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II. Production d’AtFuT1 en système hétérologue

II.3. Production d’AtFuT1 en cellules d’insectes

II.3.2. Mise en place d’une méthode de culture en suspension

De manière à produire de plus gros volumes de milieux et plus fréquemment, la seule possibilité envisagée a été de cultiver les cellules en suspension. Cette méthode de culture a été reproduite à partir des protocoles de la plateforme d’un laboratoire partenaire, puis adaptée aux matériels et aux disponibilités en main d’œuvre de notre unité.

Ø Mise en place

Ceci a été effectué avec le soutien technique de la plateforme de production de protéines en cellules d’insecte de l’UVHCI « Unit of Virus Host Cell Interactions » (UMI 3265 UJF-EMBL-CNRS). Ce laboratoire cultive différentes lignées cellulaires dans différents milieux, dont les High-five en Express-five. Les cellules sont cultivées sous agitation (100-110 tpm) dans des Erlens en verre de 200 ml à 2 litres, remplis au cinquième de leur volume par du milieu. La population est maintenue à 26°C en phase exponentielle de croissance, entre 0,5 et 1 million de cellules par millilitre. Pour cela, elles sont diluées par deux tous les deux jours. L’infection est réalisée à 0,5 x 106 cellules/ ml.

Dans un premier temps, les protocoles de l’UVHCI ont été appliqués. Par la suite, des mises au point ont été effectuées concernant la vitesse de rotation, la température de culture pour les cellules en maintien, la fréquence des passages et la concentration cellulaire au moment de l’infection.

Ø Culture en milieu Ex-Cell 405

Les cellules High-five en milieu Express-five ont été adaptées rapidement à la culture en suspension: en une semaine, le taux de mortalité a été inférieur à 5 % et aucun agrégat n’était visible. L’adaptation de ces cellules avec le milieu Ex-Cell 405 a été plus difficile. Une attention particulière a été dédiée à la mise au point de la culture dans ce milieu, puisque ce dernier présente un rendement de production d’AtFuT1 3 fois supérieure que le milieu Express-five en boite (chapitre purification). Dans un premier temps des agrégats de cellules sont apparus systématiquement en une semaine de culture et le taux de mortalité atteignait 20 %. Ce milieu semble plus visqueux que l’express-five et la taille des cellules est environ 50 % plus importante. Il a alors été supposé que la vitesse d’agitation devait être optimisée. La vitesse du plateau a été augmentée par seuil de 5 tpm à chaque passage en observant le comportement des cellules, jusqu’à 130 tpm. Ceci a permis d’obtenir une population de cellules uniquement individuelles, multipliée en moyenne par trois tous les deux jours à 26°C, et un taux de mortalité moyen inférieur à 2 %.

Ces trois paramètres (présence ou non d’agrégats, taux de croissance et de mortalité) sont contrôlés à chaque repiquage des cellules. Les cellules sont diluées à environ 0,4 x 106 cellules/ml et récupérées à environ 1,5 x 106 cellules/ml (tableau II.3).

Tableau II.3 : cycles de passage des cellules cultivées en suspension.

Les concentrations données correspondent à la dilution et à la récupération suivante. Les concentrations

limites, à ne pas dépasser régulièrement sont : 0,3 et 2 x 106 cellules / ml (recommandation UVHCI). Une

température baissée à 18°C ralentit la division cellulaire.

Température de culture Concentrations (million cellules / ml) Fréquence de passage

26°C 0,4 -> 1,5 2-3 jours

18°C 0,4 -> 1,5 3-4 jours

Le taux de croissance est l’indicateur le plus sensible de l’état de la population : on vérifie notamment que les cellules sont en capacité de se multiplier par 3 ou 4 entre chaque repiquage dans les conditions mentionnées. Sinon il est préférable de recommencer avec un nouveau stock. Baisser la température de l’Erlen à 18 °C pour le maintien des cellules permet de plus facilement respecter les concentrations limites (Tableau II.3), notamment pendant les WE et jours fériés. Cela économise aussi du milieu de culture.

Ø Augmentation du volume de culture et infection

Préalablement à une infection, le volume de milieu et la quantité de cellules sont généralement augmentés jusqu’à atteindre 1 – 1,4 litre, avec 1 – 2 milliard de cellules environ. Le repiquage se fait dans un Erlen d’une taille adaptée au facteur de dilution (quatre à cinq fois le volume final). Les cellules destinées à être infectées sont transférées dans un incubateur / agitateur dont la température est amenée de 20°C à 27°C en quelques jours. Au moment ou se fait l’infection, les cellules doivent avoir été diluées par deux au minimum, de manière à disposer de suffisamment de nutriment et d’oxygène pendant la durée de l’infection ( Drugmand, 2007 ; Beltrametti, Bögli, Greller, Eibl, & Eibl, 2011 ; Rausch, Pörtner, & Knäblein, 2013). La concentration optimale observée pour obtenir le plus de protéine est de 0,7 – 2 x 106 cellules par millilitre (Mc/ml) au moment de l’infection. Cela implique, pour respecter un facteur de dilution de 2 minimums, que les cellules soient à 1,4 - 4 M/ml juste avant la dernière dilution. Cette concentration, un peu plus élevée que pour le maintient (Tableau II.3) est augmentée graduellement pendant les derniers passages. Typiquement : 0,6 L de milieu avec 3 Mc/ml est dilué par 2 (1,2 L final) dans un erlenmeyer de 6 L, puis infecté par environ 54 ml de surnageant infectieux à 108 pfu/ml (MOI de 3) pendant 4 jours.

