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Les Mineurs Non Accompagnés : des signaux toujours importants mais peu de données

B) Usages et usagers observés dans les espaces de la marginalité urbaine

5) Les Mineurs Non Accompagnés : des signaux toujours importants mais peu de données

Nous continuons de documenter la situation des MNA consommateurs de produits psychoactifs sur la région lyonnaise, bien que ce travail initié depuis 3 ans se heurte toujours à la difficulté d’accès à ce public directement pour les observateurs TREND. Ceux-ci ne peuvent souvent en effet n’être en lien qu’avec des professionnels qui rencontrent ces jeunes, et non pas avec les jeunes directement. Nous ne pouvons ainsi bénéficier du regard de ces jeunes sur leurs propres usages, ce qui limite la portée des analyses.

Nous renvoyons au rapport précédent pour plus d’élément de cadrage sur les profils des MNA présents sur la région, et spécifiquement ceux consommateurs de produits67, ainsi que sur les professionnels qui les accompagnent ou les rencontrent dans des cadres divers68. A noter que nous ne parlons donc que de jeunes ayant obtenus le statut de MNA, puisque c’est à partir de là qu’ils seront pris en charge à divers niveaux, et que nous n’avons pas d’élément sur les jeunes qui n’auraient pas, ou pas encore, obtenu ce statut, qui n’apparaissent ainsi dans aucun service, et qui sont peu présents dans l’espace public à Lyon.

a) Consommations et difficultés liées aux conditions de vie

Les MNA pour lesquels il est rapporté des usages de produits sont essentiellement originaires d’Algérie et parfois du Maroc. Les consommations identifiées cette années concernent toujours les mêmes produits : en plus de l’alcool et du cannabis, le Lyrica® et le Tramadol sont le plus souvent cités, en lien avec des consommations antérieures au pays d’origine (Algérie).

« Y’a ceux qui arrivent, qui avaient une prescription pour X raisons, en Algérie et qui… ça part sur de l’achat comme ça…de rue. Ou qui achètent directement dans la rue en Algérie et qui continuent ici, qui se procurent très facilement » [infirmière en foyer]

Le Rivotril® est également cité. Parfois, l’héroïne et la cocaïne sont également consommées, ainsi que des ecstasys. Pas d’injection a priori, les produits étant gobés ou sniffés (dont le Lyrica®), ou fumés (cannabis). Les médicaments sont obtenus sur prescription médicale69 (en pharmacie, les jeunes ayant théoriquement une prise en charge Puma70 s’ils sont reconnus MNA) ou achetés dans la rue à l’unité avec l’argent de poche (délivré par l’association de prise en charge) dont ils disposent, ou via l’argent obtenu par des activités illicites dans lesquelles certains sont impliqués (parfois deal), ou via le don de produit.

67 « Il est essentiel de préciser que tous les MNA ne sont pas consommateurs de produits psychoactifs. La quasi-totalité des MNA pour lesquels il est mentionné des usages de produits sont originaires du Maghreb, principalement marocains, et nous avons vu dans les nationalités représentées que le Maghreb, et plus particulièrement le Maroc, ne représente qu’une très faible minorité de ces jeunes », Rapport TREND 2019.

68 Les professionnels rencontrant des MNA interviennent : soit dans le secteur éducatif/médical lorsque le jeune est pris en charge de son plein gré ou non dans une institution (y compris un établissement pénitentiaire) ; soit dans le secteur de l’application de la loi (policier, juge, avocat), lorsque le jeune aura commis des actes délictuels (notamment vols et recels de téléphones portables, et vente de cigarettes, au sein de réseaux plus ou moins structurés).

69 Les mineurs doivent en général être accompagnés pour une consultation, mais ils peuvent consulter et se procurer une ordonnance et un traitement seuls quand ils fuguent ou si ils ont été pris en charge aux Urgences.

70 Protection Universelle MAladie

Rapport TREND 2020 – site de LYON - AURA

69 Les professionnels expliquent que beaucoup de ces jeunes ont des rythmes très décalés, « vivent la nuit, dorment le jour », en partie aussi parce que la nuit est propice aux activités assurant leur survie (deal ou de recels divers). Dans le même temps, certaines conditions de prise en charge sont aussi peu adaptées à des jeunes adolescents : seuls à l’hôtel, en foyer sans présence éducative permanente (un vigile tout au plus la nuit). Faute d’autres solutions, ils atterrissent parfois en squat dans l’attente de l’obtention de leur statut.

Dans certains endroits, la proximité avec des réseaux de deal peut conduire aux recrutements de ces jeunes pour la vente (charbonneurs, guetteurs, parfois nourrices dans leur chambre d’hôtel). Parfois aussi, ils peuvent être « embauchés » pour partir dans une autre ville pour rejoindre un réseau de trafic.

