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4.7 Le suivi postopératoire des patients avec une fixation de la syndesmose

4.7.1 La mise en charge et le retrait de l’implant

Le suivi postopératoire d'un patient après une blessure syndesmotique est aussi un sujet controversé. La mise en charge et la nécessité de retirer l'implant font l'objet de multiples

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publications dans la littérature, la majorité étant rétrospectives et rendant difficile de tirer des conclusions.

Le but de la fixation syndesmotique est de permettre une guérison des ligaments pour obtenir une mortaise stable. La durée varie habituellement de 8 à 12 semaines. Il n'est pas conseillé de retirer la vis syndesmotique avant les signes de guérison de la fracture du péroné pour éviter un diastasis22. De plus, le retrait trop précoce de la fixation peut entraîner une perte de réduction puisque les ligaments peuvent ne pas être guéris. Dans l'étude de Schepers144, le groupe ayant une récurrence de leur diastasis au retrait de leur vis avait eu un retrait de leur implant significativement plus tôt, comparativement au groupe sans récurrence. Un minimum de 6 semaines est recommandé145, et la procédure est rarement effectuée avant 8 à 12 semaines146,147. Une restriction des activités jusqu'au retrait de la vis pourrait réduire le risque de bris de celle-ci ainsi que la récurrence d'un diastasis tibio-fibulaire147. Dans la revue rétrospective de Jordan148 sur 86 retraits de vis syndesmotiques entre 11 et 16 semaines, un diastasis entre le péroné et le tibia d'approximativement 1 mm est survenu après le retrait de la vis syndesmotique mais le

medial clear space est demeuré inchangé, signifiant que l'astragale ne s'est pas déplacé

latéralement et que la mortaise est demeurée stable. Miller149 a aussi rapporté une migration de moins de 1 mm dans les paramètres radiologiques après le retrait de la vis. Les raisons de cette migration sont inconnues, mais pourraient être partiellement attribuables à une malréduction ou au fait que la stabilité de la syndesmose n'a pas été rétablie complètement à 12 semaines148. Ce phénomène ne semble pas lié au type de fracture, à une rupture du deltoïde ou à l'usage de une ou deux vis 4,5 mm corticales. Les implications cliniques ne sont pas connues non plus.

Pour éviter la possibilité de retirer la vis trop précocement, certains chirurgiens orthopédiques n'enlèvent pas la vis de routine et préfèrent la laisser en place. En 1985, De Souza150 n'a pas montré de différence dans les résultats cliniques, la douleur et les amplitudes articulaires entre les patients ayant conservé leur vis et ceux ayant eu leur vis retirée à un suivi moyen de 36 mois chez un groupe de 30 patients où 12 d'entre eux avaient encore leur vis en place. Moore119 n'a pas rapporté de différences chez les patients qui ont

subi un retrait de leur vis comparativement à ceux qui l'ont conservé et ne recommande pas le retrait de routine des vis syndesmotiques.

Cependant, laisser la vis en place peut entraîner un bris ou un desserrement de celle-ci. Cela peut être causé par la fixation rigide qui bloque les mouvements normaux du péroné durant les mouvements de la cheville149,151. Une autre étude biomécanique sur cadavres a montré des mouvements anormaux de la cheville après avoir conservé la fixation syndesmotique en place152. De manière intéressante, cette étude a montré une limitation significative de la rotation externe tibio-talaire et de la translation antéro-postérieure avec le pied en plantiflexion, mais aucune différence dans les mouvements de dorsiflexion et de plantiflexion de la cheville. Par conséquent, le bris de vis ou les changements lytiques qui surviennent avec le temps sont secondaires aux mouvements entre le tibia et le péroné qui se développent malgré la fixation par la vis.

