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5. ANALYSE

5.1. Équipe soignante en psychiatrie

5.1.1. Mixité des équipes soignantes

La consigne de ce premier thème était : « Dans quelle mesure la différence des sexes influence-t-elle les relations professionnelles entre infirmière et infirmier ? ». Cette première question ouverte a posé quelques problèmes de compréhension pour certains participants - ceux n’ayant pas le français pour langue maternelle - ou semblait trop vague pour d’autres. Ils mentionnent alors que le genre n’a pas d’impact sur les relations, mais que celles-ci sont influencées par la « sensibilité »,

« le caractère », « l’éducation », « l’expérience personnelle et professionnelle » de chacun des membres de l’équipe et que ce sont ces phénomènes qui donnent une certaine richesse à la dynamique de groupe. « On a des regards différents d’une manière générale, une sensibilité différente ».

Les participants ont mentionné que le caractère, la personnalité, l’éducation et les expériences de chacun influencent les relations et n’attribuent pas ce fait au genre. Cependant, comme étudié dans la problématique et le concept de genre de ce travail, notre identité, le fait que nous nous sentons et que nous soyons de sexe masculin ou féminin dépend essentiellement du regard des parents, donc de l’éducation reçue durant notre enfance comme le stipulent Belotti206 et Badinter207. Encore aujourd’hui, notre éducation dépend de notre

206 GIANINI BELOTTI, Elena. Du côté des petites filles. Milan : des femmes, 1973, p. 207.

207 BADINTER, Élisabeth. XY : De l’identité masculine. Paris : Odile Jacob, 1992, p. 97-100.

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sexe. Les enfants ont, par ailleurs, des difficultés à modifier les comportements conditionnés208.

Nous pourrions donc émettre l’hypothèse que la nature des interactions entre infirmier et infirmière dépendrait probablement en partie du genre mais que les différents professionnels interrogés n’en n’ont point conscience. Les soins prodigués au client seraient-ils également différents qu’il s’agisse d’un infirmier ou d’une infirmière ? Cette « sensibilité » différente pourrait-elle être également transférée sur la conception des soins et sur la façon de prendre en soins ?

Deux des participants ont tenu des propos que je considère « plus stéréotypés » en répondant qu’une équipe essentiellement féminine entraîne plus de rivalités, de tensions, que les hommes seraient plus conciliateurs ou encore que les femmes sont plus perfectionnistes. En voici deux exemples : « Je trouve que mes collègues féminines sont parfois plus perfectionnistes. Çà, j’ai déjà remarqué… Enfin, difficile de généraliser, il faut être prudent ». « Entre femmes, il y a plus de rivalités. […] Entre hommes, on se soutient. ».

Les femmes ont souvent une mauvaise opinion d’elles-mêmes.209 Ceci pourrait-il avoir un lien avec les conflits se déroulant entre infirmières, qui ressortent fréquemment dans les propos des professionnels interrogés ? Est-ce une représentation ou la réalité ? Les hommes, dans l’étude de Sabine Fortino, appuient ces phénomènes relatifs aux conflits.

Dans les propos recueillis, les femmes paraissent plus perfectionnistes que les hommes. Cependant, la sociologue française a mis en évidence - selon les hommes - que leur méticulosité pourrait être exagérée tout comme d’autres caractéristiques qui sont énumérées plus loin dans ce travail. La gent masculine semble par contre valorisée et se valorise210.

208 GIANINI BELOTTI, Elena. Du côté des petites filles. Milan : des femmes, 1973, p. 207.

209 FORTINO, Sabine. La mixité au travail. Paris : La dispute, 2002, p. 168.

210 FORTINO, Sabine. La mixité au travail. Paris : La dispute, 2002, p. 169.

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Les infirmiers se soutiennent entre eux selon un participant à cette étude. La cohésion entre hommes est-elle plus forte qu’entre femmes ? Pourquoi se soutiennent-ils ? Et pourquoi constate-t-on un manque de soutien et de solidarité des femmes entre-elles ? Quelles situations provoqueraient ces rivalités ? Y aurait-il des notions de jalousie sous-jacentes ? Elles se déprécient fréquemment et ne semblent pas faire partie d’un projet commun211.

Fortino a démontré que les hommes, dans les domaines

« masculins », craignent l’arrivée de femmes au sein de l’équipe.

Elles modifieraient l’ambiance d’équipe en bouleversant les petites habitudes. Elles doivent ainsi s’adapter à l’ambiance « masculine ».212 Mais les hommes, devraient-ils s’habituer à leur tour à un contexte

« féminin » ? On sait, quoi qu’il en soit, que ceux-ci sont fortement appréciés. Cette satisfaction des infirmières concernant de la mixité sera développée plus loin dans cette section.

On constate que les dires des infirmiers sont quelque peu stéréotypés, mais que ceux-ci en ont conscience. C’est donc pour cela qu’ils semblent peu sûrs et hésitants et qu’ils ajoutent qu’il faut être réservé quant à ces phénomènes relatés par peur de retomber dans des clichés. Une personne s’est, en outre, exprimée sous forme d’hypothèses.

