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Chapitre 8- La moisson, un chantier sur la durée et en plusieurs phases

8.1. Modèle général de localisation et d’organisation du chantier

8.1.1. Définition du territoire cultivé

Dans les situations de polyculture élevage, les productions animales sont prioritaires. Ainsi les

activités spécifiques des fonctions techniques de production associées à l’élevage (Benoît,

1985) sont les premières à être allouées aux parcelles (assurer la pousse végétale pour sa

consommation estivale par le troupeau laitier et assurer la pousse végétale pour sa

conservation et la constitution de stocks hivernaux). Elles sont prioritaires dans l’exploitation.

Les activités d’élevage laitier sont d’abord une source de revenus régulière et importante pour

les producteurs. Avec un besoin élevé en surface fourragère l’agriculteur y consacre une

grande part de la surface de son exploitation. Ce sont aussi des activités qui consomment

quotidiennement de nombreuses heures de travail. Compte tenu de l’investissement à fournir

l’agriculteur en attend un retour optimal. Un des moyens de s’en assurer est d’optimiser

l’utilisation du territoire pour ces fonctions (assurer un bon niveau de production en

minimisant l’investissement en ressources). Les activités liées à l’élevage (consommation

estivale par les troupeaux productifs et ensilage d’herbe et de maïs) sont les premières

localisées dans le territoire de l’exploitation avec une prise en considération de leurs

contraintes spécifiques.

Le territoire des cultures de ventes (globalement la totalité des cultures excepté le maïs

fourrage) est alors un territoire défini et choisi par défaut. Les seuls critères prépondérants

sont la possibilité de labourer les parcelles et l’absence de fortes pentes. Dans certaines

situations la proximité d’un massif forestier, la faible taille et la forme de la parcelle peuvent

être considérées comme défavorables (Le Ber et Benoît, 1998). Peu de déterminants spatiaux

interviennent dans sa délimitation. Cependant l’utilisation du territoire consacré aux cultures

et la constitution des systèmes de culture (affectation des cultures à des parcelles sur plusieurs

années, choix des itinéraires techniques) relèvent de processus de décisions complexes et font

intervenir de nombreuses instances de régulation.

8.1.2. Gestion de l’assolement

La complexité de la gestion des terres labourables tient au fait :

- qu’elle concerne des pas de temps et des niveaux spatiaux variés (Doré et al.,

1997 ; Thenail et al., 2004). La campagne culturale, les couples précédant/suivant,

les successions de cultures sont des exemples de durées prises en compte. Pour les

niveaux spatiaux, on retrouve la parcelle, les blocs, les systèmes de culture, le

pool des parcelles labourées.

- qu’elle réclame sur des surfaces non négligeables des interventions fréquentes.

Nombreuses sont les opérations techniques nécessaires à la conduite d’une

culture.

- qu’elle est soumise à une forte probabilité de concurrences dans l’utilisation des

ressources de l’exploitation (main d’œuvre et matériel) (Aubry et al., 1998a).

Plusieurs catégories d’instances de régulation interviennent (Aubry et al., 1998b). Le tableau

81 les présente en précisant les entités spatiales concernées.

Tableau 81- catégories d’instances de régulation et espace

concerné (Aubry et al., 1998b ; Dounias, 1998 ; Papy, 2001a)

territoire cultivé

règles d’allotement

gestion des concurrences : règles d’arbitrage entre

cultures

systèmes de culture

règles de déclenchement et de fin

gestion des concurrences : règles d’arbitrage entre

parcelles d’une même culture et entre opérations

techniques

parcelles modalités d’intervention et règles

d’enchaînement

Avant toute chose l’agriculteur choisit les cultures qu’il veut implanter. Joannon (2004)

définit trois types de cultures :

- les cultures dont les surfaces dépendent principalement d’un quota ou de contrats,

cultures fortement rémunératrices ;

- les cultures moins rémunératrices dont la surface est variable.

