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4.5 Les techniques de fixation

4.5.3 La fixation par vis

La fixation par vis est la méthode de fixation des ruptures syndesmotiques préférée des chirurgiens orthopédiques64,92. Plusieurs aspects techniques sont toujours débattus. Chacun d'eux sera discuté en détail.

4.5.3.1 La position du pied durant la fixation

La position du pied pendant la fixation syndesmotique est controversée. Pour ouvrir l'articulation tibio-fibulaire distale, un mouvement de rotation externe et de dorsiflexion est appliqué. Logiquement, pour la réduire, le pied devrait être en plantiflexion et en rotation interne. Mais la raison pour laquelle le pied devrait être maintenu en dorsiflexion maximale durant la fixation vient du fait que dans cette position, la portion la plus large de l'astragale se retrouve dans la mortaise, empêchant de comprimer de manière excessive l'articulation tibio-fibulaire distale et permettant ainsi une amplitude articulaire complète de l'astragale

dans la mortaise. Plusieurs études cadavériques ont été faites sur le sujet. Durant l'insertion d'une vis syndesmotique, pour chaque degré de plantiflexion de la cheville, Olerud93a noté un degré de moins de dorsiflexion de la cheville. Dans son évaluation de chevilles cadavériques intactes, Bragonzoni94 a démontré qu'aucun élargissement significatif de la mortaise n'était noté quand le pied était amené de la position neutre à la position de dorsiflexion maximale. Il n'a par conséquent pas approuvé la recommandation de placer le pied en dorsiflexion complète pendant l'implantation de la vis. Dans une autre étude cadavérique95, la largeur de la syndesmose était significativement diminuée quand la vis syndesmotique était insérée en plantiflexion et significativement augmentée quand la vis était introduite en dorsiflexion comparativement au niveau de base. Il est intéressant de noter que même si la largeur de la syndesmose variait avec la position du pied, le changement relatif de dorsiflexion maximale en condition de charges axiales comparativement au niveau de base n'était pas affecté par la position de la cheville durant l'insertion de la vis. De plus, la largeur de la syndesmose et la dorsiflexion de la cheville n'étaient pas affectées par le nombre de cortex engagés par la vis.

Dans l'étude cadavérique de Tornetta54, 19 chevilles ont été fixées avec une vis 4,5 mm en compression et en position de plantiflexion. Aucune différence de dorsiflexion maximale avant et après la fixation et de compression de la syndesmose n'a été démontrée. Cependant, certains argumentent qu'ils n'ont pas appliqué de charge axiale à la cheville lorsqu'ils ont mesuré la dorsiflexion maximale95, ce qui aurait pu modifier les résultats. La dorsiflexion peut aussi être néfaste, parce que comme illustré par Tornetta54, la dorsiflexion de la cheville est accompagnée de valgus et de rotation externe à l'arrière-pied, ce qui pourrait entraîner une malréduction de la syndesmose. Il a été conclu que la compression excessive de la syndesmose n'était pas possible si celle-ci est réduite de manière anatomique54. Donc, la réduction anatomique est probablement l'aspect le plus important de la chirurgie et le degré de dorsiflexion de la cheville durant la fixation n'est pas d'une grande importance21,54. Avant d'attribuer une restriction de la dorsiflexion à la compression excessive de la syndesmose, une investigation pour éliminer une malréduction devrait être réalisée.

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4.5.3.2 La position de la vis

