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2. Du prescrit au réel

2.2. Mise au travail des concepts par rapport aux questions de recherche

Nous avons cherché à montrer que les professionnels infirmiers se dirigeaient vers la professionnalisation et que la formation initiale jouait un rôle dans cette transformation : la professionnalisation vise à préparer les futurs professionnels à l’adaptation de tout type de situations. Ce processus s’opère par le développement des compétences des adultes ou jeunes adultes dès la formation initiale à l’aide de moyens pédagogiques. De manière générale, l’analyse de pratiques semble faire partie de l’un de ces moyens. Il est associé à la professionnalisation et donc au développement de compétences par l’appropriation d’une posture réflexive. La réflexivité est un moyen privilégié pour développer un savoir de compréhension et d’action à partir des situations de travail. Elle vise l’amélioration de ses pratiques à partir de l’analyse des situations vécues et à la confrontation avec le groupe d’apprenants. Selon DONNAY et CHARLIER (2006), « c’est un passage possible vers le

transfert de l’expérience acquise vers d’autres situations ». Mais pour passer d’une situation

vécue au transfert de l’expérience acquise, quel rôle joue l’analyse de pratiques ? Quelles sont les différentes étapes de l’analyse de pratiques qui conduisent à la transformation de l’expérience? Comment la situation vécue par l’apprenant est-elle transformée en expérience ?

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S’intéresser au développement de compétence nous invite à questionner la place des savoirs s’ils sont stabilisés et reconnus socialement : quels sont ceux qui relèvent du domaine infirmier ? Les sciences infirmières se réfèrent essentiellement aux sciences humaines et aux sciences médicales car celles-ci sont reconnues socialement. Comment ce savoir est-il transposé dans cette situation de formation nommée analyse de pratiques ? Quel est le contenu enseigné de cette séquence d’analyse de pratiques ?

Les étudiants en soins infirmiers acquièrent en stage, dans l’action et donc en situation de travail, des compétences professionnelles. Il s’agit d’un apprentissage par le tas par imitation et par mise en scène: ils sont placés, comme les professionnels, dans des situations incertaines, complexes et doivent mobiliser leurs connaissances ainsi que les concepts pragmatiques qui leur sont transmis par les référents infirmiers chargés de leur encadrement. Le modèle opératif, qui représente le noyau conceptuel de la compétence, et le modèle cognitif sont développés au cours du stage. En revanche, le modèle cognitif est a priori développé en institut de formation. Ce modèle cognitif est-il visible au cours d’une séquence d’analyse de pratiques ?

Nous avons également vu que l’analyse de pratiques peut permettre d’apprendre par l’analyse réflexive après l’action. L’analyse de pratiques fait référence au rapport entre pratique et théorie. Devenir un praticien réflexif impose d’avoir des connaissances scientifiques, techniques afin de résoudre la situation instable. Ce modèle se propose de qualifier la situation. Pour un novice, elle se révèle problématique, et ce qui conditionne la réussite de sa résolution, c’est de définir et de délimiter le problème en tenant compte du contexte. Quand le référentiel de formation infirmier spécifie une situation qui « interpelle », n’est-ce pas une situation qui semble incertaine, instable pour l’étudiant et donc problématique puisqu’il est dans un processus d’apprentissage? Est-ce que les formateurs utilisent la résolution de problème pour développer une posture réflexive auprès des étudiants ? Le développement d’une posture réflexive est-elle considérée par les formateurs comme l’acquisition d’une compétence ? Nous observerons la place de la situation de travail dans cette séquence de formation : quel est son rôle ?

L’analyse de pratiques favorise l’apprentissage des concepts pragmatiques, des concepts organisateurs de l’action en plus des savoirs empiriques. Mais elle ne correspond pas à un apprentissage de la pratique par l’exercice de la pratique. Il nous faut nous intéresser à la situation étudiée lors des séquences d’analyse de pratiques pour les repérer. Comme l’indique PASTRÉ (2004, p.472), « il n’y a probablement rien de plus difficile à apprendre et à

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observer le rôle du formateur dans la conduite de cette séquence de formation nous éclairera sur le rôle que joue la situation et sur la stratégie d’enseignement menée par le formateur. Nous observerons comment il identifie le niveau d’apprentissage des étudiants. Quel est son rôle dans le rapport contenu enseigné et apprenants ? Nous chercherons à mettre en exergue le fait que la séquence d’APP corresponde à une situation didactique, avec un contrat didactique entre l’apprenant et le formateur. La didactique professionnelle et la psychologie ergonomique semblent présenter des modèles de compréhension de cette situation de formation.

D’autre part, nous nous interrogeons sur la place de l’expérience du formateur en tant qu’ancien professionnel dans la conduite de l’APP : s’appuie-t-il sur son expérience d’ancien professionnel pour identifier des concepts pragmatiques présents dans la situation? Le formateur en soins infirmiers établit-il un diagnostic de la situation relatée par l’étudiant ? Nous soulevons néanmoins plusieurs limites : l’identification des concepts pragmatiques des situations rapportées par les étudiants feront l’objet d’un travail ultérieur ainsi que le processus de conceptualisation des étudiants et des effets de la séquence sur leur apprentissage.

Nous présentons maintenant la méthodologie de notre travail de recherche.