De ces trois types, seul le premier (cultures fourragères) et le dernier (cultures peu

rémunératrices : orge d’hiver, blé, colza essentiellement) sont présents dans les Vosges. Les

conditions pédoclimatiques et les filières locales sont peu favorables au développement de

cultures industrielles à forte valeur ajoutée. La quasi totalité des débouchés sont orientés vers

l’alimentation du bétail et assez peu vers l’industrie agro-alimentaire. Rares sont les cultures

soumises à contrat et accompagnées d’un cahier des charges qui contraint leur conduite

technique et leur localisation (Aubry et al., 1998a ; Capillon et Valceschini, 1998 ; Le Bail,

2000). Les céréales à paille assurent la fourniture en paille des élevages. Le colza a un statut

particulier. Comme le maïs il perpétue une fonction de culture pivot (utilisation de la matière

organique). Il valorise les terres calcaires peu profondes (terres de plateau) fréquentes en

Lorraine. Son développement a été soutenu par l’Union Européenne, par l’octroi d’aides

spécifiques aux cultures oléoprotéagineuses et par l’autorisation d’utiliser les parcelles mises

en jachère pour des cultures industrielles.

Une fois les cultures choisies, l’agriculteur doit décider pour chacune la surface de la sole

qu’il veut implanter puis sa localisation. Il utilise, pour ce faire, des règles d’allotement. Les

quatre principales sont la définition (Maxime et al., 1995 ; Aubry et al., 1998a) :

- d’une hiérarchie des cultures,

- de zones cultivables,

- des délais de retour

- et de successions acceptables.

La mobilisation de ces instances de régulation lui permet de définir des blocs de cultures

(« ensemble des parcelles qui reçoivent la même succession de cultures » (Maxime et al.,

1995)22 et leur localisation.

22 Le bloc de cultures n’est pas équivalent au bloc de parcelles (« ensemble des parcelles contiguës appartenant à une exploitation

agricole » (Maxime et al., 1995)). Le terme d’îlot employé par la profession agricole et par l’administration est plus adapté à cette dernière

définition. La notion de bloc employé en élevage (Josien et al., 1994) se rapproche de celle de bloc de cultures (« ensemble de parcelles […]

Différentes stratégies existent pour localiser les blocs de cultures. Elles prennent en compte

les caractéristiques pédoclimatiques des parcelles des zones cultivables et l’organisation

globale du travail.

La valorisation des caractéristiques pédoclimatiques donne lieu à deux stratégies (Maxime et

al., 1995 ; Soulard, 1999, 2002) :

- les parcelles du bloc portant une même culture sont localisées dans la même zone

géographique. Cette stratégie facilite l’organisation du travail et la gestion des

déplacements mais rend la sole plus sensible aux risques climatiques, biologiques

ou biophysiques.

- les parcelles portant une même culture sont implantées de façon différenciée dans

l’ensemble de la zone cultivable de façon à valoriser toute la gamme de

potentialités disponibles. Dans ce cas, l’agriculteur peut mettre en œuvre un

itinéraire technique pour chaque zone géographique de façon à tenir compte de

leurs spécificités.

Dans les finages lorrains plusieurs zones sont reconnues avoir une influence sur les

organisations spatiales parce qu’elles offrent des conditions d’exercice de l’activité agricole

différentes (Deffontaines, 1990 ; Capitaine, 1999).

Deux stratégies interviennent également dans l’organisation globale du travail sur les terres

cultivées (Morlon et Trouche, 2002 ; Soulard, 2002 ; Morlon et Trouche, 2005a) :

- une construction d’itinéraires techniques à la parcelle. Dans ce cas, l’organisation

du travail n’est pas optimisée. Seuls les caractéristiques physiques de la parcelle,

les états de la parcelle et les états de la culture sont pris en compte.

- le raisonnement d’itinéraires techniques par groupes de parcelles liés à la

réalisation d’opérations techniques spécifiques. Il s’agit souvent d’opérations

techniques associées à l’usage d’un épandeur ou d’un pulvérisateur (la surface du

groupe de parcelles coïncide avec un multiple de la surface pouvant être traitée

par l’épandeur, le groupe de parcelles est proche d’un relais technique : point

d’eau, lieu de stockage privé ou collectif des intrants, etc.).

Parmi les cultures les plus courantes en Lorraine, le colza a une zone cultivable plus restreinte

que le territoire constitué de l’ensemble des terres labourables. Les cultures d’hiver sont en

général exclues des parcelles inondables. Le délai de retour minimum conseillé pour le colza

est de trois ans.