• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Interprétation des récits ethnographiques

4.2 Mise en action de la vie spirituelle : valorisation et axes d’intervention

Au-delà de leur discours, nous croyons que, implicitement, les AVSEC mettent en action la vie spirituelle en animant selon des axes d’intervention proposés par le Cadre ministériel (MELS 2005, p.35). Mais également, les activités qu’ils proposent permettent de valoriser les élèves.

4.2.1 Valorisation

Nous avons constaté lors de nos observations que les activités offertes par les AVSEC visent le bien-être du jeune, pas strictement en tant qu’élève, mais en tant que personne humaine. Entre autres, ils utilisent la valorisation lors de la mise en action de la vie spirituelle. Cette valorisation qu’ils mettent en action conduit le jeune à voir sa propre dignité et à reconnaître celle de l’autre, lui permettant de mettre en place des relations interpersonnelles et, ainsi, tirer profit au maximum de l’expérience spirituelle. Ainsi, il se reconnaît comme important non seulement à ses propres yeux, mais il se perçoit comme important pour les autres.

La première école observée nous a permis d’être en contact avec l’AVSEC 1, mais aussi avec la directrice de première secondaire. Cette dernière trouve indispensable que le jeune qui arrive ressente qu’il est important pour toutes les personnes prenant part à la vie de l’école, surtout par leurs pairs plus âgés que sont les marraines et parrains. Si les marraines et parrains en viennent à créer une relation de confiance avec les plus jeunes, c’est qu’ils savaient leur démontrer une attention essentielle à la valorisation de ceux-ci. Nous sommes de plus en plus persuadée que la qualité des relations qu’ont su établir les marraines et parrains prend sa source dans la valorisation de qui ils sont et de ce qu’ils font. Par exemple, un enseignant qui exprime à un parrain et une marraine toute la fierté qu’il éprouve de leur avoir enseigné en considérant le progrès réalisé non seulement sur un plan académique, mais sur un plan humain, et le dévouement dont ils ont appris à faire preuve. Bien entendu l’AVSEC 1 ne manque pas à sa tâche, surtout lors de la journée d’accueil des nouveaux élèves. Elle prend la peine d’encourager ses jeunes responsables et leur dit qu’ils ont fait bonne impression auprès des parents lors de ce premier contact téléphonique et que ceux-ci apprécient les efforts qu’ils font pour aider leurs

jeunes. Nous ne pouvons nier que les encouragements et les témoignages accordés aux marraines et parrains ont grandement contribué à leur valorisation, ce qui leur a permis d’acquérir plus de confiance en eux. Grâce à cette confiance, ils ont pu à leur tour démontrer aux nouveaux arrivants toute l’importance qu’ils avaient pour eux. Résultat, on constate que les marraines et parrains ont gagné la confiance des petits nouveaux pour qui ils sont devenus des personnes-ressources à qui ils font appel pour s’orienter dans l’école.

Lors de l’activité de l’AVSEC 2, il se produit, comme à la première école, la valorisation d’un pair plus âgé, le jeune de cinquième secondaire qui témoigne de son parcours académique. Après sa présentation, l’AVSEC 2 le félicite d’avoir partagé son expérience passée, bien qu’elle ait été difficile. À cela l’enseignant présent ajoute, en s’adressant aux jeunes de première secondaire, que cet élève avait beaucoup de mérite, car il lui fallait du courage pour témoigner de quelque chose d’aussi personnel. Les jeunes de première secondaire ont aussi été valorisés lors de la cérémonie du dépôt de leur parchemin dans le Coffret de rêves. Ils sont premièrement accueillis dans l’auditorium par des personnes qui sont pour eux significatives, c’est-à-dire l’AVSEC, l’enseignant titulaire et surtout, le jeune de cinquième secondaire qui leur tendait la main individuellement selon la façon typique dont les jeunes allouent de l’importance au geste. Ensuite, au moment de déposer leur parchemin, on ne se contente pas de les faire défiler. C’est avec dignité qu’on les appelle chacun par leur nom, ce qui valorise à la fois leur geste, mais surtout leur personne.

Le Cadre ministériel (MELS 2005, p.35) nous apprend que les chartes modernes des droits de la personne s’inspirent des grands courants humanistes et des grandes religions, à savoir que tous et toutes portent de la valeur et de la dignité. Voilà pourquoi, selon nous, la vie spirituelle ne peut exister sans un processus de valorisation de la personne humaine.

