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Le modèle « demandes-ressources » de Demerouti et al (2001)

1.3. LES CONSTATS SUR LA PROBLÉMATIQUE

2.1.3 Le modèle « demandes-ressources » de Demerouti et al (2001)

Depuis quelques années, un troisième modèle semble s’imposer dans la littérature scientifique portant sur la santé mentale au travail. Toutefois, contrairement aux modèles présentés précédemment, celui-ci vise à expliquer l’épuisement professionnel (« burnout ») plutôt que la détresse psychologique au travail. Considérant qu’un individu en situation d’épuisement professionnel vit nécessairement de la détresse psychologique (alors que l’inverse n’est pas nécessairement vrai), il est donc pertinent d’analyser ce troisième modèle susceptible d’apporter un éclairage sur le stress vécu en milieu de travail. Comme précisé dans le chapitre 1 de ce mémoire, bien que l’épuisement professionnel touche généralement les individus travaillant avec de la clientèle, les employés qui ne correspondent pas à cette description n’en sont pas pour autant immunisés (Demerouti et al., 2001; Maslach et Jackson, 1986). En effet, selon Demerouti et al. (2001), les stresseurs susceptibles de mener à l’épuisement professionnel et associés aux emplois de services, se trouveraient aussi dans d’autres milieux de travail. Le modèle « demandes-ressources », élaboré par ces auteurs, suggère qu’un individu, quelle que soit sa profession, est à risque de souffrir d’épuisement professionnel si les demandes de l’emploi (exigences professionnelles) sont élevées, et que les ressources du milieu de travail, au contraire, sont limitées (Demerouti et al., 2001). Ces conditions de travail (demandes de l’emploi et ressources du milieu de travail) pourraient mener à l’épuisement, ainsi qu’à une diminution de la motivation de l’employé (Demerouti et al., 2001). Ce modèle se veut une réponse à ceux présentés précédemment dans ce mémoire. En effet, percevant les modèles de Karasek (1979), Karasek et Theorell (1990) et Siegrist (1996) comme trop peu exhaustifs et peu représentatifs de la réalité organisationnelle, Demerouti et al. (2001), s’intéressent à l’ensemble des facteurs de risques qui peuvent survenir dans l’environnement de travail et ainsi, porter atteinte à la santé mentale des employés qui y travaillent. Le modèle « demandes-ressources », tel que présenté à la figure 3, est basé sur quatre concepts principaux : les demandes de l’emploi, les ressources du milieu de travail, l’engagement de l’employé (motivation, satisfaction au travail, etc.) et les problèmes de santé (épuisement professionnel, dépression, etc.).

Figure 3. Modèle « demandes-ressources » de Demerouti et al. (2001) (Traduction tirée de Gladu-Martin, 2016, p. 23).

Les demandes de l’emploi réfèrent à tout aspect physique, psychologique, émotionnel, social ou organisationnel présent dans l’environnement de travail, qui nécessite les efforts ou compétences de l’employé (Bakker et Demerouti, 2007, Demerouti et al., 2001). Une forte pression au travail, un environnement physique de travail défavorable, des interactions à fortes demandes émotionnelles, etc. font partie des demandes de l’emploi ayant des répercussions négatives sur l’employé (Bakker et Demerouti, 2007). Bien que celles-ci aient une influence importante sur la santé et l’engagement de l’individu au travail, toutes les demandes ne sont pas nécessairement négatives (Bakker et Demerouti, 2007). En effet, ces demandes peuvent se transformer en stresseurs lorsque l’individu n’arrive pas à récupérer de façon adéquate après avoir investi un niveau d’efforts élevé dans la réalisation d’exigences professionnelles (Meijman et Mulder, 1998). De leur côté, les ressources du milieu de travail renvoient aux aspects physiques, psychologiques, sociaux et organisationnels de l’emploi qui :

1. Par leur fonctionnalité, permettront la réalisation d’objectifs de travail;

2. Peuvent réduire le nombre de demandes de l’emploi et, par le fait même, diminuer l’impact physique ou psychologique sur l’individu;

