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2 Revue bibliographique

2.1 Les changements climatiques

2.1.5 Mise à l’échelle des données

Les données issues des AOGCMs (précipitations, températures, etc.) sont généralement d’échelle continentale et ont donc une résolution trop grossière (voir Tableau 1, 300 km de côté comme ordre de grandeur) pour être directement utilisées à échelle régionale pour des études hydrogéologiques. À cause de cette résolution trop grossière, les AOGCM ne sont pas capable de reproduire de phénomènes locaux. C’est pourquoi une mise à l’échelle régionale (downscaling) des données est impérative afin de pouvoir les utiliser directement dans un modèle hydrogéologique. Le nombre d’études et d’articles ayant pour thématique la mise à l’échelle est important et est en constante augmentation en raison de leur utilisation indispensable dans les études climatiques à échelle régionale. L’objectif de cette section est de présenter les différentes

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méthodologies et de mettre en avant leurs avantages et inconvénients. Selon Fowler et al. (2007) on peut classer les différentes techniques en deux catégories distinctes (Figure 5).

Figure 5 : Classification des techniques de mise à l’échelle.

La méthode de mise à l’échelle dynamique consiste en l’utilisation de modèles régionaux (RCMs) ou des « Limited-area models » (LAMs). On pourrait définir ces modèles en un raffinement local des AOGCMs. Ils utilisent comme conditions limites latérales les données issues des AOGCMs, ils ont une résolution plus fine (environ 0.5°, 50 – 100 km, Mearns et al. (2003)) et couvrent une surface plus réduite. Ils ont comme avantages de permettre de simuler de manière réaliste des phénomènes climatiques régionaux tels que des précipitations orographiques (Frei et al. 2003) et des événements climatiques extrêmes (Fowler et al. (2005) et Ekström et al. (2005)). Ils ont cependant le désavantage d’être informatiquement très lourds (temps de calcul), leur nombre de scénarios en est limité et ils sont grandement dépendants des conditions limites des AOGCMs (Fowler et al. 2007). Une résolution de 50 km (au mieux) obtenue avec ce type de modèle peut également être encore une résolution trop grossière pour l’introduction directe dans un modèle à échelle locale.

L’alternative à la mise à l’échelle dynamique est l’utilisation de méthodes statistiques pour relier les modèles généraux à une échelle locale. La méthode des « Deltas » (delta-change method) également appelée « Change factors » (CFs) ou « Perturbation Method » est probablement l’approche la plus simple et est de ce fait souvent utilisée (voir par exemple van Roosmalen et al. (2007)). Cette méthode consiste à pondérer les

Données à échelle régionale Données des AOGCMs

Mise à l’échelle statistique (SD) :

 « Delta » méthode

 « Regression models »

 « Weather typing schemes »

 « Générateur stochastique de

climat » Mise à l’échelle dynamique :

données météorologiques actuelles par un facteur propre à chaque scénario climatique. On peut formuler cette méthode de la manière suivante (Eq. 1) :

∆ , ∆ , ; , , … . ; , , … . , Eq. 1

où PΔ sont les précipitations à introduire dans le modèle hydrogéologique pour les différents scénarios climatiques que l’on veut simuler et Pobs sont les précipitations du climat actuel. Les suffixes i et j sont utilisés pour représenter le ième jour et le jème mois. Le Δp est le « delta », le facteur correctif, qui est obtenu de la manière suivante (Eq. 2) :

∆ ; , , … . , Eq. 2

sont les précipitations moyennes futures du mois j simulées par le modèle climatique en fonction du scénario d’émission (SR-A1, SR-B1, etc.) et sont les précipitations moyennes du mois j de la période de contrôle (période d’au moins 30 ans en général et représentant l’état actuel) également issues du modèle climatique. On obtient ainsi un facteur correctif que l’on peut multiplier aux données réelles comme on le voit dans Eq. 1.

La méthode peut également s’appliquer pour les températures et peut être formulée de la manière suivante (Eq. 3).

∆ , , ∆ ; , , … . ; , , … . , Eq. 3

Où le facteur correctif est (Eq. 4) :

∆ ; , , … . , Eq. 4

On notera que le facteur correctif s’additionne dans ce cas-ci. Il est également possible d’appliquer cette méthode pour l’évapotranspiration en utilisant les paramètres (typiquement la radiation solaire, la température, la vitesse du vent, etc.) actuels et futurs issus des modèles climatiques afin de calculer un facteur correctif mensuel (van Roosmalen et al. (2007)).

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La limite principale de cette méthode est que les données générées sont basées sur des données observées actuellement (Pobs et Tobs). De ce fait, on perd les informations des modèles climatiques concernant le changement de la variabilité d’événements tels que les périodes de sécheresse ou les événements extrêmes. Cela implique également que la corrélation entre les différentes variables climatiques reste la même alors que celle-ci pourrait être influencée par l’évolution du climat.