Dans une étude cadavérique96, la fixation de la syndesmose 2 cm au-dessus de l'interligne articulaire résultait en moins d'élargissement en rotation lorsque comparée à une fixation à 3,5 cm. De son côté, Miller a démontré que le niveau optimal était 5 cm au-dessus de la cheville parce que cela résistait à une plus grande charge avant le bris que si la vis était insérée 3,5 cm au-dessus de l'articulation97. Dans son étude de cohorte rétrospective, Kukreti98 a comparé 17 patients qui ont eu une vis syndesmotique placée à travers la syndesmose elle-même (2 cm ou moins du plafond tibia) à 19 patients qui ont eu une vis syndesmotique placée juste au-dessus de la syndesmose (entre 2 et 5 cm du plafond tibial). Même si cette étude manque de puissance, elle montre que les deux groupes ne diffèrent pas de manière significative en terme de résultats cliniques et radiologiques, incluant les amplitudes articulaires. Stuart99 n'a pas non plus trouvé de différence dans sa revue rétrospective de 137 patients. Van den Bekerom, dans sa revue sur le sujet21 suggère que la position adéquate pour insérer une vis syndesmotique devrait être entre 2 et 4 cm et parallèle à l'interligne articulaire, angulée à 30° antérieurement, ce qui est similaire aux recommandations de l'AO. Il est aussi important de mentionner que la vis syndesmotique ne devrait pas être mise en mode compression.

4.5.3.3 Les vis biorésorbables

Les premières vis biorésorbables sur le marché étaient faites en acide polyglycolique (PGA)100. Leur vitesse de résorption était rapide, mais elles ont récemment été remplacées par des vis en acide polylactique (PLA) secondairement à leur haut taux de complications, principalement de l'ostéolyse et des réactions à corps étrangers101-104. L'acide polylactique (PLA) a un taux de résorption beaucoup plus lent et une incidence moindre de réactions à corps étrangers72. L'avantage de ce type d'implant est qu'il fixe temporairement la syndesmose pendant que les ligaments guérissent et il se résorbe ensuite, évitant ainsi une deuxième chirurgie pour son retrait101, 104-109. Cependant, si le taux de résorption est trop

rapide et survient avant la guérison des ligaments, une perte de réduction est possible110. Cet implant est aussi plus difficile à retirer en cas d'infection. Selon Raikin111, même si les vis de PLA ont des propriétés mécaniques plus faibles que les vis métalliques, elles sont suffisantes pour traiter les blessures syndesmotiques pour lesquelles les patients sont

initialement sans mise en charge. Une étude biomécanique sur 8 cadavres a aussi révélé qu'une vis tricorticale 5,0 mm biorésorbable était équivalente lorsque soumise à des charges axiales et de torsion à une vis 5,0 mm en acier inoxydable112.

Ahmad109 a publié une revue rétrospective de 70 patients avec un suivi moyen de 32,5 mois. Il a utilisé la vis biorésorbable Bionx 4,5 mm en acide polylactique (PLA) à travers 4 cortex. Il a obtenu des résultats satisfaisants et de bons scores cliniques. Aucun patient n'a souffert d'une perte de réduction ou d'arthrose posttraumatique au niveau de la syndesmose au dernier suivi. Deux patients ont développé une irritation au niveau de la tête de la vis, mais aucun n'a eu de complication de plaie ou de formation d'abcès stérile. Une étude prospective randomisée de 40 patients a aussi comparé une vis en acide polyevolactique à une vis métallique108. Plus de patients fixés avec une vis en acide

polyevolactique sont retournés à leur niveau d'activités initial et moins d'oedème furt noté chez ces mêmes patients. Les amplitudes articulaires et la stabilité radiologique de la fixation étaient les mêmes dans les deux groupes. Thordarson105 a comparé une fixation par vis en acide polylactique (PLA) et en acier inoxydable chez 32 patients randomisés. Il n'y avait pas de différence significative dans les résultats en ce qui a trait aux amplitudes articulaires et aux évaluations subjectives au suivi à court terme. Aucune complication de plaie ou d'ostéolyse ne fut rapportée. Dans une autre étude prospective de 23 patients, Hovis107 a montré que ceux-ci avaient tous obtenu de bons ou d'excellents résultats à un suivi moyen de 34 mois après une fixation par vis en PLA. Une étude rétrospective106 a aussi observé de bons résultats à moyen terme chez des patients fixés avec une vis en PLA.

Dans une étude d'analyse de coûts sur les implants biorésorbables en général, Bostman113 a établi que les implants biorésorbables dispendieux en valent la peine seulement si leurs coûts pouvaient être moindres, si les réactions à corps étrangers étaient diminuées et principalement si le taux de retrait des implants métalliques était plus élevé. Dans sa revue sur les techniques chirurgicales des ruptures syndesmotiques, Van den Bekerom72 a accordé une recommandation de grade A aux vis biorésorbables, mentionnant que ces vis ont montré des résultats équivalents à celles métalliques, sans la nécessité de les retirer.

