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1. Introduction

1.4. La protéine kinase II dépendante du complexe Calcium-Calmoduline («CaMKII»)

1.4.2 Les fonctions de CaMKII

1.4.2.2 CaMKII et les cardiomyocytes

Une part importante du rôle de CaMKII dans la physiopathologie cardiaque passe via ses actions sur les acteurs impliqués dans les dynamiques calciques cardiaques (Figure 21). Une altération de la régulation de ces différents effecteurs a été mise en évidence dans plusieurs pathologies cardiaques et fait l’objet de plusieurs revues de littérature [470-473].

Le mécanisme de contraction des cardiomyocytes dépend de l’augmentation de Ca2+ intracellulaire qui repose essentiellement sur le couplage fonctionnel de 2 canaux calciques [474]. Elle est initiée par un influx calcique provenant des Cav1.2 (« Ca2+ sparklets ») qui sont activés par la dépolarisation de la membrane. Cet influx stimule la libération de Ca2+ par un mécanisme de CICR avec les RyR de type 2 (RyR2; « Ca2+ sparks ») juxtaposés en face des

Cav1.2 [388]. Cette proximité [475, 476] permet une libération rapide du Ca2+ du SR en réaction à un changement de potentiel membranaire perçu par les Cav1.2 [474]. La littérature rapporte que CaMKII peut influencer l’activité de ces 2 effecteurs calciques primordiaux à la contraction cardiaque.

Plusieurs études ont démontré que l’inhibition de CaMKII affecte grandement l’activité des Cav1.2 [477-479]. Cet effet provient entre autres de sa capacité à phosphoryler la sous- unité régulatrice auxiliaire β2a en position Thr498 ce qui prolonge l’ouverture des Cav1.2 [480]. Une association entre CaMKII et cette sous-unité est essentielle dans le mécanisme de facilitation du courant calcique modulé par CaMKII [480, 481]. CaMKII phosphoryle également la sous-unité principale constituant le canal dans la membrane plasmique en position sérine (Ser) 1512 et Ser1570. Des mutations à ces deux positions altèrent également le mécanisme de facilitation du courant de ce canal par CaMKII tel que démontré dans un système d’expression [482] ou dans des cardiomyocytes de souris transgéniques exprimant une mutation pour ces deux sites [483]. Il est important de rappeler que l’utilisation du KN-93 dans le cadre de l’étude du rôle de CaMKII sur les Cav1.2 cardiaque doit être considérée comme une limite importante tel que mentionnée précédemment [441, 484].

Le RyR2 est également un substrat de CaMKII dont la phosphorylation stimule la libération de Ca2+ [485]. En effet, l’utilisation d’AIP pour inhiber CaMKII réduit l’activité des

Ca2+ sparks qui résulte des RyRs [486]. Des études d’immunoprécipitation ont d’ailleurs

établi que CaMKIIδ, l’isoforme la plus étudiée au niveau cardiaque [487], s’associe directement avec le RyR2 [486]. Les souris dont la séquence du RyR2 a été mutée de façon à mimer un récepteur constitutivement phosphosphorylé (S2814D, remplacement de la Ser par un aspartate) développent des problèmes cardiaques en vieillissant tels que des troubles

Figure 21. Schématisation simplifiée des fonctions de CaMKII dans le cardiomyocyte. L’activation de la protéine kinase II dépendante du complexe calcium/calmoduline (CaMKII) permet d’augmenter la concentration intracellulaire en Ca2+ du cardiomyocyte ce qui favorise sa contraction. Inversement, CaMKII participe à la réduction de la concentration intracellulaire en Ca2+ en augmentant l’activité de la pompe SERCA favorisant le retour du Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique (RS). CaMKII contrôle la transcription des gènes en induisant l’exportation nucléaire des HDAC. Parallèlement, elle contrôle son propre niveau d’activité en phosphorylant les récepteurs à l’inositol 1,4-5 triphosphate de type 2 (IP3R2). Ca2+ : Calcium, VDCC : Canaux calciques voltage-dépendants, SERCA : Sarcoplasmic/Endoplasmic

Reticulum Calcium-ATPase, PLB : Phospholamban, RyR : Récepteur à la ryanodine, ATP:

Adénosine triphosphate, HDAC: Histone désacétylase

arythmiques [488]. Chez les patients avec une cardiomyopathie dilatée, une augmentation de la phosphorylation à ce site est observée [489]. Le rôle de ce site de phosphorylation par CaMKII dans le développement de pathologies cardiaques est renforci par la protection qu’apporte chez les souris sa mutation de façon à éliminer la possibilité de phosphorylation (S2814A, remplacement de la Ser par une alanine) [488]. Ces résultats suggèrent que CaMKII aurait un effet amplificateur délétère sur la libération de Ca2+ puisqu’elle est elle-même activée par les oscillations calciques générées lors des cycles de contraction cardiaque.

Outre son rôle modulateur de l’influx ou de la libération de Ca2+, CaMKII module le retour du Ca2+ dans le SR. La recapture du Ca2+ s’effectue via la pompe SERCA dont l’activité est contrôlée par le PLB qui exerce une fonction inhibitrice sur la pompe. Nombreuses sont les études qui ont décrit comment cette fonction inhibitrice peut être relevée par une phosphorylation en Thr17 par CaMKII [317, 490, 491]. Cette phosphorylation en Thr17 est modulée par la fréquence de stimulation des cardiomyocytes. Cette modulation fréquence- dépendante est éliminée par l’ajout d’inhibiteur de CaMKII suggérant que cette kinase favorise cette sensibilité [492]. CaMKII régulerait également SERCA via une phosphorylation directe de la pompe ce qui augmente la vitesse de recapture de près de 70% [493] et double son activité catalytique [494]. L’effet de CaMKII sur la recapture de Ca2+ permet de limiter l’augmentation de Ca2+ intracellulaire dans le temps et de favoriser un retour à l’état de relaxation du myocyte cardiaque.

En plus de réguler le cycle du Ca2+ cytosolique, CaMKII contrôle le Ca2+ nucléaire modulant ainsi l’expression génique cardiaque. L’enveloppe nucléaire exprime des IP3R2s [495, 496]. L’entrée de Ca2+ par ces IP3Rs dans le noyau module l’activité de CaMKII tel que démontré par une augmentation de sa phosphorylation en Thr286 suite à une stimulation des récepteurs à l’ET-1 nucléaires [497, 498]. L’activation de CaMKII favorise l’exportation nucléaire des histones désacétylases (HDAC). Cette extrusion du noyau relève la répression exercée par les HDACs sur la transcription [498, 499]. Une fois activée, il est suggéré que CaMKII agit en rétroaction sur sa voie d’activation. En effet, CaMKII diminue la P0 des IP3R2s en phosphorylant le résidu Ser150, un acide aminé juxtaposé au domaine de liaison à l’IP3 [495, 500]. Un alignement de séquence souligne le remplacement de la Ser150 par une Thr pour l’IP3R1 et 3, un résidu qui pourrait être également phosphorylable par CaMKII [500].