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Chapitre 4 : Environnements et santé

4.1. Environnement physique : le quartier

4.1.3. Appartenance au quartier

L’appartenance au quartier est un déterminant social de la santé qui a été étudié théoriquement dans la recension des écrits et qui le sera empiriquement dans la présente section. Comme De Koninck (2008) l’expose, celui-ci est important à explorer puisque le rapport des résidantes avec leur milieu de vie est directement lié au sentiment d’appartenance. Pour les femmes rencontrées lors de l’enquête, le sentiment d’appartenance au quartier est né par la création de liens sociaux, d’un réseau social. Par exemple, Linda, psychoéducatrice de quarante-sept ans, vivant dans le quartier depuis seize ans avec ses filles de huit et treize ans, mentionne : « Ben c’est ça, j’ai un sentiment d’appartenance, de sécurité, j’connais mes voisins… » La plupart des répondantes lie la création de liens sociaux à l’implication communautaire, cette dernière contribuant à la construction du sentiment d’appartenance.

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Pour plusieurs femmes, le sentiment d’appartenance au quartier est né de la participation à divers organismes communautaires, comme usagère ou bénévole. Par exemple, Ève, femme sans-emploi de soixante-trois ans, vivant dans le quartier depuis quinze ans avec ses deux sœurs, sa mère et son petit-fils, mentionne se sentir bien dans le quartier : « …Parce que j’ai comme une appartenance, c’est sûr, parce qu’avec toutes les places que j’vas, j’connais plus de monde, j’m’implique. » Rose, étudiante de trente et un ans, vivant seule dans le quartier depuis huit ans, explique que s’impliquer dans divers organismes lui a permis de se sentir plus intégrée dans le quartier. Lorsqu’on lui demande comment elle se sent dans le quartier, elle répond : « Desfois, j’me sens étrangère, mais sinon, j’dirais que pour certaines choses, ben je r’viens avec les organismes là, on est vraiment bien servi. » Christine, femme de cinquante- neuf ans vivant seule dans le quartier depuis treize ans, abonde aussi dans le même sens à savoir que l’appartenance est liée au réseau social principalement créé dans les organismes communautaires :

Ouin, moi aussi j’trouve que eee.. tu rencontres les mêmes gens. J’aime ça tsé, on n’est pas nées à Montréal, mais on commence, moi peut-être moins que toi (en référence à sa

sœur Johanne) là, mais j’commence à voir du monde que que qui sont dans des

associations, aux soupers, ça reste dans le quartier. Pis dans l’autobus, j’commence à voir du monde pis à dire : « ha, allo, comment ça va ? » C’est l’fun ça, tu t’sens que tu fais partie d’un groupe, d’une communauté. J’aime ben ça, j’me sens comme chez moi, moi aussi.

Aussi, Francine, propriétaire d’une garderie de trente-deux ans, vivant depuis presque neuf ans dans le quartier avec sa fille de sept ans et demi, met aussi en évidence l’importance de l’implication communautaire dans la création du sentiment d’appartenance :

C’est niaiseux là, mais bon, on s’est fait voler deux fois, faque ça comme mal parti. J’t’ais pas bien. Faque un moment donné, j’me suis mis à marcher dans le quartier pis là, j’ai vu un regroupement pour les mères sur la rue X. Faque là, j’suis rentrée là et j’ai parlé à Fanie qu’a s’appelle pis eee… « Ah Francine, t’es la bienvenue, on va te remettre ta carte pis on a des supers ateliers pour les mamans enceintes. » Faque j’ai vraiment tripé sur cet endroit-là pis c’est là que j’suis fait beaucoup beaucoup d’amis.

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Des bonnes amies qui sont encore là justement… Faque à partir de ce moment-là, j’avais toutes mes après-midi de bookées. Ou j’allais faire d’la bouffe, là, j’me sentais déjà mieux dans le quartier.

