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Le modèle « demande-contrôle » de Karasek (1979) et le modèle

1.3. LES CONSTATS SUR LA PROBLÉMATIQUE

2.1.1 Le modèle « demande-contrôle » de Karasek (1979) et le modèle

Bien que d’autres études se soient intéressées au stress et à la détresse psychologique au travail avant lui, le modèle « demande-contrôle » de Karasek (1979) demeure, encore aujourd’hui, l’un des modèles les plus largement utilisés sur le sujet (Cadieux, 2012). Ce modèle stipule que la détresse psychologique et le stress au travail ne seraient pas la conséquence d’un seul stresseur, mais découleraient plutôt des effets conjoints de deux principales dimensions : les demandes psychologiques liées au travail, et la latitude décisionnelle de l’employé (Karasek, 1979). Les demandes psychologiques liées au travail, constituent l’ensemble des demandes, liées à la charge de travail, qui sont présentes dans l’environnement organisationnel (surcharge de travail, pression du temps, etc.). De son côté, la latitude décisionnelle, aussi connue sous le nom de « contrôle », désigne la liberté que détient l’individu dans la prise de décisions en rapport à sa charge de travail et à l’utilisation de ses habiletés au travail (Karasek, 1979). Selon Karasek (1979), la surcharge de travail, qui peut mener à la détresse psychologique, se produit généralement lorsque les exigences de l’environnement de travail dépassent les capacités de l’individu à les satisfaire.

Figure 1. Modèle « demande-contrôle » de Karasek (1979) (Traduction tirée de Gladu- Martin, 2016, p. 19).

L’environnement de travail joue un rôle important dans le modèle « demande- contrôle » de Karasek (1979). Comme présenté à la figure 1, celui-ci propose quatre situations découlant d’une demande psychologique et d’une latitude décisionnelle (contrôle) faible ou élevée. La première situation, celle en haut à gauche de la figure 1, dépeint l’impact possible d’une faible demande psychologique et d’une forte latitude décisionnelle. Dans cette situation, l’individu vivra peu de détresse psychologique (« low strain »), et ainsi, un sentiment de détente au travail (Karasek, 1979). Le cas opposé (la situation en bas à droite de la figure), où les demandes psychologiques sont élevées et la latitude décisionnelle de l’individu faible, présente la situation la plus difficile. En effet, la présence de tensions chez l’individu (« high strain ») explique non seulement l’état de stress chez celui-ci, mais ces tensions pourraient également augmenter les risques de développer une maladie psychologique, ainsi que des maladies cardiovasculaires (Johnson et Hall, 1988; Karasek, 1979). Ces deux situations résument bien l’hypothèse de Karasek (1979) représentée par la diagonale A qui stipule que le niveau de détresse psychologique chez un individu est directement lié au niveau de demandes psychologiques au travail. En d’autres mots, plus le niveau de demandes psychologiques au travail est élevé, plus le niveau de stress et de détresse psychologique augmentera et par le fait même, les tensions psychologiques et maladies physiques (Karasek, 1979). La deuxième diagonale, la diagonale B, propose que, lorsque les demandes psychologiques sont en parfaite symbiose avec les compétences ou la latitude décisionnelle de l’individu, cette situation mène à une hausse de la motivation à développer de nouveaux types de comportements à l’intérieur et à l’extérieur du travail. Cette diagonale est représentée par deux situations (Karasek, 1979). Dans le premier cas, lorsque l’individu se trouve dans une situation où les demandes psychologiques et la latitude décisionnelle liées à son emploi sont faibles, son travail sera qualifié de « passif ». À l’opposé, lorsque les demandes psychologiques de l’emploi sont aussi élevées que la latitude décisionnelle de l’employé, son travail sera désigné comme « actif » (Karasek, 1979). Selon le même modèle (Karasek, 1979), un emploi actif serait associé à de la satisfaction au travail, ainsi qu’à une diminution du risque de dépression, et ce, malgré la charge de travail élevée.

Malgré sa popularité, le modèle « demande-contrôle » de Karasek (1979) a reçu plusieurs critiques au fil des années. L’une d’entre elles critiquait la non-inclusion des caractéristiques psychosociales au travail dans les variables du modèle. En effet, selon Johnson et Hall (1988), le soutien social au travail aurait un rôle modérateur qui pourrait modifier l’impact des demandes psychologiques sur la détresse psychologique, et ainsi prévenir les risques de maladies mentales. Suite au travail de Johnson et Hall (1988) sur l’impact du soutien social dans le modèle de « demande-contrôle » de Karasek (1979), Karasek et Theorell (1990) ont proposé un nouveau modèle : le modèle « demande-contrôle-soutien ». Le soutien social au travail prendrait source chez le supérieur et les collègues (Karasek et Theorell, 1990). L’appui de ses pairs pourrait ainsi engendrer un effet modérateur ou médiateur sur la relation entre les facteurs de stress au travail, et les effets nocifs qu’ils peuvent engendrer sur la santé physique et mentale de l’employé (Karasek et Theorell, 1990). Leur modèle présente ainsi les mêmes situations qu’auparavant, en y ajoutant la variable de soutien social. Dans la mesure où les demandes psychologiques sont élevées et que la latitude décisionnelle de l’employé est faible, ce dernier vivra un plus grand stress (« strain ») si le soutien social de son supérieur ou de ses collègues est faible ou inexistant (Karasek et Theorell, 1990). Une telle situation peut influencer négativement la perception qu’a l’individu de sa santé physique et psychologique, ce qui peut le mener à s’absenter du travail pour une durée indéterminée (c.-à-d., plus de 8 jours) et ce, pour cause de maladie (Niedhammer, Chastang et David, 2008). À l’opposé, l’individu vivra beaucoup moins de stress (« strain ») si les conditions de base restent les mêmes, mais que celui-ci est entouré d’un fort soutien social au travail (Karasek et Theorell, 1990). En effet, selon les mêmes auteurs, le soutien social agirait à titre de ressource facilitant l’adaptation de l’individu au stress en situation de fortes demandes psychologiques et de faible latitude décisionnelle au travail (Karasek et Theorell, 1990). Bien que les études proposées dans la présente section (Johnson et Hall, 1988; Karasek et Theorell, 1990) soient parvenues à démontrer l’effet modérateur ou médiateur du soutien social sur la relation entre les demandes psychologiques au travail et la latitude décisionnelle de l’employé, d’autres

recherches telles celles de Haüsser, Mojzisch, Niesel et Schulz-Hardt, (2010) et Vanroelen, Levecque et Louckx (2009), ne sont pas parvenues à démontrer cette influence. Ces différences peuvent supposer la présence d’une certaine inconsistance entre les résultats de ces différentes recherches dans la littérature.