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3-2-3-la mise en abyme spécieuse

Dans le document Thesis #514 - UB2 Repository (Page 76-79)

Si pour les nouveaux romanciers, il s’est agit -depuis un demi siècle déjà- de

faire de l’espace du roman à la fois le lieu de contestation des traditionnelles

considérations du roman, et par extension de la littérature, et lieu de théorisation des

nouvelles modalités de l’écriture du romanesque ; Le Jardin Des Plantes -tout en

s’inscrivant dans la lignée du postmoderne- ne déroge pas à cette devise chère aux

nouveaux romanciers dont l’auteur faisait partie. En effet, le roman contient, en abyme,

ses théories.

Un peu à la manière de Gide dans Les Faux Monnayeurs, Claude Simon inscrit

dans ce roman la figure emblématique de la mise en abyme en insérant un personnage

narrateur qui n’est autre qu’un écrivain. Ce dernier parle, dans divers endroits et

situations (colloques, entretiens journalistiques, rencontres…) de ses romans et

également de sa poétique. Ce faisant, c’est le roman que nous sommes en train de lire

qui se commente et livre ses clés de lecture au fur et à mesure que notre lecture se fait.

Inutile de chercher ailleurs les clés de la conception romanesque simonienne, puisque

cette dernière est rendue au sein même du roman.

Un autre exemple de mise en abyme de la poétique est rendu par l’intervention

du narrateur anonyme. Effectivement après avoir confié la relation de récits au

personnage narrateur, à la moitié du parcours, un narrateur anonyme s’accapare le récit

en train de se faire, pour orchestrer, anticiper, théoriser son principe de composition,

mais surtout rassurer tout lecteur "non averti" ayant toujours du mal à percevoir les

liens cachés entre des éléments hétéroclites dispersés aussi anarchiquement sur les

pages du livre :

A partir de là vont simultanément se dérouler plusieurs évènements qui, en dépit ou peut être en raison même de leur apparente

incohérence, constituent un tout pratiquement homogène et cohérent. (p. 202)

Bien que littéralement, ce fragment concerne ce qui viendra après lui, il résume

ce qui précède, et qui est conçu lui aussi dans la même veine. Il est à cet effet un

véritable miroir interne sur lequel se projettent, puis se renvoient les deux parties du

roman dont il condense la première et anticipe la deuxième : cette mise en abyme est

révélatrice dans la mesure où il s’agit d’une lexie "satellite" qui résume et théorise

même le roman qui la contient.

Une condensation des 202 pages précédentes et anticipation sur les 176 pages

suivantes. Dallenbach assigne à ce genre de mise en abyme outre la fiction qui la

contient, la manière dont le récit conçoit ses rapports à son auteur et à son lecteur49

Il dit également à propos de sa fonction anticipative que ce n est pas un hasard

si elle se trouve généralement au centre du livre ou légèrement déportée sur la droite

Mise en abyme spécieuse, cet exemple peut également fonctionner comme une

métalepse narrative, dans le sens que lui donne Genette dans son discours du récit,

puisque il est question d’une intrusion dans l’espace diégétique de narrateur

extradiégétique.

Par ailleurs, l’exemple ayant déjà servi de mise en abyme simple, à savoir celui

du dépliant touristique, peut être lu comme une mise en abyme de la technique

d’écriture du roman qui est celle du collage. Aussi, l’extrait du colloque de Cerisy qui

traite de la valeur de la description et da la part du véridique dans le fictif met en abyme

l’écriture du Jardin des Plantes qui est lui-même une autofiction où les descriptions

équivalent à des révélations.

49

Dans ce même ordre d’idées, lors de l’interview qu’il accorde au journaliste,

C.S. explique, en donnant l’exemple de Stendhal et celui de Faulkner, que l’auteur, au

moyen de l’écran de la fiction révèle parfois son moi intime ; pour cela, il est très

probable d’identifier le personnage fictif, qui ne porte pas forcément le même nom que

l’auteur, à l’auteur du roman :

Des années plus tard un journaliste m a demandé comment on faisait pour vivre avec la peur Je lui ai dit Vous voyez chacun fait ce qu il peut ce n est pas comme Stendhal caracolant gaiement sous les boulets à Waterloo. Il m a dit pas Stendhal : Fabrice. J ai dit Mais si Mais si Fabrice suivait lui dans les fourgons de l intendance vous pensez bien que Stendhal n a pas manqué cette occasion de montrer ce courage dont il était si soucieux c est comme Faulkner dans son merveilleux avion de chasse. Il a dit qu est ce que vous racontez ?de Sartoris Un vrai gentleman du Sud se doit de ne faire ce genre de choses qu à l abri d un pseudonyme noblesse oblige (p.35).

Les deux exemples de Stendhal et Faulkner ne sont pas différents de celui de

Claude Simon qui, mêle autobiographie et fiction pour se dire dans son intimité

profonde sans que l’on puisse tout lui attribuer. A travers ce passage, l’auteur semble

dire que C.S. est lui , tout comme Fabrice est Stendhal et Sartoris est Faulkner.

En définitive, nous dirons, suite aux exemples analysés plus haut qu’au

déroulement linéaire et chronologique, que l’écriture simonienne subvertit, la mise en

abyme permet en superposant des discours, des faits mais aussi des matériaux qui, à

priori, semblaient distants, de restituer l’émiettement de la fiction et de restreindre

Dans le document Thesis #514 - UB2 Repository (Page 76-79)