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Mineurs non accompagnés (MNA) : victimes de la TEH

J. Traite des êtres humains et immigration

2. Mineurs non accompagnés (MNA) : victimes de la TEH

a) MNA qui disparaissent après l’introduction de leur demande de protection internationale

En ce qui concerne les MNA, le rapporteur avait invité la direction de l’Immigration à établir régulièrement des statistiques sur les MNA disparus depuis l’introduction de leur demande de protection internationale afin d’adopter des mesures concrètes pour lutter contre ce phénomène.

La direction de l’Immigration a fourni les chiffres suivants au rapporteur : entre l’enregistrement de la demande et la demande officielle, 14 MNA ont disparu en 2017, 5 en 2018, 1 en 2019 et 1 en 2020. Après l’introduction de la demande officielle, 5 mineurs ont disparu en 2017, 3 en 2018, 1 en 2019 et aucun MNA n’a disparu en 2020. Il y a lieu de noter que cette baisse du nombre des mineurs disparus s’explique en partie par

84 l’approche plus sévère de la direction de l’Immigration en ce qui concerne les « faux mineurs ». Le rapporteur renvoie dans ce contexte à ses avis, rapports et communiqués164 et met en garde contre une approche trop restrictive en matière de détermination de l’âge des DPI, qui est d’ailleurs aussi contraire aux recommandations et obligations internationales en la matière.165 Toutes ces personnes disparues risquent de devenir des victimes de la TEH au vu de leur situation de vulnérabilité, peu importe leur âge réel. En tout cas, le rapporteur encourage le gouvernement à prévoir des mesures concrètes pour lutter contre ce phénomène de disparitions.

b) Désignation d’un administrateur ad hoc et d’un tuteur

Dans son dernier rapport, le rapporteur soulignait qu’il est crucial de nommer aussi bien un tuteur qu’un administrateur ad hoc pour tout MNA, et ceci dans les meilleurs délais et sans faire de distinction en fonction de l’âge du mineur.

Selon les informations à la disposition du rapporteur, aussi bien l’administrateur ad hoc que le tuteur sont désignés rapidement, au maximum après quelques semaines. Ces informations confirment les tendances constatées depuis fin 2017. Pour les administrateurs ad hoc, ce délai s’élève en général à deux semaines. Or, selon l’ONA, ce délai peut s’élever à quatre semaines maximum. En ce qui concerne les tuteurs, les délais seraient également assez courts, mais le rapporteur n’a toujours pas reçu d’informations concrètes à ce propos.

Par ailleurs, le rapporteur a été informé que la procédure de nomination de l’administrateur ad hoc mériterait d’être clarifiée. Alors que le juge aux affaires familiales nomme l’administrateur, le Ministère des Affaires européennes et étrangères semble être d’avis qu’il appartient à lui seul de saisir le juge. Ceci peut avoir des répercussions importantes sur la situation du mineur : si le Ministère a des doutes par rapport à l’âge du mineur, il sollicite d’abord une expertise médicale et il ne saisit le juge qu’après avoir constaté l’âge de minorité.

Le rapporteur se doit aussi de constater que les mineurs âgés de 17 ans et demi ne se voient jamais attribuer d’administrateurs ad hoc. Ces personnes se verraient cependant désigner un tuteur, ainsi qu’un avocat. Chaque jeune entre 17 ans et demi et 18 ans serait dès lors accompagné par une personne adulte. Dans ce contexte, il échet de souligner qu’à cause de leur relation de confiance avec le MNA, ses représentants peuvent jouer un rôle important dans la détection de victimes de TEH. Voilà pourquoi, il est crucial de

164 Voir notamment CCDH, Rapport sur les conditions d’accueil des demandeurs et bénéficiaires de protection internationale au Luxembourg, p. 37, disponible sur https://ccdh.public.lu.