« Moi, avant je bossais à Vaulx-en-Velin, et on a eu des jeunes comme ça qui ont fugué, on savait pas où ils étaient, et en fait on a appris qu’ils étaient rentrés dans un réseau, on les avait envoyés à Marseille etc. Mais ils étaient nourris-logés en fait. […] ils rentraient dans un réseau où du coup « bon ben t’es nourri-logé, maintenant faut que tu travailles ». Donc y’a des réseaux qui prennent des jeunes de moins de 16 ans ». [psychologue en foyer pour MNA]

Certains subissent des violences importantes au sein de ces réseaux, et des professionnels de foyers expliquent qu’ils peuvent revenir quelques temps après leur fugue relativement « amochés ».

Mais des bagarres ont aussi lieu entre eux ou avec d’autres jeunes ou adultes, qui peuvent conduire à des blessures physiques plus ou moins importantes, bagarres parfois aussi amplifiées par l’usage de produits. Comme rapporté les années précédentes, il semble que les consommations de produits favorisent des actes de violence, d’auto ou d’hétéro-agressivité.

b) Difficultés d’accompagnement pour les professionnels

Plusieurs services d’addictologie, CSAPA et CJC notamment, évoquent des accueils de plus en plus fréquents de MNA, qu’ils rencontrent, soit à l’occasion d’une orientation par la justice suite à des faits de délinquance (cf. rapports précédents), soit via le dispositif d’hébergement qui les accueille.

« C’est vrai qu’on a vu arriver cette année des jeunes mineurs non accompagnés, qui étaient recueillis par différentes structures de l’ASE, accompagnés par des éducateurs en général ou des infirmiers… avec ce souci autour des consommations de Lyrica®, Rivotril®, et un peu de Tramadol, c’est ressorti aussi. Voilà … c’est très nouveau pour nous d’accueillir ce public. … certains ont pu revenir et être suivis. Enfin, y’a pu avoir une suite sur le CSAPA. Mais la plupart…

c’est volatile, c’est compliqué. Ils ont une situation très très bancale. Très difficile. Donc, voilà, le fait de revenir sur les consultations jeunes, c’est quand même pas simple, hein, » [Educateur en Consultation Jeunes Consommateurs]

Ces publics sont relativement nouveaux pour ces services, et l’accompagnement peu évident, d’autant plus lorsqu’il se couple à la problématique du Lyrica® qui laisse les professionnels assez démunis de manière générale (cf. partie II, Lyrica®). Plusieurs raisons à ces difficultés d’accompagnement sont évoquées :

- la communication et le peu de maîtrise du français (les consommateurs sont presque tous arabophones et il n’y a pas d’interprète présent lors des consultations) ;

- le turn-over des jeunes dans les foyers (durées de prise en charge parfois courtes, difficulté de tenir

Rapport TREND 2020 – site de LYON - AURA

70 le cadre éducatif, fugues des jeunes), et qui induit une précarité de l’accompagnement vers le soin et sa régularité ;

« Nous, on est quand même sur des accueils de MNA… mine de rien, qui restent pas si longtemps que ça. Après y’a eu aussi la période de l’été où il y a eu pas mal de fugues et de choses comme ça, c’est quand même des publics qu’on a du mal à tenir…» [infirmière en foyer]

- le peu de connaissances des professionnels en addictologie sur les profils de ces jeunes (les parcours migratoires, vécus traumatiques, représentation du soin dans la culture d’origine, etc.), et le peu de formation des professionnels autour de l’accompagnement des usages de Lyrica® hors des indications thérapeutiques.

« Les psys se renvoient la balle », « Les médecins disent qu’ils ne savent pas accompagner les sevrages de Lyrica® » [professionnels de foyers MNA]

En amont, le fait que ces jeunes ne soient pas directement en demande de sevrage laisse les professionnels des foyers sans solution apparente, car ils n’ont pas toujours connaissance d’autres modalités d’accompagnement en addictologie que celui d’un arrêt des consommations. Néanmoins, des liens sont parfois initiés avec les acteurs de la RdRD, les CAARUD pouvant être sollicités par différents professionnels (de foyer, de PAEJ71) pour des conseils, voire pour des orientations de jeunes, même si les structures CAARUD n’ont pas d’agrément pour accueillir des mineurs. Il s’agit donc de favoriser le lien et l’accompagnement à la RdRD, directement par les professionnels en lien avec ces jeunes, encore faut-il pour cela que les modalités d’accompagnement en RdRD leur soient familières ou qu’ils puissent s’y former. A Lyon, les deux CAARUD ont pu commencer un travail en ce sens avec certains de ces professionnels accompagnant les MNA.

71 Point Accueil Ecoute Jeune

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