• Aucun résultat trouvé

2. Du prescrit au réel

2.1. Ancrage théorique

2.1.5. Caractérisation de l’analyse de pratiques professionnelles

L’intérêt pour les dispositifs d’APP en formation des adultes s’est développé entre les années 1990 et 2000. La recherche a fructueusement participé à mettre de l’ordre dans l’éclairage théorique et les logiques qui les animent. Ces travaux ont certainement permis de développer les modèles de compréhension des pratiques.

De nombreux articles sur l’APP ont traités de son caractère polysémique et ont proposé des éclairages théoriques qui permettent de les analyser. Nous retrouvons notamment :

- En 2004, la revue Education Permanente consacre deux dossiers à l’analyse des pratiques (les numéros 160 et 161). Une Université d’automne et un séminaire ont été organisés par le ministère de l’éducation nationale sur le thème de l’analyse de pratiques.

33

- Une recherche menée par l’Académie de Reims en 2005 montre les caractéristiques de quatre dispositifs différents mis en place auprès des enseignants : le Groupe d’Accompagnement Professionnel (GAP), le Groupe d’Entraînement à l’Analyse de Situations Éducatives (GEASE), le soutien au soutien et le groupe d’orientation BALINT.

- Une note de synthèse sur les analyses de pratiques dans le champ des sciences de l’éducation menée par des chercheurs, dans les nombreux dispositifs d’APP déjà recensés en 2002, propose une grille d’analyse, outil qui vise d’un point de vue méthodologique à recueillir des données sur le terrain. Nous le développerons plus en détail dans la présentation de nos outils d’enquête. Les auteurs Paul OLRY et Michel SONNTAG, chercheurs didacticiens ont identifié trois intentions dominantes.

BARBIER propose des outils généraux et définit la pratique comme un processus de transformation du réel par un opérateur. L’intérêt marqué pour ce dispositif est lié à « la

mentalisation des processus de transformation du monde ». L’auteur voit en l’APP un outil

polyfonctionnel utilisé soit comme :

- Un outil de formation qui s’adresse à un public d’adultes avec une expérience professionnelle et a pour objectif de développer des compétences à partir du vécu. L’activité d’intelligibilité et/ou de finalisation des situations réelles représente le moyen pour y accéder.

- Un outil d’action qui est apparu avec les nouvelles organisations de travail qui modifient les processus de production. Il repose sur une activité individuelle ou collective de mentalisation de formalisation des processus productifs.

- Un outil de recherche qui s’intéresse à l’intelligibilité des processus des histoires ou des dynamiques.

- Le tutorat qui se situe entre l’outil d’action et celui de formation et représente un espace de réflexion et d’échanges sur le fonctionnement de l’activité collective.

L’outil de formation nous intéresse en particulier ici et dans le domaine de la formation, trois caractéristiques de cet outil sont identifiés :

- Il existe un caractère formel c’est-à-dire que ce sont des outils générateurs de savoirs. - Il possède un caractère pluridisciplinaire c’est-à-dire que plusieurs champs de

pratiques sont articulés. Ceci s’explique par le fait qu’une seule discipline ne suffit pas à analyser une situation dans sa complexité.

34

- Les postures épistémologiques dans les discours sur les pratiques sont nécessaires dans la mise en œuvre des outils. Cependant une distinction est à faire entre le discours d’intelligibilité qui vise à produire des savoirs sur les relations repérables entre les phénomènes et le discours de finalisation qui oriente les pratiques ou confère du sens. BARBIER nous invite à éviter la confusion entre la rigueur épistémologique et la rigueur dans la définition des rôles d’acteurs.

D’autres chercheurs, comme M. ALTET et P. PERRENOUD, notamment ont abordé les caractéristiques de l’analyse de pratiques auprès des enseignants. Dans le domaine de l’éducation, l’analyse de pratiques est aussi considérée comme une démarche professionnalisante. Un rapprochement théorique peut être établi avec la démarche d’analyse de pratiques conduite en IFSI.

