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Mitochondries : façonner les dynamiques calciques intracellulaires

1. Introduction

1.4. La protéine kinase II dépendante du complexe Calcium-Calmoduline («CaMKII»)

1.5.4 La mitochondrie et les dynamiques calciques

1.5.4.3 Mitochondries : façonner les dynamiques calciques intracellulaires

La capacité de la mitochondrie à tamponner le Ca2+ rapidement lui procure la capacité de moduler les composantes spatiotemporelles des signaux calciques. Elle peut ainsi compartimenter le Ca2+ intracellulaire en limitant sa propagation dans certaines régions de la cellule. Les cellules du pancréas sont des cellules présentant une importante polarisation et elles constituent un exemple parfait de représentation du rôle de la mitochondrie à titre de barrière calcique. La cellule pancréatique présente une haute activité vésiculaire (souvent définie en termes de granules) du côté apical tandis que le RE et le noyau est localisé du côté basolatéral. Une augmentation de Ca2+ du côté apical résulte en une libération du contenu vésiculaire de ce coté [672]. Un marquage à l’aide d’une sonde fluorescente dirigée contre la mitochondrie sur des cellules pancréatiques isolées permet d’apprécier la localisation des mitochondries en périphérie de la zone granulaire. De façon intéressante, une altération de la Δψm modifie drastiquement le patron de localisation des signaux calciques résultants en une transformation des oscillations calciques de la région granulaire en une augmentation globale de Ca2+ jusqu’au côté basolatéral [622, 673]. Dans ce type cellulaire, l’appellation de « firewall (pare-feu) » ou de « belt (ceinture) » est attribuée aux mitochondries faisant référence à leur localisation stratégique et à leur rôle de barrière (Figure 28). Les cellules épithéliales présente également un patron de distribution mitochondrial permettant de limiter les signaux calciques du côté basolatéral de la cellule. Cette limitation du signal permet de contrôler spécifiquement certaines fonctions cellulaires. Par exemple, l’utilisation de carbonylcyanide m-chlorophenylhydrazone (CCCP; découpleur mitochondrial) engendre une activation des canaux chlorure activés par le Ca2+ localisés du côté apical suite à la stimulation des récepteurs purinergiques localisés du côté basolatéral, une activation qui n’est pas observée en absence de CCCP [674]. Le rôle tampon de la mitochondrie dans la régulation de fonctions cellulaires a également été mis en évidence au niveau de la fente synaptique où la

mitochondrie semble contrôler les niveaux de Ca2+ modulant ainsi la plasticité synaptique. Par exemple, l’altération de la capacité de la mitochondrie à séquestrer le Ca2+ via l’utilisation de

découpleurs mitochondriaux engendre, en absence de stimulation, la libération de vésicules pré-synaptiques, un processus qui est dépendant du Ca2+ [675].

Au niveau des cardiomyocytes, la mitochondrie influence les cinétiques des vagues calciques. L’utilisation de FCCP augmente la fréquence des vagues calciques, une condition qui peut être prévenue par la stimulation de la recapture de Ca2+ par la mitochondrie (i.e par l’utilisation du Kaempferol). Inversement, une inhibition de la recapture du Ca2+ (i.e par l’utilisation du Ru360) augmente la fréquence des vagues calciques [676]. La vitesse de ces vagues est également une composante modulée par les mitochondries. Lorsque des inhibiteurs de la chaine de transport des électrons sont utilisés sur des astrocytes (résultant en une chute de la Δψm), la vitesse des vagues calciques induites par une stimulation extracellulaire à l’ATP est augmentée signifiant que la recapture de Ca2+ par la mitochondrie tend à diminuer la progression de la vague au sein de la cellule [677].

La relation entre la localisation des mitochondries et les signaux calciques locaux a également été étudiée dans le modèle d’ovocyte de Xenopus. Les signaux calciques locaux rapportés comme étant des Ca2+ puff ont été stimulés par photolyse d’IP3-cagé. Suite à cette stimulation, les sites de Ca2+ puff avec une plus haute fréquence corrélaient avec les régions

présentant la moins grande densité mitochondriale suggérant que la mitochondrie inhibe l’activité des Ca2+ puffs dans cette condition spécifique. Ces sites corrélaient également avec

les sites d’initiation de vagues calciques suggérant que l’absence de mitochondrie permet la dispersion du signal calcique [678]. En comparaison, il a été démontré que l’utilisation de dinitrophénol comme découpleur mitochondrial réduit la fréquence des oscillations calciques observées au niveau des CMLs suggérant que la présence de mitochondries fonctionnelles

Figure 28. Schématisation simplifiée de la barrière calcique mitochondriale.

La mitochondrie permet de contenir les ions calcium dans une section de la cellule (gauche : neurone, droite : cellule pancréatique) de façon à compartimenter les niveaux de calcium intracellulaire. Modifiée de : [4]

favoriserait les oscillations dans ce type cellulaire [679]. Une inhibition du NCLX réduit également la fréquence d’oscillations IP3R-dépendantes induites par l’histamine dans des cellules HeLa. Par contre, un effet contraire a été dénoté au niveau des fibroblastes qui présentent pour leur part des oscillations calciques de façon basale. Dans ce type cellulaire, l’utilisation de CGP37157 augmente le nombre de cellules avec des oscillations calciques. De plus, les cellules qui présentaient déjà des oscillations calciques voyaient leur fréquence d’oscillations augmentée suite à l’inhibition du NCLX contrastant avec l’effet observé dans les cellules HeLa [680]. Ces différents résultats suggèrent que la régulation mitochondriale des oscillations n’est pas unidirectionnelle et qu’elle peut être influencée par une multitude de facteurs tels que l’architecture cellulaire, la localisation mitochondriale, la nature du signal calcique ou de la stimulation. Les IP3Rs sont sensibles à l’environnement en Ca2+ puisqu’ils sont activés et inhibés par le Ca2+. Une faible variation au niveau d’un ou plusieurs facteurs énumérés précédemment pourrait donc fortement influencer les cinétiques calciques.

La régulation des signaux calciques par la mitochondrie découle également de sa capacité à recharger le RE/RS en Ca2+ contrôlant le niveau de Ca2+ disponible pour une libération subséquente. Des études ont démontré que le NCLX est un facteur important dans cette relation. Son inhibition diminue drastiquement le contenu du RE d’une lignée de EA.hy926, particulièrement suite à une stimulation via un agoniste tel que l’histamine [681]. La délétion du gène du NCLX dans des cardiomyocytes démontre également une altération du contenu en Ca2+ du SR ce qui affecte conséquemment la rythmicité de la contraction [682].

Ainsi, la mitochondrie influence différentes composantes des dynamiques calciques intracellulaires telles que la dispersion, la vitesse ou la fréquence du signal calcique ainsi que le contenu de la principale réserve intracellulaire en Ca2+. Elle semble donc être un élément fondamental pour l’établissement des caractéristiques spatiotemporelles des signaux calciques intracellulaires, et ce, dans une multitude de types cellulaires différents. Par contre, ceci n’a pas été évalué au sein de l’endothélium qui présente une grande diversité de signaux calciques et qui sont susceptibles d’être régulés par la mitochondrie.