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Les facteurs sociaux explicatifs du stress chez les avocats

2.6 ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR LES DÉTERMINANTS DE LA SANTÉ MENTALE AU

2.6.1 Les facteurs sociaux explicatifs du stress chez les avocats

Les facteurs sociaux sont des construits de la société qui peuvent expliquer une fluctuation négative ou positive dans le niveau de stress et de détresse psychologique des avocats. Il sera donc question de culture professionnelle axée sur la performance, de formation à l’entrée et de technologie.

2.6.1.1 La culture professionnelle. Cette culture professionnelle, axée sur la performance, tendrait à favoriser un dévouement total de l’avocat envers sa profession (Gleixner et Aucoin, 2015). Malgré leur dévotion pour leur métier, l’opinion négative de la population, face à la profession d’avocat, peut entraîner une hausse du niveau de stress et par le fait même, de la détresse psychologique chez ces derniers (Carter, 2006). Un aspect important qui ressort de la culture professionnelle et qui n’est pas à négliger, est la compétitivité. Selon Bergin et Jimmieson (2013), le caractère compétitif présent dans l’environnement de travail, où le but premier est de générer un maximum de profit pour l’entreprise, pourrait expliquer la présence de détresse psychologique chez certains avocats. En effet, la relation entre la culture professionnelle axée sur la performance, et le sentiment de dépression et d’anxiété serait fortement significative auprès de cette population, pouvant expliquer la présence de détresse psychologique chez ces derniers (Bergin et Jimmieson, 2013). Enfin, bien qu’aujourd’hui les femmes représentent la moitié des avocats du Québec, la culture professionnelle dans le domaine légal demeure à caractère masculin (Barreau du Québec, 2015; Gleixner et Aucoin, 2015; Gorman, 2005). Cette tendance serait surtout présente dans le domaine privé, là où l’environnement de travail y est encore généralement masculin (Gleixner et Aucoin, 2015).

2.6.1.2 La technologie

La technologie est aussi un facteur macrosocial dont l’influence sur le niveau de détresse psychologique n’est pas à sous-estimer. Bien que la littérature en fasse peu mention, Park et Jex (2011) sont parvenus à démontrer que la technologie peut diminuer la frontière entre le travail et la vie personnelle ce qui peut brimer le détachement psychologique de l’individu, de même que rendre la conciliation travail- famille plus difficile. Les diverses formes de technologies (SMS, courriels, appels téléphoniques, etc.) peuvent ainsi agir à titre de distraction et d’interférences entre le milieu de travail et la vie personnelle de l’individu, ce qui aurait pour résultat d’entraîner divers symptômes du stress tels : l’épuisement émotionnel, des symptômes

dépressifs, une diminution de la qualité du bien-être psychologique, et de l’insatisfaction au travail (Cardenas, Major et Bernas, 2004; Park et Jex, 2011; Van Steenbergen, Ellemers et Mooijaart, 2007). En ce qui a trait aux avocats, puisque la technologie est, aujourd’hui, accessible à tout moment, la limite entre le travail et la vie personnelle est de plus en plus mince et difficile à percevoir (Carter, 2006). Effectuer un détachement psychologique du travail lorsqu’à la maison, ou durant les pauses, peut ainsi devenir un défi de tous les jours qui pourra engendrer de la détresse psychologique chez ces derniers (Carter, 2006).

2.6.1.3 La formation antérieure. Tout comme la technologie et la culture professionnelle axée sur la performance, un autre facteur macrosocial, la formation antérieur, serait susceptible d’engendrer du stress et de la détresse psychologique chez les avocats. En effet, une étude de Sheldon et Krieger (2004) a permis de mettre en lumière la relation entre la formation reçue et le niveau de stress de l’avocat à son arrivée sur le marché du travail. Ainsi, il semblerait que la quantité de stress accumulé lors de la formation universitaire, ainsi que la capacité des jeunes avocats à faire face aux stresseurs environnants, pourrait se transposer sur le marché du travail, et avoir des répercussions sérieuses sur le niveau de détresse psychologique et sur sa santé globale (p. ex : abus de substance, troubles du sommeil, etc.) (Beck et al., 1995; Daicoff, 1997; Eaton, Anthony, Mandel et Garrison, 1990; Krieger, 1998; Schiltz, 1999). À ce sujet, il semblerait que plusieurs caractéristiques de base de l’éducation transmise dans les facultés de droit soient en cause. En effet, des éléments comme la contingence et la surévaluation des bourses d’études, la sous-évaluation de l’enseignement, de même que l’utilisation de méthodes d’enseignement et de tests pourraient expliquer cette situation (Edwards, 1992; Floyd, 1996; McKinney, 2002; Rapaport, 2002). Selon des études de Rapaport (2002), Granfeld (1998), et Floyd (1996), la mise en place d’une éducation théorique, plutôt que pratique, pourrait aussi engendrer du stress chez les finissants à leur sortie de l’école. Dans un rapport présenté au Barreau du Québec par Cadieux et Gladu-Martin (2016), plusieurs avocats, interviewés pour l’occasion, avouent avoir reçu une formation insuffisante et inappropriée à la réalité du marché de l’emploi. Il

est donc possible de supposer qu’il existe un lien significatif entre la formation de l’avocat et l’expérience de ce dernier lorsqu’il entre sur le marché du travail. Ainsi, la formation à l’entrée pourrait jouer un rôle médiateur dans la relation entre l’expérience et le stress au travail. Enfin, il fut démontré que le fait de prioriser l’enseignement théorique plutôt que pratique pourrait créer des répercussions au niveau du sens moral, du sentiment d’identité personnelle et de confiance en soi de l’avocat (Ames, 2005; Schuwerk, 2004; Sheehy et Horan, 2004). De ce fait, il est possible de supposer que la qualité de l’éducation en droit aurait une influence importante sur le niveau de bien- être de l’avocat, de même que sur sa motivation intrinsèque à poursuivre dans la profession (Sheldon et Krieger, 2007).

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un facteur directement lié à l’enseignement reçu, il est important de noter qu’il existe une relation significative entre le montant des dettes d’études et le niveau du bien-être des avocats, et ce, surtout pour ceux récemment diplômés (Krieger et Sheldon, 2015). D’autres facteurs tous aussi importants peuvent avoir un impact sur le niveau de détresse psychologique des avocats. La prochaine section s’intéressera aux facteurs organisationnels pouvant expliquer cette fluctuation émotionnelle.