Le bris ou le desserrement de la vis sont des trouvailles radiologiques qui peuvent ne pas être cliniquement significatives si elles surviennent après la guérison des ligaments tibio- fibulaires distaux et qu'elles sont asymptomatiques. Dans une revue récente de la littérature sur le retrait de vis syndesmotiques146, la majorité des études répertoriées n'ont pas trouvé de différence clinique entre les vis laissées en place et celles retirées140,143. Les patients avec des vis brisées, ou qui démontraient un débricolage, avaient des résultats similaires ou même améliorés par rapport aux patients avec vis retirées. En fait, dans l'étude d'Hamid153, les patients avec une vis brisée avaient les résultats fonctionnels les plus élevés. Manjoo154 a montré, avec un suivi moyen de 15 mois, que les patients avec des vis brisées ou qui démontraient un desserrement, avaient des résultats similaires aux patients avec des vis retirées et avaient des résultats fonctionnels améliorés comparativement à ceux avec des vis intactes. Plus la vis reste en place pendant une longue période de temps, plus le risque de bris de celle-ci augmente144. Bell155, dans une revue rétrospective, n'a pas montré de différence significative dans les résultats fonctionnels ou les amplitudes articulaires, en moyenne 15 mois après la chirurgie, entre 23 patients qui ont eu une fixation syndesmotique tricorticale qui a été retirée avant la mise en charge, comparativement à 7 patients chez qui la vis est demeurée en place. Deux d'entre elles se sont brisées, mais

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elles ont été laissées en place parce que les patients n'étaient pas symptomatiques. Moore119 a noté 7,5 % de bris d'implant à 150 jours. Ils mentionnent que le maintien de la vis syndesmotique, même si elle brise ou débricole, ne pose pas de problème clinique. Hamid153 conseille d'être prudent en attribuant les douleurs postopératoires au bris de la vis. Le taux de bris de vis dans la littérature varie entre 7,5 % et 29,6 %119,132,140,147,155.

Dans une étude par Heim156, les vis syndesmotiques tricorticales mises en place ont desserrées dans 91 % des cas, sans conséquence clinique. Dans une autre revue rétrospective de 30 patients157, des lignes radio-transparentes autour des vis syndesmotiques se sont développées chez 2/3 des patients et aucune vis n'a brisé avant son retrait. Dans le même ordre d'idée, l'étude d'Hamid153, où la majorité des patients ont eu une fixation tricorticale, 68 % de ceux qui ont conservé leur vis avaient de la radio-transparence autour de la vis sans perte de réduction et sans corrélation avec les résultats cliniques. Une fixation tricorticale a donc plus tendance à débricoler qu'à briser. Hoiness115 retirait de routine les vis syndesmotiques placées à travers 4 cortex, mais les vis tricorticales étaient retirées seulement dans les cas de symptômes reliés à celles-ci. Dans 93 % des cas où deux vis tricorticales ont été placées, aucun retrait de vis ne fut requis. Les vis métalliques syndesmotiques devraient donc peut-être être mises à travers 3 cortex, puisque cela préviendrait une deuxième chirurgie pour le retrait de l'implant chez plus de 90 % des patients. Hamid153 a suggéré qu'une vis 3,5 mm à travers 3 cortex était suffisamment stable pour permettre la guérison de la syndesmose et suffisamment souple pour permettre des micromouvements. Une revue récente de la littérature21 suggère par conséquent que les vis quadricorticales devraient être retirées et que le retrait de routine n'est probablement pas nécessaire pour une fixation à travers 3 cortex.

Le retrait de l'implant requiert des ressources additionnelles (temps opératoire, suivis cliniques, arrêt de travail supplémentaire) et a des risques potentiels. Le retrait des implants orthopédiques compte en général pour 4,9 à 15 % de toutes les procédures orthopédiques et varie grandement selon les centres113. Dans le cas spécifique des fixations syndesmotiques, le retrait de la fixation peut entraîner une perte de réduction et nécessiter une procédure supplémentaire, en plus de ses possibles complications150. Dans une revue rétrospective de

76 patients qui ont eu leurs vis syndesmotiques retirées dans un centre de traumatologie de niveau deux144, 9,2 % d'entre eux ont eu une infection de plaie, 6,6 % ont eu une récurrence du diastasis tibio-fibulaire et dans 6,6 % des cas, la vis était déjà brisée avant le retrait, ce qui rendait la chirurgie inutile. Cette étude démontre bien que le retrait de vis syndesmotique n'est pas un geste anodin.