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4.5.3.4 Les vis métalliques

Beumer114, dans une étude cadavérique répliquant le nombre de cycles d'un patient avec un plâtre pendant 9 semaines, n'a pas démontré de différence dans la fixation de la syndesmose entre les vis d'acier inoxydable et les vis en titane à travers 3 ou 4 cortex.

4.5.3.4.1 Le nombre de vis

Une étude prospective randomisée par Hoiness115, comparant une vis quadricorticale 4,5 mm à deux vis tricorticales 3,5 mm chez 64 patients, n'a pas montré de différences significatives au niveau des scores fonctionnels, de la douleur ou du degré de dorsiflexion à 1 an. Selon une étude cadavérique26, la fixation avec deux vis est plus solide qu'avec une seule. Dans un récent sondage, le même pourcentage d'orthopédistes membres de l'OTA (Orthopedic Trauma Association) et de l'AOFAS (American Orthopaedic Foot and Ankle

Society) utilisent une et deux vis92. Dans sa revue de littérature, Van den Bekerom21 recommande une fixation avec deux vis parallèles pour les fractures de type Maisonneuve et une seule vis dans les autres cas.

4.5.3.4.2 La taille des vis

L'effet de la taille des vis sur la fixation syndesmotique a été étudié biomécaniquement et cliniquement. Hansen116, dans une étude cadavérique, a appliqué un stress en cisaillement en plus d'une charge axiale pour simuler la mise en charge. Il a comparé les vis métalliques 3,5 mm et 4,5 mm à travers quatre cortex et a observé qu'une vis de plus grand diamètre avait une plus grande résistance au stress en cisaillement, au niveau de la syndesmose. De son côté, Thompson117 n'a pas trouvé d'avantages biomécaniques à la vis 4,5 mm comparativement à la 3,5 mm dans son étude cadavérique où les vis recevaient une charge axiale de 100 000 cycles en plus de la rotation externe.

Comme mentionné précédemment, Hoiness115 n'a pas trouvé de différences cliniques entre une vis 4,5 mm quadricorticale et deux vis 3,5 mm tricorticales chez 64 patients randomisés. Une étude rétrospective comparative99 de 137 patients, où une vis syndesmotique fut utilisée, a révélé que les vis de diamètre 3,5 mm avaient plus tendance à

casser que les vis 4,0 mm ou 4,5 mm, à un suivi moyen de 5,3 mois. Aucun des patients avec une vis 4,5 mm n'a eu de bris de vis alors que 10,5 % et 14,8 % des patients avec des vis 4,0 mm et 3,5 mm respectivement avaient un bris de vis. Il n'y a probablement pas de signification à ces bris de vis à moins que cela n'entraîne une perte de réduction. En fait, dans l'étude de Stuart99, il n'y avait pas de différence dans le taux de perte de réduction selon le diamètre des vis. Selon Van den Bekerom21, le choix entre une vis 3,5 mm et 4,5 mm est probablement mieux établi selon la taille du péroné à fixer. Le sondage auprès des membres des sociétés orthopédiques de traumatologie et de chirurgie du pied et de la cheville a montré que 51 % utilisent une vis 3,5 mm alors que 24 % utilisent une vis de 4,5 mm92. Logiquement, plus la vis est de grand diamètre, plus solide est la fixation. Malheureusement, les études cliniques à ce jour ont une puissance insuffisante pour démontrer des différences cliniques ou radiologiques entre les tailles de vis.