Dans son activité sur la justice sociale, l’AVSEC 3 fait voir au jeune sa propre valeur, ce qu’il est, ce qu’il désire devenir, et également il contribue à élargir sa vision du monde pour l’amener à reconnaître la valeur et la dignité de toute personne, non seulement celle bien nantie, mais surtout celle vivant dans la pauvreté. Bien qu’il débute son activité avec un jeu de rôles, c’est à l’aide de questions existentielles qu’il suscite la réflexion du jeune. Rechercher des réponses à ces questions amène les élèves à énumérer des valeurs et à parler de leur quête du bonheur. L’AVSEC 3 fait donc vivre au jeune une expérience spirituelle par la valorisation de

la personne humaine ce qui favorise ainsi une justice sociale. Il guide ses élèves à confronter

leur vision du monde avec celle des autres pour les faire cheminer.

4.2.2 Axes d’intervention : théorie et mise en pratique

Dans sa mise en action de la vie spirituelle, l’AVSEC 3 utilise des moyens proposés par le Cadre ministériel (MELS 2005, p.24) qui sont les mises en situation à l’aide de jeu de rôles, les discussions et les débats. Il utilise aussi les axes d’intervention liés à la vie spirituelle qui sont, dans ce cas :

• Définir et assumer une vision du monde mobilisatrice.

• Chercher du sens à travers les personnes, les événements heureux ou malheureux […].

• Se laisser interpeller par différentes façons de voir le monde et des modes de vie différents du sien.

• Faire face aux questions fondamentales de la vie.

• Confronter ses découvertes ses croyances avec celles des autres. (MELS 2005, p.25)

Nous avons constaté que même si les AVSEC manquent de temps pour s’assurer qu’ils utilisent les recommandations du Cadre ministériel, ils les utilisent. L’AVSEC 2 n’échappe pas à cette réalité, elle non plus. Elle met en action des axes d’intervention liés à la vie spirituelle. Certes, elle utilise ceux qui conviennent le mieux pour la réalisation de son activité, bien qu’elle ne semble pas en prendre conscience. Cette AVSEC se définit comme une animatrice du ‘cœur-

boussole’, ce qui n’a rien à voir avec l’organe qui contribue à nous maintenir en vie. Elle utilise

cette métaphore pour orienter les jeunes dans la vie afin qu’ils soient en mesure de faire de bons choix pour leur bien-être personnel et celui des autres. Elle met en action l’axe d’intervention ‘prendre conscience de son monde intérieur et de sa dimension spirituelle’ à l’aide du témoignage du jeune de secondaire 5 qui parle de sa croissance intérieure malgré un parcours difficile. Comme les élèves de première secondaire entrent en relation avec celui qui réalise le témoignage au niveau du cœur, et pas au niveau académique, elle met donc en action un

deuxième axe d’intervention ‘chercher du sens à travers les personnes, les événements heureux ou malheureux […]’. Cette animatrice du cœur utilise deux autres axes d’intervention : elle leur permet de vivre en eux-mêmes un ‘ancrage dans leur vie’ sans oublier de ‘se donner des raisons de vivre’ à travers leurs projets d’avenir et leurs rêves.

Enfin, dans la première école, l’AVSEC 1 avec l’activité d’accueil amène les marraines et parrains à comprendre que pour être de bons aidants ils doivent accepter qu’eux aussi puissent avoir besoin d’aide. Pour ce faire, elle met en action l’axe d’intervention ‘Apprendre à assumer les limites, les fragilités de sa propre vie et de la vie en général’. Toute l’activité met aussi en action l’axe d’intervention ‘Chercher du sens à travers les personnes […]’. Le rôle d’aidant qui est confié aux marraines et parrains leur permet de chercher du sens à la fois chez les adultes à qui ils peuvent faire appel pour des conseils et chez les nouveaux arrivants qui les reconnaissent comme des personnes-ressources, des points de repère. Cette reconnaissance permet aussi aux nouveaux arrivants de chercher du sens à travers les personnes.

En conclusion, par la valorisation de la personne humaine et les axes d’intervention liés à la vie spirituelle, la mise en action de la vie spirituelle nécessite des relations

interpersonnelles.