Les hommes ont-ils une certaine crainte par rapport aux stéréotypes car ceux-ci sont souvent négatifs ou péjoratifs envers la gent féminine ?

Nous décrirons ci-après comment les femmes perçoivent les hommes.

Un autre infirmier indique que le fait d’avoir une équipe mixte jouerait justement un rôle dans la gestion de conflit. En effet, selon lui, une situation délicate se déroulant entre deux personnes de même sexe pourrait être « temporisée » par un membre du sexe opposé. Il a déjà perçu ce phénomène mais ne pourrait en trouver une explication. Les corpus ne mettent cependant pas clairement en évidence qu’il s’agit de tensions existant chez les hommes également. D’après les propos,

211 Ibidem, p. 172.

212 FORTINO, Sabine. La mixité au travail. Paris : La dispute, 2002, p. 177-178.

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lorsque des tensions se produisent au sein du groupe, elles semblent être plutôt « féminines » à nouveau.

Un participant évoque, que, selon lui, s’il y a plus de conflits entre femmes, c’est simplement parce qu’elles sont plus nombreuses. « Une histoire de proportions… ».

Un homme interviendrait dans un conflit entre femmes pour temporiser. Ceci émerge toujours des représentations ou vécu des participants de cette étude. À l’inverse, une femme pourrait-elle également « arbitrer » un conflit masculin ? Ou celle-ci se sentant inférieure, n’interviendrait pas ?

Belloti stipule que le conditionnement social maintient le sentiment d’infériorité féminine. Cependant, Michèle Ferrand ajoute que ce sont principalement les mères qui entretiennent ces catégories sexuées.213. Selon Catherine Monnot, doctorante en anthropologie, les filles s’identifient encore fortement à la mère, qui reste un modèle identitaire très fort. Peut-être encore plus que le groupe de pairs ? Ces filles, justement, observent le rôle de leur mère jour après jour et intègrent ainsi les « gestes de la vie quotidienne ».214

En outre, nous avons étudié dans le pouvoir que peu de femmes sont leaders. On ne leur attribue pas des capacités leur permettant de mener un groupe. Une femme ne pourrait-elle donc pas agir en médiateur lors d’un conflit ?

Cependant, il serait intéressant de pouvoir étudier ce phénomène dans un milieu de soins exclusivement masculin. Je suppose que les relations n’y seraient pas meilleures. N’y aurait-il pas tout autant de désaccords, de dysfonctionnements au niveau de la relation, et - pour en revenir aux clichés – des rapports de concurrence ou de force ? Malheureusement, nous ne pouvons vérifier cette hypothèse à l’heure actuelle, du fait qu’aucun service de soins ne soit constitué entièrement d’hommes.

Finalement, l’idée d’une personne « tampon » nous interpelle. En effet, par les caractéristiques inhérentes à notre éducation, donc à

213 FERRAND, Michèle. Féminin Masculin. Paris : la Découverte, 2004, p.129.

214 MONNOT, Catherine. La nécessaire adhésion aux modèles du groupe. In : Petites filles d’aujourd’hui : L’apprentissage de la féminité. Paris : Autrement, 2009, p. 35-71.

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notre sexe, ne pourrions nous pas, par notre vision, notre sensibilité, nos croyances, alléger une situation ?

La recherche de Fortino a permis de démontrer que les hommes jouent souvent le rôle d’arbitre dans les conflits « féminins ». On perçoit alors qu’ils gardent le beau rôle et sont souvent choyés par leurs collègues qui ne les perçoivent nullement comme une menace mais plutôt comme un facteur bienfaisant au sein de l’équipe215.

Quelques participants ont également ajoutés que le fait d’être minoritaires au sein d’une équipe pouvait avoir certains avantages.

Apparemment, ils pourraient bénéficier d’un statut de « petit chouchou » et apprécient le fait de ne pas avoir de concurrence. « J’ai fait des stages où j’étais le seul homme. Être seul dans une équipe ça change, on a une situation particulière ».

Les femmes valorisent les hommes. L’homme dans les soins semble être une denrée rare qu’il faut préserver.

Les femmes préfèrent le travail en équipe mixte, car le climat y serait meilleur, plus détendu, moins conflictuel. L’homme aurait la capacité de rendre l’équipe plus attrayante. Leurs collègues masculins, certes, ont des défauts, mais ceux-ci n’entravent pas la collaboration contrairement aux travers qu’on attribue aux femmes. En effet, bien qu’ils puissent devenir violents, les hommes sont francs, drôles, solidaires entre eux, disponibles. La violence n’est même pas perçue négativement au niveau de la relation d’équipe lors de tensions car

« c’est mieux que de se faire la gueule pendant des mois »216. Les femmes, comme on a pu le constater, ne tiennent pas des propos très agréables à leur sujet.

Toujours dans l’étude de Fortino, les hommes sont « bichonnés ». Ils bénéficient de nombreuses petites attentions. Chercherait-on à les séduire ?

215 FORTINO, Sabine. La mixité au travail. Paris : La dispute, 2002, p.170-171.

216 FORTINO, Sabine. La mixité au travail. Paris : La dispute, 2002, p. 168.

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5.1.2. La spécificité de la relation infirmière-infirmier en milieu