Les femmes expriment qu’elles sont arrivées dans le quartier vu l’accessibilité du coût des logements, mais que le fait de se sentir appartenir les a incitées à s’installer dans Hochelaga- Maisonneuve. Marie, femme de quarante-trois ans, mère de trois enfants de dix, douze et quatorze ans, vivant dans le quartier depuis six ans explique son arrivée dans le quartier et le sentiment d’appartenance qu’elle a développé à celui-ci par la suite :

Bon, c’qui m’a amené c’est parce que j’avais fait une demande d’HLM comme les gens après m’ont dit… et puis… quand on m’a envoyé dans Hochelaga-Maisonneuve et puis j’ai… j’ai tombé en amour avec là… et puis à ce moment-là… j’ai dit oui.

Elle poursuit en disant :

...Y’en a tellement d’activités pour les enfants… et puis… pour moi aussi en tant qu’adultes là. Je peux retrouver d’autres personnes pour jaser, pour passer un peu de temps, pis je trouve que… c’est correct par rapport à d’autres quartiers, c’est comme si, dans le quartier Hochelaga là, je trouve qu’il y en a pour tout le monde.

Un peu plus loin dans l’entretien, elle poursuit sur ce thème en exprimant : « Comme je vous dis là, y’a tellement de rencontres avec des gens là. C’est… pour moi, c’est idéal ce quartier. » Rose, étudiante de trente-et-un ans, vivant dans le quartier depuis huit ans, est aussi arrivée dans le quartier à cause de l’accessibilité des logements et elle exprime son attachement grandissant à celui-ci qu’elle explique comme cela :

…Les organismes qu’y’a dans l’quartier. Je connais plus mon quartier. Pas nécessairement les gens, les gens je les rencontre plus au niveau des organismes, ici à l’école. Mais c’est ça pis… C’est facile j’trouve de s’ancrer à une place là, pis j’sais pas, s’tune habitude qui s’développe pis on voit les avantages. J’sais pas… J’me disais ah s’il fallait que je déménage, j’srais comme perdue, pis j’connaitrais pas l’coin, pis eee… Je sais pas, j’aurais tout l’temps le réflexe de revenir ici pour… j’sais pas… aller à la bibliothèque ou les activités tout ça, faque… Ouais s’tun peu dans ce sens-là.

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Les répondantes n’établissent pas de lien direct entre leur implication communautaire et leur santé. Toutefois, Chantale, l’intervenante au souper bimensuel, croit que l’implication communautaire incite les individus à adopter un mode de vie sain favorisant la santé. D’un point de vue théorique, une étude australienne réalisée auprès de femmes ayant entre soixante- treize et soixante-dix-huit ans a révélé que se sentir appartenir au quartier était associé à une meilleure santé physique et mentale, à un plus bas niveau de stress ainsi qu’à un meilleur soutien social et à une plus grande activité (Young, Russel et Powers, 2004). La plupart des répondantes se sentent appartenir au quartier. Selon Chantale, leur sentiment d’appartenance vient principalement de leur implication communautaire. Même si la plupart des femmes ont été amenées dans le quartier à cause du bas prix des logements, elles y sont restées grâce à l’appartenance qu’elles ont créée.

Plus largement, puisque différentes études ont démontré une relation entre le lieu et la santé ainsi que l’interinfluence entre ces deux notions, cette section a mis en lumière certains impacts que l’environnement physique pourrait avoir sur la santé. La perception que les femmes entretiennent à l’égard de leur quartier est plutôt favorable, même si elles restent critiques. Elles font aussi ressortir les impacts matériels, sociaux et relationnels de la gentrification. Finalement, l’implication communautaire des femmes, comme étant partie prenante de l’appartenance au quartier, a été étudiée. Alors qu’il est déjà établi que le sentiment d’appartenance est l’un des déterminants sociaux de la santé, l’effet du lieu sur la santé va au-delà de cela en permettant d’ancrer collectivement des habitudes considérées individuelles par la santé publique.