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Chapitre 2 : Cadre méthodologique

3.3. Les organismes de santé et de services sociau

3.3.3. Mobilisation des ressources présentes dans le milieu

Les inégalités ne sont pas uniquement générées par une inégalité d’accès aux biens primaires et c’est ce que démontre la théorie des capacités et du fonctionnement de Sen (1992) qui donne de l’importance à la manière dont la personne utilise les biens et ressources disponibles (Sen, 1992). Les inégalités sont donc créées, entre autres choses, par la capacité des individus

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à convertir des biens de base en bien-être (Frohlich, Corin et Potvin, 2008). Dans ce mémoire, pour comprendre les inégalités de santé, une attention est portée sur les ressources disponibles et, aussi, sur ce que font les individus de ces ressources. La dernière partie de ce chapitre s’attardera à la manière dont les répondantes utilisent les ressources de santé et de services sociaux présentes dans le quartier.

La plupart des femmes ont mis en évidence l’importance de se mobiliser pour aller chercher de l’aide dont elles en ont besoin. Pour avoir accès aux nombreux services présents dans le quartier, les femmes doivent d’abord reconnaître leur problème. Gisèle, femme de quarante- deux ans, prestataire de l’aide sociale, vivant dans le quartier depuis huit ans avec ses trois enfants de cinq, sept et vingt ans, met en lumière le fait qu’il ne soit pas toujours facile de reconnaître ses besoins et de les verbaliser, mais elle sait que cet exercice est nécessaire pour recevoir l’aide dont elle a besoin : « Ben c’est sûr faut que tu le dises, c’est sûr que si tu restes là ou que t’as de mauvaises idées, si tu restes là, y’a personne qui peut t’aider, mais dans l’coin y’a quand même des choses. » En plus de reconnaître ses besoins, il est nécessaire de prendre les moyens appropriés pour recevoir l’aide voulue. Par exemple, Marie, femme haïtienne de quarante-trois ans, sans emploi, vivant dans le quartier depuis six ans, avec ses trois enfants de dix, douze et quatorze ans, explique la trajectoire qu’elle a suivie pour retourner aux études: « Parce que moi, c’est comme ça que je suis sortie… bon je peux pas dire que je suis sortie cent pour cent, mais au moins j’vois des organismes j’ai expliqué mes problèmes. C’est comme si je suis allée plus loin. J’ai même retournée aux études. » Elle explique aussi les démarches qu’elle a dû faire pour recevoir de l’aide pour sa fille autiste. Quand elle est arrivée dans le quartier, elle est allée au CLSC qui lui a donné une liste d’organismes adaptés à sa situation. Pour recevoir de l’aide, elle a dû se mobiliser pour aller au CLSC et pour contacter les organismes spécifiques au type d’aide voulu. Les femmes reconnaissent qu’il y a des organismes dans le quartier pouvant leur venir en aide, mais qu’elles doivent, pour en bénéficier, identifier leurs besoins et les nommer aux instances concernées.

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Même s’il est impératif de se mobiliser pour avoir accès aux divers services offerts dans le quartier, il existe certains facilitateurs tels que le dépistage en milieu scolaire, ainsi que les mesures mises en place pour faire connaître les organismes du quartier. À propos du dépistage en milieu scolaire, Francine, propriétaire d’une garderie de trente-deux ans, vivant dans le quartier depuis presque neuf ans avec sa fille de sept ans et demi, dit :

Y’a d’l’aide pour nos enfants, y’en a tout plein, beaucoup plus justement qu’en (banlieue). Tsé ici, des orthopédagogues ou des orthophonistes ou des trucs, y’en a, y’en a pis en partant ils le voient l’enfant pis ils le détectent pis y vont aller l’aider, y vont aller le chercher tout de suite, tandis qu’ailleurs, dans d’autres quartiers, ça peut être plus long. En tant que parent, tu dois faire ta démarche toi-même, aller au CLSC, ou tsé, parce que bon.

Dans Hochelaga-Maisonneuve, la mobilisation est aussi facilitée par certaines mesures utilisées pour faire connaître les services des organismes du quartier. Pour présenter leurs services, ces derniers peuvent faire des kiosques soit dans les écoles ou dans les organismes eux-mêmes. Par exemple, les répondantes m’ont fait part d’un kiosque à l’école dédié à un atelier d’éveil musical. Qui plus est, les soupers où le terrain a été réalisé font leur promotion par un kiosque dans l’organisme lui-même où les femmes peuvent prendre des informations et s’inscrire. Les personnes intéressées par les services de l’un ou l’autre des organismes du quartier doivent tout de même se prendre en charge en manifestant leur intérêt à participer à tel ou tel organisme en fonction de leurs désirs et de leurs besoins.

3.4. Conclusions

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En posant divers éléments liés à la santé, ce chapitre a permis de jeter les bases de notre objectif de recherche qui consiste à établir les liens entre les inégalités de santé et le sentiment d’appartenance au quartier des résidentes d’Hochelaga-Maisonneuve. En dialogue avec les écrits, les données empiriques concernant la santé des répondantes ont été discutés et celles-ci ont permis de mettre en lumière divers éléments liés à la santé, tels que la polysémie du concept de santé. Les diverses définitions que les femmes en donnent sont davantage axées sur l’individuel que sur le collectif et se rapprochent plus du discours de l’OMS (1984) que de

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celui des sciences sociales. Les femmes se considèrent globalement en santé et distinguent la santé physique de la santé mentale, même si elles en reconnaissent leur interinfluence. Les termes utilisés pour parler de la première sont plus précis que ceux pour parler de la santé mentale. Ceci est, entre autres, dû au contexte et au phénomène de désirabilité sociale. Elles reconnaissent vivre un certain stress secondairement à leur pauvreté économique, mais ne le lient pas à leur santé. Les femmes connaissent le discours de la santé publique et certaines l’incorporent et d’autres adoptent un discours de résistance à son égard. Alors qu’elles ont une opinion favorable des organismes communautaires de santé et de services sociaux présents dans le quartier et qu’elles reconnaissent devoir se mobiliser pour y avoir accès, leur opinion du système de soins est toute autre. Elles exposent un manque de confiance envers celui-ci et un problème de continuité dans les soins. À travers les entretiens, les répondantes prouvent leurs connaissances des services, ainsi que des recommandations de la santé publique, en lien avec les habitudes de vie, pour se maintenir en santé. Ceci permet d’aller au-delà d’une des explications utilisée fréquemment pour comprendre les inégalités de santé, soit la méconnaissance, à la fois, des habitudes de vie « saines » et des services de santé et de services sociaux offerts. Toujours en lien avec la question de recherche, les répondantes mettent de l’avant l’importance des liens sociaux comme facteur déterminant la santé. C’est pourquoi ceux-ci seront discutés dans les prochains chapitres.

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