D’autres méthodes plus sophistiquées ont été développées afin de rendre plus réaliste la mise à l’échelle régionale. Selon Fowler et al. (2007), ces techniques peuvent être regroupées en trois catégories (voir Figure 5) ; « Regression models », « Weather typing schemes » et « Générateurs stochastiques de climat » (« Weather generators (WGs) »). Ces techniques se basent sur le fait que les climats locaux sont reliés aux climats généraux et que ces relations, entre les variables climatiques à grande échelle « prédicteurs » (predictors) et les variables locales « prédites » (predictants), peuvent être définies de manière statistique ou de manière déterministe.

La méthode des « Regression models » consiste à déterminer une fonction qui relie directement une variable « prédicteurs » à un set de variables locales « prédites ». La méthode la plus simple est l’utilisation d’une régression multiple reliant une variable atmosphérique du modèle (correctement reproduite) pour en déduire les températures et précipitations locales. On peut citer Hellström et al. (2001) qui utilisèrent l’humidité à 850 hPa ou la vorticité totale d’un modèle climatique pour prédire les précipitations mensuelles. Il existe d’autres techniques plus complexes dont nous ne parlerons pas ici. Nous mentionnerons le fait que le choix du « Predicteur » est déterminant pour la bonne mise à l’échelle des données et que cette tâche requiert une bonne expérience en climatologie.

La méthode des « Weather typing schemes » se base sur l’observation de données climatiques, généralement la pression atmosphérique. On trie les pressions atmosphériques en différentes classes en fonction de leurs valeurs puis on relie ces classes de pression à des intensités de précipitations par exemple. Ensuite, on calcule l’occurrence de ces classes. Il ne reste plus qu’à comparer la différence d’occurrence de ces classes entre les observations et les prévisions du modèle pour déterminer les précipitations à l’échelle locale. Cette méthode suppose donc que la relation entre les classes de pression et les intensités de

précipitation reste inchangée. Le choix et la définition des différentes classes ont donc une importance primordiale pour la réussite de cette approche, ce qui requiert également une bonne expérience en climatologie.

Les générateurs stochastiques de climat (Weather Generators (WGs)) sont des modèles numériques qui produisent une série chronologique de variables climatiques avec des propriétés statistiques semblables à celles des séries observées (Caron 2006). Il « suffit » d’utiliser les données climatiques corrigées avec la méthode des « deltas » pour générer des scénarios climatiques équiprobables. Il est même possible d’y intégrer un facteur correctif pour modifier les périodes de temps sec ou pluvieux. Il existe différents types de modèles, mais de manière générale, il est possible de générer les précipitations et températures minimales et maximales ainsi que les radiations solaires. Les différences entre les générateurs concernent principalement les approches utilisées pour simuler les différentes variables d’intérêt. Sans entrer dans les détails, certains générateurs (type « Lars-Gen », Racsko et al. (1991)) utilisent une approche semi-empirique pour simuler les occurrences de périodes sèches ou pluvieuses alors que d’autres (type « Richardson », Richardson (1981)) reposent sur une approche utilisant une chaine de Markov de différents ordres. On peut citer Semenov et al. (1998) qui évaluent les performances et caractérisent les différentes approches utilisées par les différents générateurs climatiques. L’utilisation d’un générateur stochastique dans une étude de l’impact des changements climatiques suppose la génération de plusieurs scénarios équiprobables afin de pouvoir pallier les incertitudes liées à l’utilisation d’un unique scénario. On peut citer le générateur WGEN Richardson et Wright (1984) ou Kilsby et al. (2007) qui proposent une approche spécialement dédiée à l’étude des changements climatiques. On finira par citer le générateur de WeaGets (Caron 2006) qui se base sur le modèle WGEN auquel on a apporté des modifications afin de répondre aux particularités du climat québécois.

2.1.6 Sommaire

L’une des principales conclusions que l’on peut apporter à cette section concernant les changements climatiques est que les projections faites pas les MCG des changements climatiques possibles à l’horizon 2100 ont une grande très grande variabilité. Pour les températures par exemple, les projections

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peuvent varier de plusieurs degrés (voir Figure 4) en fonction du scénario d’émissions utilisé (SR-B1, SR-A2, etc.). Cette large gamme de projections impliquera l’utilisation de plusieurs jeux de modèle afin de couvrir l’ensemble des projections, des plus « optimistes » aux moins « optimistes » pour connaître les incertitudes liées aux projections. Finalement, l’utilisation de l’une ou l’autre des techniques de mise à l’échelle des données présentées dans ce chapitre ne permettra pas de réduire l’incertitude liée aux projections, mais peut permettre de réaliser des scénarios climatiques plus réalistes.