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Un mineur associé à la décision médicale

Dans le document Le consentement et responsabilité médicale (Page 194-198)

L’article 371-1 alinéa 3 du code civil dispose que « les parents associent leur enfant aux dé-cisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». Le code civil, complété par le code de la santé publique, reconnaît donc une majorité médicale anticipée pour les mineurs, impliquant d’abord, pour le mineur, un droit de participer aux décisions médicales (1) voire de décider seul (2) si son degré de maturité le permet. La situation particulière de la maternité de la mineure en est un excellent exemple (3).

1.Le droit du mineur de participer aux décisions médicales

En principe, l’article 35 du code de déontologie médicale précise qu’il ne devrait pas y avoir de secret opposable au patient et a fortiori au patient mineur. Sous réserve de l’article L. 1111-5 du code de la santé publique, l’article L. 1111-2 dudit code reconnaît que l’exercice des droits du mineur incombe aux titulaires de l’autorité parentale. Ce sont eux qui reçoivent l’information prévue par ce même article mais les mineurs « ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée à leur degré de maturité ». Afin que le mineur puisse être associé et donc participer effectivement à la décision médicale, le médecin est tenu de lui délivrer une information adaptée à son degré de maturité813.

Dans un souci essentiel de protection, les professionnels de santé et les titulaires de l’autorité parentale peuvent préférer une limitation thérapeutique de l’information814. Or, ce secret peut s’avérer plus dangereux sur le long terme au sein de la relation parentale. Ainsi, la délivrance d’une information progressive, diplomate et douce, en harmonie avec la maturi-té de l’enfant, serait propice à la meilleure révélation. Pour y participer, certains établisse-ments de santé prévoient des jeux éducatifs sur le vécu des enfants avec leur pathologie815.

Ainsi, dès que le mineur a acquis un degré suffisant de maturité, le professionnel de santé est tenu déontologiquement de rechercher son consentement. Cette nouvelle préroga-tive des mineurs serait encline à brider et à rendre inopérante l’autorité parentale, permettant au mineur de décider seul.

2.Le droit de décider seul

La loi Kouchner a précisé l’étendue du droit du mineur d’être associé aux décisions le concernant, allant jusqu’à reconnaître un droit du mineur à consentir, à la condition qu’il soit apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Ce droit est énoncé à l’article L.

J. Rogue, « La prémajorité », Dr. fam. avr. 2009, Etude 20 812

Art. L. 1111-2 al. 5 du Code de la santé publique 813

v. supra 814

Exemple d’un jeu intitulé Théo et les psorianautes : Bien vivre avec son psoriasis,- France Psoria

815

-sis - Lauréat des Trophées de l’Innovation CIMA 2015, visualisable sur http://www.cima2015.com/les-finalistes/

4 alinéa 5 du code de la santé publique. Cette disposition constitue « une dispense légale de l’obligation de recueillir le consentement parental »816. Le champ d’application de cette dis -pense est d’autant plus large que le législateur n’a pas prévu d’âge minimum, en dessous duquel un mineur ne pourrait pas imposer le secret, ni de catégories d’actes médicaux né-cessitant obligatoirement un consentement parental. Selon Bernard Mathieu, cette disposi-tion vide « de sa substance le principe même de l’autorité parentale car l’autorisation n’est exigée que si la personne mineure y consent »817.

Si un droit au consentement du mineur est en plein essor, le mineur doit être accom-pagné « par une personne majeure de son choix ». Nonobstant cette condition supplémen-taire, le législateur est resté silencieux quant aux qualités ou au statut de cette personne. Contrairement aux dispositions relatives à la protection des majeurs, aucune garantie sur la désignation de cette personne n’est exigée818. Anne Kimmel-Alcover craint, sûrement à rai -son, que dans la situation d’urgence dans laquelle peut se trouver le mineur, celui-ci n’ait pas beaucoup de choix concernant la personne même de l’accompagnant819. De plus, les avan -tages d’un accompagnement en urgence semblent constituer un gage utopique de protection du mineur, résumé à une simple illusion d’assistance et d’apparences. A l’inverse, pour Caro-line Rey-Simon, le majeur accompagnant devrait servir de soutien à l’équipe médicale afin de convaincre le mineur de prévenir ses parents notamment lorsque les professionnels mé-dicaux doivent affronter un état de santé qui se détériore ou gérer des complications820. Sa -chant que les parents ont un pouvoir de garde et de surveillance sur leur enfant, leur respon-sabilité se verrait entravée par le rôle que pourrait jouer cette tierce personne accompagna-trice.

