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LES MINEURS ISOLES ETRANGERS

Dans le document LA PJJ AU SERVICE DE LA JUSTICE DES MINEURS (Page 90-94)

La question prise en charge des mineurs isolés étrangers est un problème ancien. Le rapport SCHOSTECK la considérait comme une problématique spécifique, en rappelant que, dans son rapport pour 2001, la Défenseure des enfants avait estimé à 25 000 le nombre de ces mineurs sur le sol français. Certains juridictions se trouvaient en grande difficulté devant leur afflux, mais d’autres avaient pu mettre en place des solutions originales, comme l’association « jeunes errants » à Marseille.

Le flux d’arrivée de ces jeunes ne s’est pas tari, au contraire, devant la dégradation de la situation économique internationale et le développement de crises entrainant des conflits armés.

L’amplification du phénomène et l’accroissement de charges généré pour les départements, a conduit le gouvernement à charger Mme Isabelle DEBRE, sénatrice, d’une mission parlementaire. Dans son rapport déposé en mai 2010, Mme DEBRE évalue le nombre de mineurs isolés étrangers entre 4 000 et 8 000, dont la moitié bénéficie d’une prise en charge par les conseils généraux.

Une partie de ces derniers estime que la prise en charge de ces mineurs ne relève pas de la protection de l’enfance, mais de celle de l’Etat, dans le cadre de sa responsabilité de gestion des flux migratoires. Le problème se pose avec beaucoup d’acuité dans certains départements : le Pas de Calais, le Nord, Paris, la Seine St Denis.

Le 31 décembre 2010, le Premier Ministre confie au ministre de la justice une mission de coordination de l’ensemble des acteurs afin d’améliorer l’accueil et la prise en charge de ces jeunes.

La mission a été confiée à la PJJ, qui a mis en place une direction de projet en janvier 2011.

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Celle-ci a engagé une concertation avec l’ensemble des ministères et incité à a mise en place de plateformes territoriales de coordination. En septembre 2011, le refus du conseil général de Seine Saint Denis d’accueillir les mineurs confiés par décision de justice a aggravé la crise. Une convention a été passée avec l’Etat pour réorienter les mineurs vers d’autres départements. Les décisions prises, contestées par certains conseils généraux, ont été validées sur le plan judiciaire.

Un groupe de travail, mis en place par la PJJ, a abouti à un protocole d’accord signé le 31 mai 2013 entre le ministre de la justice, de l’intérieur, des affaires sociales et de la santé et l’association des départements de France, représentant les Conseils généraux. Ce protocole organise un dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs isolés étrangers.

Il vise à limiter les disparités entre les départements, à harmoniser les pratiques des départements lors de la période de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des jeunes, et à apporter aux jeunes toutes les garanties liées à la protection de leurs intérêts et au respect de leurs droits.

Une circulaire a été adressée le 31 mai 2013 aux parquets pour le mettre en œuvre sur le plan judiciaire.

Présentation du dispositif national de mise à l’abri , d’évaluation et d’orientation

Ce protocole permet de confirmer que les mineurs isolés sont avant tout des mineurs en danger, et qu’ils relèvent à ce titre de la protection de l’enfance. Ils doivent bénéficier des mesures d’aide et d’assistance prévues par la loi pour les mineurs en danger, s’agissant de jeunes qui se trouvent privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

La circulaire prévoit dans un premier temps une phase de mise à l’abri et d’évaluation effectuée par les services du conseil général du département dans lequel le mineur a été repéré ou pris en charge.

Les frais sont remboursés par l’Etat dans la limite de 5 jours et 250 euros par jour.

Si la minorité est confirmée et la situation de danger établie (l’isolement), le parquet peut prendre une mesure de placement provisoire. Pour limiter les disparités entre les départements, et répartir la charge des flux d’arrivée, la circulaire prévoit une cellule nationale d’orientation gérée par la PJJ ; le placement définitif est guidé par le principe d’une péréquation nationale ; les mineurs sont orientés entre les départements sur la base d’une clé de répartition correspondant à la part de la population de moins de 19 ans dans chaque département. Le procureur de la République est invité à confier le mineur au service de l’aide sociale à l’enfance du département désigné, lequel doit le juge des enfants de son siège département dans le délai de huit jour prévu par la loi.

La cellule nationale d’orientation a été mise en place au ministère de la justice, à la DPJJ, ainsi qu’un comité de suivi.

Bilan de fonctionnement après quelques mois

1539 mineurs ont été accueillis entre le 1° juin et le 28 octobre.

Une trame d’évaluation type a été élaborée pour évaluer l’âge. L’évaluation a été confiée à diverses associations, comme France terre d’asile, la CIMADE, ou la Croix Rouge.