3. Stimule l’apprentissage, le développement et la croissance personnelle de l’employé (Bakker et Demerouti, 2007).

Que ce soit dans le fonctionnement organisationnel en général (le salaire, les opportunités de carrière, la sécurité d’emploi, etc.), dans les relations sociales et interpersonnelles (avec le supérieur, les collègues, le climat de travail, etc.), dans l’organisation du travail (la clarté du rôle et de la tâche, la participation dans la prise de décisions, etc.), ou dans le niveau des tâches (l’importance de la tâche, la diversité des compétences, la rétroaction, l’autonomie, etc.), il est possible de trouver ces ressources dans différents aspects de l’environnement de travail de l’employé (Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et al., 2001). Selon Bakker et Demerouti (2007), les demandes de l’emploi auraient un lien direct avec le stress au travail (épuisement, développement de problèmes de santé, etc.), alors que les ressources du milieu de travail influenceraient la motivation au travail (engagement ou désengagement au travail, investissement de l’employé dans son travail, etc.). La figure 4 présente les quatre propositions, tirées de ces deux processus, où :

1. Des ressources élevées dans le milieu de travail et de faibles demandes de l’emploi mènent à une situation idéale où l’employé est détendu (« low strain ») et possède une motivation élevée au travail;

2. Des ressources élevées dans le milieu de travail et de fortes demandes de l’emploi entrainent une situation de tension moyenne (« average strain ») chez l’employé, ainsi qu’une motivation élevée;

3. Une faible disponibilité des ressources dans le milieu de travail, ainsi que de faibles demandes de l’emploi mènent à un sentiment de détente chez l’employé (« low strain »), ainsi qu’à une motivation moyenne de celui-ci, au travail;

4. Une faible disponibilité des ressources dans le milieu de travail, mais de fortes demandes de l’emploi, entraînent de fortes tensions chez l’individu (« high strain »), ainsi qu’une faible motivation au travail. Cette situation

peut mener l’employé à développer des problèmes de santé physique ou psychologique (Bakker et Demerouti, 2007; Demerouti et al., 2001).

Figure 4. Modèle des quatre (4) propositions issues du modèle « demandes- ressources » de Demerouti et al. (2001) (Traduction tirée de Gladu-Martin, 2016, p. 25).

Le modèle « demandes-ressources » de Demerouti et al. (2001) serait aussi à la base de deux processus psychologiques. En effet, celui-ci aurait un rôle important à jouer dans le développement de la détresse psychologique et du stress au travail de l’employé (processus 1), ainsi que sur sa motivation à répondre aux exigences de l’emploi (processus 2) (Demerouti et al., 2001). Dans le premier de ces deux processus, une diminution accrue de l’énergie (épuisement), de même que des problèmes de santé, peuvent être causés par l’épuisement des ressources mentales et physiques de l’individu dues à des demandes de l’emploi en continu (surcharge de travail, exigences émotionnelles, etc.), des emplois mal conçus, une dégradation de la santé de l’employé, etc. (Bakker et Demerouti, 2007; Bakker, Demerouti, de Boer et Schaufeli, 2003; Demerouti et al., 2001). Le deuxième et dernier processus, traite de la motivation au travail et stipule que les ressources de l’emploi auraient une influence potentielle sur celle-ci, ce qui pourrait mener à un fort engagement au travail, une faible attitude

cynique, et une performance élevée au travail (Bakker et Demerouti, 2007). Selon Bakker et Demerouti (2007) et suivant la théorie sur la motivation de Deci et Ryan (1985), les ressources du milieu de travail jouent un rôle auprès de la motivation intrinsèque et extrinsèque. D’un point de vue intrinsèque, les ressources aident à la réalisation des trois besoins fondamentaux de l’employé, soient : le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’affiliation sociale (Bakker et Demerouti, 2007; Ryan et Deci, 2001). Sur un autre ordre d’idées, les ressources du milieu de travail jouent un rôle dans la motivation extrinsèque, car selon Meijman et Mulder (1998), celles-ci favorisent la volonté de l’employé de consacrer ses efforts et son énergie à la tâche. Il est probable que, grâce aux ressources fournies par l’organisation ou par l’employé, les tâches soient réalisées et les objectifs de travail aussi, par le fait même (Bakker et Demerouti, 2007).