4.5.3.4.3 Le nombre de cortex

Le nombre de cortex requis est un autre aspect controversé de la fixation syndesmotique. L'étude cadavérique de Beumer114, où 16 jambes ont été mises en charge axialement pour 225 000 cycles n'a pas montré de différence dans la fixation de la syndesmose à travers 3 ou 4 cortex. Dans une autre étude cadavérique95, la largeur de la syndesmose et les amplitudes articulaires de la cheville n'étaient pas affectées par le nombre de cortex. L'étude randomisée de Hoiness115 comparant une vis quadricorticale 4,5 mm à deux vis tricorticales 3,5 mm n'a pas montré de différences significatives à 1 an, même s'ils ont noté des scores fonctionnels supérieurs à 3 mois dans le groupe de fixation tricorticale. Wikeroy118 a revu 48 des 64 patients de l'étude de Hoiness à un suivi moyen de 8,4 ans. À ce suivi à long terme, il n'y avait pas de différence entre les 2 groupes ni pour ce qui est des scores fonctionnels, ni pour ce qui est des amplitudes articulaires en comparant le côté contralatéral ou le degré d'arthrose. Moore119 a publié une étude prospective randomisée sur 127 patients où une vis 3,5 mm a été mise à travers 3 ou 4 cortex. Il n'a pas observé de différences significatives dans les pertes de réduction (5 % versus 0 %), le bris de vis (8 % versus 7 %) ou la nécessité de retirer l'implant (5 % vs 6 %) entre les fixations tricorticales et quadricorticales respectivement, à un suivi moyen de 150 jours. Il y avait une tendance à la perte de réduction chez un patient non compliant avec une vis tricorticale, sans que cela

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ne soit significatif. Des lignes radio-transparentes autour des vis étaient notées chez 53 et 59 % des patients fixés avec une vis tricorticale et quadricorticale respectivement, probablement secondaires aux micromouvements à l'articulation tibio-fibulaire distale.

La rigidité de la fixation quadricorticale est peut-être une raison pour laquelle Karapinar120 a trouvé plus de synostose avec les vis à travers 4 cortex, même si cela n'a pas eu d'effet sur les résultats. Une vis tricorticale est peut-être plus flexible permettant ainsi plus de micro- mouvements à la syndesmose et donc aurait moins tendance à briser qu'une fixation quadricorticale. Étonnamment, Stuart99 a eu plus de bris d'implants chez les patients fixés à travers 3 cortex, ce qui constitue un résultat similaire à celui de Moore119. La vis syndesmotique n'a pas pour but de comprimer l'articulation tibio-fibulaire distale, un principe qui est d'emblée évité avec une fixation tricorticale. Cependant, un avantage pratique de la vis quadricorticale est que les deux extrémités sont plus faciles à retirer dans les cas de bris. Pour le moment, aucune recommandation ne peut être tirée de ces études cliniques et biomécaniques. Les préférences ou croyances du chirurgien prévalent encore. Dans un récent sondage92, 29 % des chirurgiens utilisent des vis tricorticales, alors que

67 % préfèrent les fixations à travers 4 cortex. Au Royaume-Uni, 59 % des orthopédistes favorisent la fixation à travers trois cortex64.

En résumé, le degré de dorsiflexion du pied durant la fixation n'est pas d'une grande importance comparativement à la qualité de la réduction. La position idéale de la vis devrait être de 2 à 5 cm au-dessus et parallèle à l'interligne articulaire. Pour la fixation par vis, aucune recommandation claire ne peut être émise pour une ou deux vis de 3,5 mm ou 4,5 mm de diamètre. Le nombre adéquat de cortex à fixer n'est pas plus clair. Il peut y avoir moins de bris de vis avec une fixation tricorticale, mais si la vis brise, il est plus facile de retirer une vis quadricorticale. Les implants biorésorbables démontrent des résultats similaires aux vis métalliques. Leurs seuls inconvénients sont leur coût et la possible difficulté à les retirer dans les cas d'infection. Les autres méthodes de fixation sont moins utilisées et ont un grade de recommandation inférieur selon une revue récente de la littérature72.

Pour le moment, il n'y a pas d'évidence claire pour supporter l'usage de l'arthroscopie de la cheville de routine dans le traitement de ces blessures. Des études récentes30,56,81,83 ont démontré l'importance du fragment de malléole postérieure et de la visualisation directe pour obtenir une articulation tibio-fibulaire distale stable et réduite anatomiquement.

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