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Détection et identification des victimes de la traite

Cette question a fait l’objet de recommandations dans les deux premiers rapports sur la traite. Bien que le rapporteur ait recommandé, dans son premier rapport, d’envisager de donner un rôle aux services d’assistance ainsi qu’à l’ITM dans le processus d’identification des victimes, il note que la police judiciaire continue à être la seule instance à avoir cette compétence.

1. Inspection du travail et des mines

S’agissant de la détection des victimes, le rapporteur constate avec satisfaction que l’ITM a déployé des efforts considérables depuis le dernier rapport afin de jouer un rôle beaucoup plus proactif dans la détection des victimes de la traite. Les données statistiques disponibles pour le présent rapport en sont la preuve. Une des recommandations qui faisaient suite aux échanges que le rapporteur avait eus avec l’ITM et le Ministre du Travail, était de changer la loi de telle sorte que la TEH devienne une compétence explicite de l’ITM, qui pourrait alors constater des situations illégales en la matière et non pas seulement faire un signalement au Parquet.

D’après les informations dont dispose le rapporteur, des échanges ont eu lieu à ce sujet avec les ministères concernés (Travail et Justice), le Parquet et la Police. Or, la pandémie

64 a fait que les discussions n’ont pas, jusqu’au moment de la publication du présent rapport, abouti à des résultats concrets. En attendant, dans la pratique, lorsque l’ITM, dans le cadre de ses missions, rencontre une situation qui laisse supposer une exploitation par le travail dans les conditions prévues par l’article 382-1 du Code pénal, elle en informe le Parquet qui s’occupe de transmettre le dossier à la police judiciaire en vue d’une enquête.

Celle-ci peut alors se faire assister par les inspecteurs de travail de l’ITM. En 2019, l’ITM a transmis 2 dossiers au Parquet et en 2020 4 dossiers.

Au moment de la finalisation du rapport, le rapporteur a toutefois appris avec étonnement lors d’une entrevue avec le Ministre du Travail et le directeur de l’ITM qu’une modification législative qui ferait de la traite une compétence explicite de l’ITM n’est plus souhaitée, ni envisagée et qu’une telle démarche ne serait pas nécessaire. S’il est vrai que l’ITM a adopté une approche beaucoup plus proactive dans la détection de victimes potentielles de la traite et a commencé à collecter des statistiques sur la traite, elle avait aussi déclaré en 2019 que la traite n’est pas une matière qui relève explicitement de sa compétence.

C’est pour cette raison que le rapporteur avait recommandé d’élargir le domaine de compétence des inspecteurs du travail à la constatation des infractions de traite des êtres humains, pour formaliser cette approche et aussi pour davantage les responsabiliser. Le rapporteur estime qu’une prise de conscience du problème ne suffit pas pour garantir qu’un maximum de victimes exploitées dans le monde du travail soient détectées.

Le rapporteur invite les acteurs concernés à relancer les discussions sur un changement de législation qui donnera à l’ITM des compétences explicites en matière de traite.

2. Direction de l’Immigration

Le rapporteur se réjouit de voir que la direction de l’Immigration a donné suite à ses recommandations et a mis en place des procédures qui permettent de détecter de manière proactive les victimes de la traite parmi les demandeurs de protection internationale. Il semble également que la désignation de personnes de contact, qui s’occupent de toutes les questions en relation avec la traite, dans les différents services de la direction de l’Immigration commence à porter ses fruits. Le rapporteur y reviendra sous le chapitre J.1.a).

3. Office national de l’accueil

Concernant l’Office national de l’accueil (ONA), anciennement l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration (OLAI), le rapporteur constate que la mise en place d’un mécanisme de détection de personnes vulnérables, dont les victimes de la traite, tel qu’annoncé pour le rapport de 2019, est en cours et en phase de test. Il est prévu de le rendre opérationnel au début de 2022. Le rapporteur y reviendra plus loin dans ce chapitre.