La définition initiale de l’analyse des pratiques professionnelles que BLANCHARD- LAVILLE et FABLET ont offerte en 1996 est la suivante :

« Les activités qui, sous cette appellation ou une appellation similaire :

- Sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou

continue ;

- Concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs,

enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines…) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés (de l’éducation, du social, de l’entreprise…) ;

- Induisent des dispositifs dans lesquels les sujets sont invités à s’impliquer dans

l’analyse, c’est-à-dire à travailler à la co-construction du sens de leurs pratiques et/ou à l’amélioration des techniques professionnelles ;

- Conduisent à une élaboration en situation interindividuelle, le plus souvent groupale,

s’inscrivant dans une certaine durée et nécessitant la présence d’un animateur, en général professionnel lui-même dans le domaine des pratiques analysées, garant du dispositif en lien avec des références théoriques affirmées12 ».

D’après BLANCHARD-LAVILLE et FABLET, en résumé, analyser ses pratiques professionnelles, c’est « travailler à la co-construction du sens de leurs pratiques et/ou à

12

BLANCHARD-LAVILLE Claudine (coord.), FABLET Dominique (coord.) (1996), l’analyse des pratiques professionnelles, Paris, L’harmattan, p. 262-263

35

l’amélioration des techniques professionnelles. Cette élaboration en situation interindividuelle, le plus souvent groupale, s’inscrit dans une certaine durée et nécessite la présence d’un animateur, en général professionnel lui-même dans le domaine des pratiques analysées, garant du dispositif en lien avec des références théoriques affirmées ».

Une distinction est nécessaire entre l’analyse de pratiques qui évoque davantage un travail « sur des pratiques effectives observées ou rapportées toujours singulières et contextualisées,

la pratique particulière d’une personne13

», tandis que la formulation analyse des pratiques, quant à elle, correspond « à des pratiques en général ».

Dans son ouvrage « Développer la pratique réflexive », PERRENOUD s’appuie sur de multiples références théoriques (psychanalyse, sociologie, sciences de l’éducation…) pour démontrer l’importance de la posture réflexive dans l’analyse de pratiques. La pratique réflexive est associée à la professionnalisation du métier.

L’APP prend différentes formes selon le champ dans lequel elle s’inscrit. Nous retrouvons deux courants qui se sont développés et qui ont évolués dans des contextes différents. Ces deux courants ont également des intentions spécifiques qui leur sont propres. C’est à partir des finalités et des intentions que nous les avons regroupées et étudiées.

- Le premier type d’analyse de pratiques repose sur une intention d’impliquer de manière subjective des sujets qui composent à partir de leurs expériences et de leurs émotions, une interprétation de la situation c’est-à-dire que l’analyse se centre sur les professionnels en situation. Ce courant est associé au travail de Michaël BALINT sur les groupes d’analyse de pratiques entre médecins ou autres soignants.

- Le deuxième type d’analyse de pratiques est destiné à développer des compétences en favorisant la réflexivité des sujets dans un contexte de professionnalisation. Ce courant fait appel aux travaux que SCHÖN et ARGYRIS ont conduits sur la pratique réflexive. En effet l’approche réflexive par un travail davantage d’ordre cognitif, vise à élucider les différentes caractéristiques de la situation professionnelle étudiée.

Ces deux courants peuvent s’appliquer aussi bien en formation initiale pour des novices qu’en formation continue pour les praticiens déjà expérimentés. En effet, pour les débutants, l’APP peut aider à dépasser des débuts difficiles et à se constituer des savoirs pratiques opérants.

13

36

Concernant les professionnels qui ont instauré une forme de routine dans leur pratique quotidienne, l’APP permet de les aider à résoudre les problèmes que leur posent des situations inédites, à trouver de nouvelles réponses et ainsi développer leurs compétences professionnelles.