Mori et al., 2006; Bushdid et al., 2014). Ces performances sont possibles d’une part, du fait de la forte variabilité génétique des récepteurs olfactifs (Gilad & Lancet, 2003; Keller et al., 2007). D’autre part, bien qu’un neurone sensoriel n’exprime le plus souvent qu’un type de récepteur transmembranaire, ces capactités sont permises par un codage combinatoire entre les récepteurs et les odorants (Figure 11B). En effet, un même récepteur peut être "reconnu" par plusieurs molécules odorantes, et un même odorant peut activer différents récepteurs (Buck & Axel, 1991; Duchamp-Viret et al., 1999; Malnic et al., 1999). Le jeu des récepteurs olfactifs peut différer d’un individu à l’autre et conduire à une perception différente des odeurs, voire à l’absence de sensation pour une odeur donnée. Dans ce cas, il est question d’anosmie

spécifique. Par exemple, les anosmies spécifiques pour les odeurs de musc (e.g., galaxolide),

d’urine (androstenone), de sueur (acide isovalérique), de menthe (l-carvone) ont été mises en évidence (Amoore, 1970; Wysocki & Beauchamp, 1984).

Figure 11. Mécanismes de transmission du message odorant au bulbe olfactif. A) Schématisation des premières étapes de la perception d’une odeur : de la liaison des molécules odorantes sur les récepteurs à l’intégration de l’odeur au niveau du bulbe olfactif (adaptée de Firestein, 2001. B) Représentation du codage combinatoire odorants/récepteurs illustrant l’activation de plusieurs récepteurs par un même odorant, ainsi que l’activation d’un même récepteur par plusieurs molécules odorantes (Malnic et al., 1999).

2.1.2. Le bulbe olfactif

Les axones des neurones sensoriels se joignent pour former le nerf olfactif ou premier nerf crânien. Ensemble, ils traversent la lame criblée de l’ethmoïde et se projettent sur le bulbe olfactif ipsilatéral. Le bulbe olfactif est une structure paire de forme cylindrique et aplatie dorsalement, située sous les lobes frontaux, qui constitue le premier relais intracrânien du traitement de l’information olfactive. Au sein de chaque bulbe olfactif, les neurones sensoriels convergent au niveau des glomérules, de telle sorte qu’un neurorécepteur n’innerve qu’un seul glomérule et qu’un glomérule ne soit innervé que par des neurones exprimant le même type de récepteur olfactif (Firestein, 2001) (Figure 11A). Ainsi, chaque odeur active un ensemble de glomérules constituant sa carte d’activation spatio-temporelle. Cette carte est spécifique de la nature de l’odeur, mais également de son intensité : plus la concentration de l’odeur est élevée, plus le nombre de neurones sensoriels et de glomérules activés est élevé (Rubin & Katz, 1999). Au sein du bulbe olfactif, le message nerveux est transmis aux cellules mitrales et aux cellules à panache tout en étant modulé par les interneurones : les cellules périglomérulaires et à axones courts situées au niveau des glomérules, et les cellules granulaires localisées au niveau des cellules mitrales. Le message nerveux est ensuite acheminé vers les cortex olfactifs primaire (via le tractus olfactif latéral ou pédoncule olfactif) et secondaire qui constituent chacun un niveau supérieur d’intégration de l’information olfactive. Le rôle du bulbe olfactif dans le traitement de l’information olfactive a principalement été étudié chez l’animal. Chez l’Homme, les différentes méthodes d’imagerie

fonctionnelle, telles que la Tomographie par Emissions de Positrons (TEP), l’Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf), ou encore l’Electroencéphalographie (EEG), ne permettent pas d’étudier la fonction de ce relais de l’information olfactive, trop petit et difficile d’accès. Des images structurales du bulbe olfactif ont toutefois été récemment analysées, en IRM. Son volume serait proportionnel aux performances olfactives humaines (Abolmaali et al., 2002; Buschhüter et al., 2008).

2.1.3. Les cortex olfactifs

Le cortex olfactif primaire correspond à l’ensemble des régions cérébrales recevant des entrées directes du bulbe olfactif (Figure 12). L’absence de relais thalamique entre le bulbe olfactif et les aires olfactives primaires rend possible cet accès direct des informations en provenance du bulbe olfactif. Le cortex olfactif primaire est constitué principalement du noyau olfactif antérieur, du cortex piriforme (CP), du tubercule olfactif, du cortex périamygdalien et du CE latéral (Price, 1973; de Olmos et al., 1978). A l’exception du tubercule olfactif, toutes ces aires envoient en retour un signal centrifuge au bulbe olfactif. Ces régions se projettent ensuite sur l’hippocampe, le thalamus, et les cortex olfactifs secondaires, consitués du cortex orbitofrontal (COF) et du cortex insulaire (Price & Slotnick, 1983)(Plailly et al., 2008). Il est à noter que le cortex piriforme se projette également directement sur le COF et le cortex insulaire, sans transiter par le thalamus.

Figure 12. Schéma des principales structures et connections anatomiques du système olfactif, depuis l’épithélium olfactif jusqu’aux cortex olfactifs secondaires. Les flèches en traits pleins représentent les connections entre les aires du système olfactif. Les flèches en pointillés représentent les connections centrifuges vers le bulbe olfactif. CP, cortex piriforme ; HC, Hippocampe ; NOA, Noyau Olfactif Antérieur ; Cortex Periamyg, Cortex Periamygdalien, Thal, Thalamus.

De la même manière que pour le bulbe olfactif, nos connaissances sur l’anatomie et les connexions existantes entre ces régions proviennent principalement d’études chez l’animal.

De nombreux travaux de référence en anatomie, histologie et électrophysiologie sont décrits dans la littérature chez le singe (Tanabe et al., 1974; Takagi, 1986; Carmichael et al., 1994; Carmichael & Price, 1994). Chez l’Homme, les structures olfactives couramment retrouvées dans les études d’imagerie regroupent le CP, l’amygdale, l’HC, le COF et le cortex insulaire (Savic, 2002; Royet & Plailly, 2004; Gottfried & Zald, 2005; Zelano & Sobel, 2005; Gottfried, 2006; Seubert et al., 2013) (Figure 10).