65 4. Police judiciaire

En décembre 2019, peu après la publication du deuxième rapport sur la traite, le rapporteur a reçu un courrier de la part du Ministre de la Sécurité intérieure, dans lequel il annonce un recrutement extraordinaire d’effectifs au sein de la Police grand-ducale entre 2020 et 2022. Ces recrutements devraient, à moyen terme, renforcer substantiellement la section « Criminalité organisée » du Service de police judiciaire par le recrutement d’enquêteurs supplémentaires, afin qu’elle puisse mener à bien sa mission d’identification et de protection des victimes ainsi que sa mission de poursuite des auteurs de la traite. D’après les informations dont dispose le rapporteur, ce recrutement n’aura pas d’impact dans le court terme sur les effectifs au sein de la police judiciaire, étant donné que les agents recrutés devront d’abord être formés. Depuis 2019, un analyste a été recruté pour évaluer les enquêtes, et deux agents ont été transférés vers un autre service. Lors de la finalisation du présent rapport, le rapporteur a appris que la cellule

« recherche fugitifs et protection victime » de la police judiciaire est composée de 3 fonctionnaires de police, dont 1 fonctionnaire pour la recherche de fugitifs, 1 pour le domaine de la protection des victimes et un troisième nouveau membre actif dans les deux domaines. Pour ce qui est de la compétence de la protection des victimes, il s’agit de mettre en œuvre et de gérer le programme de protection en assurant notamment la détermination du degré de danger et l’encadrement des victimes. Une autre mission est celle de la coopération et de la concertation avec tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la traite des êtres humains et l’identification des victimes de la traite. La section

« criminalité organisée » de la police judiciaire dispose de 12 enquêteurs, qui ne sont toutefois pas exclusivement en charge des enquêtes de traite.

Même si le renforcement au sein de la cellule « recherche fugitifs et protection victime » est à saluer, le rapporteur réitère sa recommandation d’augmenter le personnel par un minimum de 5 enquêteurs supplémentaires, afin de permettre à la section de mener à bien son travail, notamment dans le cadre des poursuites d’auteurs de la traite.

5. Hotline pour les victimes

Le rapporteur avait invité le comité de suivi à réfléchir à la mise en place d’une hotline pour les victimes. En raison du confinement lié à la crise sanitaire, une hotline a été mise en place pour les victimes de violence domestique en avril 2020. Cette permanence continue à offrir ses services. D’après les autorités, cette Helpline 7/7134, créée par plusieurs associations engagées dans le domaine de l’aide aux victimes de violence domestique135 et conventionnées par le Ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes, s’adresse aux femmes et hommes victimes de toute sorte de violence. Or, aucune victime de la traite n’a été détectée à travers cette hotline. Le rapporteur est d’avis que cette hotline est trop axée sur la violence domestique. Même si l’adresse du

134 https://www.helpline-violence.lu/.

135 Fondation Pro Familia, Fondation Maison de la Porte Ouverte, infoMann (asbl actTogether), Femmes en Détresse, Conseil national des Femmes, Riicht-Eraus (Croix-Rouge luxembourgeoise).

66 site est « helpline-violence », le site lui-même ne s’adresse qu’aux victimes de la violence domestique, ce qui peut avoir comme résultat, que des victimes d’autres types de violence, dont la traite, ne se sentent pas concernées par ce site. D’après les informations reçues par plusieurs acteurs, l’existence et l’objectif de cette ligne téléphonique ne seraient pas assez connus. Par ailleurs, les personnes en charge de ce service devraient pouvoir bénéficier des formations nécessaires au sujet de la traite des êtres humains, ce qui n’est actuellement pas le cas. A cela s’ajoute que cette hotline n’est pas occupée les weekends et que l’horaire journalier est limité (12h00-20h00). Le rapporteur recommande de promouvoir cette hotline en tant que soutien aux victimes de toutes sortes de violence et de réfléchir à mettre en place une permanence 24h/24h.