En outre, la question se pose quant à un éventuel refus du mineur de se soumettre aux soins. Une partie de la doctrine préfère considérer que ce droit d’expression n’inclut pas un droit à imposer son choix821. Pourtant, suivant l’esprit de la loi, si le mineur a un droit au libre arbitre, alors il semblerait que ce refus puisse être assimilé à un véto, pouvant aller à l’encontre de la décision parentale. Si la santé du mineur est en danger, les parents et l’auto-rité médicale ne peuvent s’opposer au refus du mineur qu’en saisissant le procureur de la République ou le juge des enfants, en vue de mettre en oeuvre une procédure d’assistance éducative822. Lorsque le juge est saisi, il entend le mineur mais il n’est pas lié par son refus et il peut lui imposer de se soumettre aux soins médicaux en question. Cette procédure a l’avantage de concilier le droit d’expression du mineur, incluant le droit au refus de soins pour des actes sans conséquences néfastes pour sa santé, avec une mesure de protection dont la solution impérative n’a pour finalité que l’intérêt de l’enfant823. Finalement, si la seule solu -tion pour les titulaires de l’autorité parentale est de saisir le juge des enfants, le refus du

A. Kimmel-Alcover, op. cit. 816

B. Mathieu, « Le droit des personnes malades », Petites affiches, (n° spécial), 19 juin 2002, p. 17 817

v. infra, L. 1111-6 du code de santé publique sur la désignation de la personne de confiance et A. 818

Gabriel, La personne de confiance dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, PUAM, 2004

A. Kimmel-Alcover, op. cit. 819

C. Rey-Salmon, « Secret médical et personnes vulnérables : le cas du mineur », D. 2009, p. 2651 820

M. Dupont, C. Esper, C. Paire, Droit hospitalier, Cours Dalloz, 4e éd. 2003, n°597 ; D. et M. Duval-821

Arnould, op. cit. p. 28

v. G. Raymond, op. cit., p. 805 822

v. D. et M. Duval-Arnould, op. cit. p. 29 823

neur paralyse directement le pouvoir reconnu initialement à l’autorité parentale. Ainsi, le droit français préfère valoriser la voie médicale avant le recours au juge. D’autres Etats, comme le Canada, ont choisi de privilégier la voie judiciaire. Ce dernier fait référence à un âge précis pour reconnaître au mineur un pouvoir de décision alors que le législateur français a recours au discernement induit par la maturité de l’enfant824.

Le législateur reconnaît une véritable capacité médicale anticipée aux mineurs pour lesquels « les liens de famille sont rompus »825. A ce titre, ils bénéficient personnellement du remboursement de l’assurance maladie et maternité ainsi que de la couverture complémen-taire826. Ainsi, l’article L. 1111-5 du code de la santé publique consacre un « pouvoir exorbi -tant du mineur qui a pour conséquence de contourner les règles de droit commun de l’autori-té parentale »827. L’expression de sa décision peut inclure une volonté d’imposer le silence au médecin envers ses parents concernant son état de santé. Ces adolescents âgés de plus de seize ans ont une autonomie décisionnelle en matière médicale, permettant de passer outre un consentement parental828. En effet, en « rupture » avec la famille, le recueil pratique et matériel du consentement serait un réel obstacle à la délivrance des soins.

Malgré les tentatives des autorités médicales pour convaincre le mineur de consentir aux soins, son consentement doit respecter d’autres principes. En effet, l’article 19 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant interdit toute atteinte illégale à l’honneur du mineur, ainsi que toutes formes de violences, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales à son égard. Tant l’équipe médicale que les titulaires de l’autorité parentale ne doivent contraindre ni humilier le mineur afin qu’il consente aux soins829. En conséquence, en cas de saisine du juge des enfants, celui-ci est tenu de faire preuve de vigilance lors de l’entretien avec le mineur et de rechercher si les parents ou les médecins exercent une pres-sion qui consiste en une violence morale, pour qu’il consente aux soins.

Enfin la loi confère une capacité particulière à la mineure dont la maternité est assumée.