Les écarts de taille entre récipients nécessitent d’adapter les vitesses de rotation : ce paramètre modifie de manière importante la vitesse linéaire de l’ondulation au bord de la paroi, et la turbulence globale dans le récipient. Les cellules sont sensibles aux forces de cisaillements. Par conséquent, elles meurent si elles sont maintenues par exemple à une rotation de 130 tpm dans un Erlen de 5 L. La vitesse du plateau est donc baissée au fur et à mesure que la taille de l’Erlen augmente (tableau II.4). Cette méthode de culture des cellules en suspension permet de passer en 15 jours d’un stock de 1 ml cellules congelées dans l’azote liquide à 1,5 litre de culture cellulaire prête à être infectée.

Tableau II.4 : Vitesse de rotation du plateau utilisée en fonction de la taille de l’Erlen.

Ces valeurs sont données pour un remplissage de 20 % du volume total. Elles représentent une tendance : les cellules supportent environ 10 % de variation.

Volume Erlen (L) 0,1 0,25 1 2 5 6

Vitesse angulaire (tpm) 130 120 110 100 90 85

Les conditions de cultures ont été mises au point avec le milieu Ex-Cell 405, dont les rendements en FUT1 sont trois fois meilleurs que pour Express-five. Le problème lié au coût prohibitif des boites de cultures est alors résolu. Le milieu Ex-Cell 405 utilisé pour ces grosses productions est commandé en poudre, réhydraté, complété et filtré au laboratoire. Cela permet de diminuer le prix de 65 à 40 € / L.

Avec la méthode de culture en suspension, plusieurs amplifications de cellules peuvent être effectuées en parallèle, de manière à effectuer une infection par semaine. Beaucoup de temps est également gagné en éliminant la manipulation de dizaines de boites. De plus, le lot de protéines AtFuT1 récolté est probablement plus homogène, puisque les cellules sont toutes infectées au même moment, dans un même récipient. En procédant de cette manière, en moyenne 1 à 1,5 L peuvent être produit aisément, permettant d’obtenir 1 à 2 mg de protéines pour la cristallisation. Cette méthode de production de la protéine répond au besoin du projet en termes de quantité et de qualité de protéines nécessaires.

Ø Culture des cellules en bio-réacteur

Deux essais de culture des cellules et de production d’AtFuT1 ont été effectués dans un bioréacteur disponible au CERMAV (Figure II.11). Ce dernier est équipé d’une cuve de 2 L et de deux pales du type Rushton (Applikon, Chemglass life sciences). Les pales de types de type Rushton sont habituellement réservées à la culture de bactéries, tandis que celles de type « marine » conviennent davantage aux cellules eucaryotes. Un aérateur en métal fritté avec des pores de 15 μm est placé sur le bas de la cuve, pour oxygéner le milieu et contribuer à garder les cellules en suspension. Les cellules

(High-five, milieu Ex-Cell 405) ont été cultivées jusqu’à un volume de 500 ml en erlen puis transférées en condition stérile dans la cuve du bioréacteur. La vitesse des pales et le débit d’air ont été réglés de manière à retrouver une agitation proche des conditions de production en Erlen. Le bulleur a été réglé au maximum de ce qui peut l’être, en prenant soin de ne pas créer de mousse à la surface du milieu, et les pales à 100 tpm.

Figure II.11 : Culture des cellules d’insectes High-five en milieu Ex-Cell 405 dans un bioréacteur. Le milieu contenant les cellules (100-500 ml) doit être versé dans la cuve sous hotte. Ensuite, le reste du milieu peut être ajouté pendant le fonctionnement de l’appareil. Une fois l’agitation fixée à 100 tpm, le débit d’air dissous est le principal paramètre à contrôler. Les prélèvements de cellules s’effectuent par une seringue piquée dans le caoutchouc gris au bas de la cuve.

Les cellules ont poussé dès le premier essai à la même vitesse qu’en Erlen. Elles ont pu être infectées, récoltées, et AtFuT1 purifiée du surnageant comme lorsque produite en Erlen. Cette méthode de culture ne permet pas d’augmenter la densité cellulaire. Par contre, le milieu est ajouté plus facilement dans la cuve, les prélèvements pour le suivi de la viabilité n’impliquent pas de transporter ni d’ouvrir le récipient, et les paramètres de culture - pH et oxygénation - sont maitrisés et enregistrés. De plus, l’Erlen le plus volumineux (6L) ne peut contenir que 1,5 L de milieu maximum alors que les cuves du bioréacteur utilisées existent en 3, 5 et 7 litres.