Le flux d’arrivée se révèle plus important que prévu. Les quotas ne prennent en compte que les mineurs accueillis à partir du 1° juin, sans compte r ceux qui étaient déjà pris en charge avant cette

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date. Dès le mois de juillet, des départements avaient atteint l’effectif annuel qui leur était assigné selon la clé de répartition. La cellule a géré ces difficultés. Certains départements ont refusé d’appliquer le protocole et d’admettre des mineurs dans leur service de l’ASE.

Dans plusieurs départements, l’arrivée des mineurs provoque une diminution des places disponibles pour les autres accueils dans le cadre de la protection de l’enfance. Des juges des enfants ont signalé des refus des conseils généraux d’accueillir d’autres mineurs confiés en assistance éducative, par manque de place. Certains Conseils généraux paraissent au bout de leurs possibilités, en raison de l’insuffisance des capacités et des besoins

Les parquets ont posé la question du financement des réquisitions d’interprète ou de frais médicaux, qui n’est pas réglé.

On ignore la part de jeunes qui n’ont pas été admis dans le dispositif, mais plusieurs associations l’évaluent au moins à la moitié. La question des recours de ces mineurs reste en suspens. En effet, l’évaluation et le rejet d’admission ne sont encadrés par aucun texte, sinon ceux de l’accueil temporaire de cinq jours prévu par l’article L 223-2 du Code de l’action sociale des familles (CASF).

Cela parait regrettable s’agissant d’enfants particulièrement vulnérables, qui ne sont assistés par aucun conseil.

Propositions

Plutôt que de répartir ces mineurs sur l’ensemble du territoire, il nous paraîtrait plus adapté de mettre en place des structures spécialisées de prise en charge des MIE au titre de la protection de l’enfance, à proximité des lieux où ils arrivent. Ces structures seraient dotés de moyens adaptés, en terme d’interprètes, d’évaluation de l’âge, d’analyse des documents produits, de contacts avec les pays d’origine, de prise en charge éducative et d’orientation, d’établissement des prises en charge administrative, de soins…). La concentration de ces moyens spécialisés dans l’évaluation et la prise en charge serait un moyen de rationnaliser les efforts, aujourd’hui répartis dans des départements souvent démunis.

Le financement de ces mesures serait assuré dans le cadre de la protection de l’enfance, mais avec une aide de l’Etat, pour contrebalancer le déséquilibre existant entre les départements. L’aide de l’Etat pourrait être réalisée sous forme d’une dotation spécifique du fonds de protection de l’enfance créé par la loi du 15 mars 2007.

L’intervention de la PJJ est légitime dans le cadre de sa mission de garantir la prise en charge des mesures ordonnées en assistance éducative. Elle pourrait être clairement étendue aux missions d’accueil. Le recrutement par le SEAT de Paris de deux éducateurs roumains est un exemple de bonne pratique. Il est regrettable qu’elle se limite pour l’instant à la prise en charge des seuls mineurs délinquants.

La PJJ pourrait participer plus fortement à l’effort national, et encourager les Conseils généraux dans cette voie, en mettant en place une ou deux structures d’hébergement spécialisé, accueillant les mineurs isolés au titre de l’article 375 du code civil.

Elle pourrait également assurer les fonctions d’administrateur ad-hoc.

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Enfin, il est nécessaire de réfléchir aux modalités de régularisation de la situation administrative de ces jeunes à leur majorité, pour que l’action éducative ne soit pas exercée en vain.

PROPOSITIONS

Créer un nombre limité de structures spécialisées de prise en charge des mineurs isolés étrangers, à proximité des lieux où ils arrivent, disposant des moyens adaptés, en termes d’interprètes, d’évaluation de l’âge, d’analyse des documents administratifs, de contact avec les lieux d’origine, de prise en charge et d’orientation éducative et administrative

Demander à la PJJ de contribuer à l’effort national de prise en charge de ces mineurs, non seulement en pilotant la cellule nationale d’orientation, mais aussi en assurant des fonctions d’accueil, d’évaluation et de prise en charge des mineurs isolés étrangers, d’exercice des fonctions d’administrateurs ad hoc

Engager une réflexion sur les modalités de régularisation de la situation administrative des jeunes ayant fait l’objet d’un suivi éducatif.

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CHAPITRE V

POURSUIVRE L’ADAPTATION DE L’ORGANISATION ET DE LA FORMATION DE LA PJJ A SES MISSIONS

Dans son rapport 2007, la cour des comptes, qui avait souligné la fragilité de l’administration centrale de la DPJJ, constatait que sa recommandation avait été suivie dès 2003 avec la création d’une sous direction des ressources humaines et des relations sociales .Des efforts importants ont été conduits en matière d’organisation et de structuration de l’administration centrale de la PJJ et des services déconcentrés.

1. LA NOUVELLE ORGANISATION DE LA PJJ AU NIVEAU CENTRAL ET TERRITORIAL

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