165 Ibid. Voir aussi Parlement européen, Rapport sur la situation des mineurs non accompagnés dans l'Union européenne, 26 août 2013, (2012/2263(INI)) ; Carnet des droits de

l’homme du Commissaire aux droits de l’homme, Thomas Hammarberg, Les méthodes d’évaluation de l’âge des migrants mineurs doivent être améliorées, 2011. Pour la France, voir : CNCDH, Avis sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national - Etat des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers (dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation), 26 juin 2014 ; Nations unies,

Comité des droits de l’enfant 22 juin 2009, 51ème session, Observations finales : France, CRC/C/FRA/CO/4, para. 87.

85 nommer aussi bien un tuteur qu’un administrateur ad hoc pour tout MNA, et ceci dans les meilleurs délais et sans faire de distinction en fonction de l’âge du mineur.

L’ONA affirme que tous les tuteurs sont formés en matière de traite (en général il s’agit du personnel de Caritas ou de la Croix-Rouge), tandis qu’elle ne dispose pas d’informations sur les administrateurs ad hoc, qui sont en règle générale des avocats.

Le rapporteur réitère sa recommandation relative à l’importance d’une sensibilisation ainsi qu’une formation initiale et continue des tuteurs et des administrateurs ad hoc leur permettant de détecter les signes de traite des êtres humains.

c) Accueil des MNA

En principe, tous les MNA sont déclarés auprès de l’Office national de l’enfance (ONE) et les MNA âgés de moins de 10 ans sont pris en charge par ce dernier. S’il y a de la place, des enfants plus âgés peuvent également être placés dans les foyers de l’ONE.

Sinon, les enfants sont placés auprès des trois autres structures au Luxembourg dont l’accès est réservé exclusivement aux MNA. Il a été souligné qu’il y a plus de personnel que pour les foyers pour adultes et que l’encadrement, qui serait le même pour tous les enfants dans tous les foyers, fonctionne 24 heures sur 24.

À noter cependant qu’il y a un foyer qui accueille des jeunes entre 16 et 18 ans et qui accueille aussi des adultes. À partir de l’âge de 16 ans, les MNA sont transférés dans ce foyer, tandis que les jeunes peuvent rester dans ce foyer même après leur majorité.

d) Mineurs et jeunes non accompagnés en dehors de la procédure de protection internationale

Depuis son dernier rapport, le rapporteur n’a pas pu constater une amélioration de la prise en charge des mineurs et jeunes non accompagnés en dehors de la procédure de protection internationale. Il y avait constaté que tous les MNA ne font pas de demande de protection internationale et qu’il existe un véritable manque d’institutions prenant en charge ces enfants.

La direction de l’Immigration a d’ailleurs attiré l’attention du rapporteur sur un phénomène récent d’abandon d’enfants en bas âge (en règle générale entre 5 et 6 ans) devant la direction de l’Immigration. Il n’est actuellement toujours pas clair qui est compétent pour s’occuper de ces enfants. Le rapporteur regrette qu’il n’y ait eu aucun progrès ces dernières années et estime qu’il faudra renforcer la prise de conscience de ce phénomène et déterminer rapidement les acteurs et mesures nécessaires pour prendre en charge ces enfants, tout en s’attaquant aux racines dudit phénomène.

Le rapporteur insiste encore une fois sur la particulière vulnérabilité des mineurs et jeunes qui ne se trouvent pas, ou plus, dans une procédure de protection internationale. Il échet de veiller à un accueil et un accompagnement adapté si on veut les protéger contre les

86 risques de violence et d’exploitation. Ces mineurs ont également déjà pu avoir été victimes de TEH et il s’agit donc de veiller à leur détection précoce et à une prise en charge adéquate.

En outre, le Comité des droits de l’enfant avait recommandé de « [c]réer un statut spécial pour les enfants non accompagnées qui ne déposent pas de demande de protection internationale, notamment en leur proposant des solutions à long terme ».166 L’ONA estime qu’il s’agit d’une question qui devrait être tranchée par la politique. Le rapporteur incite le gouvernement à prévoir des solutions à court, moyen et long terme pour ces enfants notamment en prévoyant un système parallèle de régularisation administrative, sans devoir passer par une demande de protection internationale.167