Le principe récent de laisser la vis syndesmotique en place semble se refléter dans la pratique orthopédique. Dans un sondage au Royaume-Uni en 200864, 84 % des chirurgiens orthopédiques retiraient les vis syndesmotiques avant de permettre la mise en charge. Deux ans plus tard, un sondage similaire92 a montré que 65 % des membres des sociétés orthopédiques de traumatologie et de chirurgie du pied ou de la cheville retiraient de routine leurs vis syndesmotiques, la majorité en salle d'opération, entre trois et quatre mois après la chirurgie initiale.

La littérature actuelle suggère que le retrait des vis devrait être réservé pour les vis intactes, sans bris ni débricolage, qui causent une irritation ou diminuent les amplitudes articulaires après quatre à six mois. Il est improbable que cette procédure bénéficie les patients avec des vis cassées ou débricolées146,154,156. Puisque les évidences que la restriction de la dorsiflexion soit secondaire à la vis sont limitées, l'orthopédiste devrait s'assurer que cela n'est pas causé par une malréduction de l'articulation tibio-fibulaire distale. Si le retrait de la vis est effectué, une radiographie devrait être faite peu de temps avant le retrait pour s'assurer que celle-ci est encore intacte et que la chirurgie est bel et bien indiquée. De plus, une radiographie postopératoire en mise en charge devrait être réalisée de routine pour identifier les cas de diastasis récurrents144.

Le statut de la mise en charge des patients avec une vis syndesmotique est aussi matière à débat. Premièrement, les fractures associées doivent démontrer des signes de guérison avant de permettre la mise en charge. La mise en charge précoce, lorsqu'il y a une vis en place, met la vis à risque de bris ou de débricolage. Si la vis brise alors que les ligaments syndesmotiques ne sont pas guéris, une récurrence du diastasis peut survenir. C'est la raison pour laquelle certains auteurs mentionnent que la mise en charge ne devrait pas être

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permise avant son retrait, pour éviter le bris114,155. Cependant, certaines études ont démontré que la mise en charge avec la vis syndesmotique en place n'avait pas d'effet néfaste. De Souza150 permettait la mise en charge à 4 semaines. Toutes les vis desserraient, mais aucun mauvais résultat secondaire à la vis n'était noté. Jordan148 suggère que la mise en charge n'affecte pas la mortaise après une fixation syndesmotique comme en indiquent des valeurs de medial clear space similaires à en moyenne 7,2 semaines postopératoires. Toutefois, les patients qui avaient la permission de mise en charge précoce étaient ceux avec des blessures à plus basse énergie. Moore119 permettait la mise en charge entre 6 et 10 semaines avec la vis en place, sans conséquence. Finalement, dans une revue de littérature, Van den Bekerom21, conclut que si une ostéosynthèse stable est accomplie avec l'insertion d'une vis syndesmotique, la mise en charge dans un plâtre de Paris peut être permise.

En conclusion, les évidences limitées entourant ce sujet dans la littérature mènent à de faibles lignes directrices. En gardant en tête que le retrait d'une vis trop précocement peut entraîner des conséquences désastreuses et des chirurgies complexes, les chirurgiens orthopédiques devraient laisser la vis en place. Mis à part la vue non attrayante d'une vis cassée ou desserrée sur une radiographie, il n'y aurait pas d'implication clinique à laisser une vis après la guérison des ligaments syndesmotiques. Le retrait de la vis, si elle est encore intacte, devrait être considéré 4 à 6 mois après la chirurgie initiale si le patient note un inconfort et que les autres raisons pouvant expliquer les douleurs post-traumatiques comme les lésions ostéochondrales, la malréduction et l'ossification hétérotopique ont été éliminées. Les vis tricorticales semblent nécessiter moins de retrait que les vis à travers 4 cortex. Finalement, la mise en charge protégée avec la vis en place peut être considérée à 6 semaines si les fractures associées démontrent des signes de guérison.

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