3.Le consentement aux soins de la mineure à la maternité assumée

Le législateur reconnaît manifestement une indépendance à la femme mineure dans les choix qu’elle peut faire durant la grossesse ainsi qu’à l’égard de l’enfant. En effet, la mineure peut décider de mettre fin à la grossesse sans avoir à obtenir le consentement de ses

M. Dupont, « Les soins aux mineurs : qui décide ? », Cour suprême canadienne, 26 juin 2009, AC/ 824

Manitoba (Directeur des services à l’Enfant et à la Famille), (2009 CSC30, n°greffe 31955), Constitu-tions 2010, p. 261

Art. L. 1111-5 al. 2 du Code de la santé publique 825

loi n°99-641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle 826

A. Kimmel-Alcover, op. cit. 827

selon G. Raymond, ces mineurs seraient dotés « d’une sorte d’émancipation de fait en matière 828

médicale », in. G. Raymond, op. cit. n°812

M. Dupont, « Les soins aux mineurs : qui décide ?, Cour suprême canadienne, 26 juin 2009, AC/

829

Manitoba (Directeur des services à l’Enfant et à la Famille) », (2009 CSC30, n°greffe 31955), Consti-tutions 2010, p. 261

rents830, tout comme elle demeure libre de poursuivre la grossesse et d’établir la filiation vis- à-vis de l’enfant. Il sera ici question de la femme mineure enceinte non mariée car le mariage constitue un cas d’émancipation831.

Toutefois, la liberté d’être mère n’implique pas que la femme mineure puisse choisir d’avoir recours à une assistance médicale à la procréation832. Comme le remarque judicieusement Fanny Rogue, « même si la majorité n’est pas explicitement exigée par les textes - référence étant seulement faite à l’âge de procréer - cette condition se déduit implicitement du fait que l’homme et la femme, membre du couple, doivent consentir à l’assistance médicale à la pro-création, ce qui sous-entend qu’ils doivent être capables »833.

Alors que la mineure a le choix de poursuivre ou non sa grossesse à terme, il semble que le suivi médical relève de l’autorité parentale, les parents assurant toujours la protection de la santé de leur enfant mineur, même enceinte, celle-ci n’étant qu’associée à la décision, conformément aux articles L.1111-2 et L. 1111-4 alinéa 6 du Code de la santé publique. Depuis la loi du 26 janvier 2016, la femme enceinte mineure peut bénéficier de l’application de la nouvelle formulation de l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique. Ainsi, le méde-cin ou la sage-femme sont dispensés du recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale lorsque l’acte de prévention, de dépistage, de diagnostic ou l’intervention, s’impose pour sauvegarder la santé du mineur et que celle-ci s’oppose, de manière expresse, à la consultation des titulaires de l’autorité parentale. Après avoir tenté de convaincre la mineure, celle-ci est accompagnée par une personne majeure de son choix.

En matière de suivi de grossesse, la prise en charge de la femme enceinte implique la réali-sation d’une quantité d’actes médicaux pré et post-nataux834. La question se pose alors de savoir si les titulaires de l’autorité parentale doivent consentir à chaque acte, ou pour cer-tains plus particuliers ? La conciliation entre l’autonomie relative du mineur et l’exercice de l’autorité parentale est complexe et ce d’autant plus que « son statut de femme enceinte lui accorde une autonomie certaine »835. N’est-il pas paradoxal que la femme enceinte mineure puisse consentir seule à la réalisation d’une IVG ou à un accouchement sous X mais qu’il n’en soit pas de même pour le choix d’une technique d’accouchement, ou la pose d’une pé-ridurale ? En outre, elle peut bénéficier du diagnostic prénatal. Conformément au VI de l’arti-cle L. 2131-1 du Code de la santé publique, le consentement à la réalisation de certains

En vertu de l’article L. 2213-1 du Code de la santé publique, la femme mineure peut recourir à une 830

IVG pour motif médical, sans avoir à recueillir le consentement des titulaires de l’autorité parentale. Par ailleurs, les frais afférents sont couverts par la sécurité sociale depuis le 1er avril 2016. v. Arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l’interruption volontaire de grossesse, JO 8 mars 2016

Art. 413-6 du Code civil 831

En cas de difficultés pour la mineure, en application de l’alinéa 1er de Art. L. 2141-11 Code de la 832

santé publique : « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d'être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l'intéressé et, le cas échéant, de celui de l'un des titulaires de l'autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l'intéressé, mineur ou ma-jeur, fait l'objet d'une mesure de tutelle ».

F. Rogue, « L’enfant mineur à l’épreuve du droit de la santé », RDSS 2016. 722 833

art. L. 2122-1 et art. R. 2122-1 et s. du code de la santé publique 834

Fanny Rogue, « L’enfant du mineur à l’épreuve du droit de la santé », op. cit. 835

actes est recueilli par écrit et renvoie explicitement à l’article L. 1111-4 dudit code. Par conséquent, il appartient aux titulaires de l’autorité parentale de donner leur consentement écrit, sous réserve de l’application de l’article L. 1111-5.

Quant à la femme mineure encore enceinte mais qui, du fait de son comportement à risque (consommation de drogue, d’alcool…), met en danger l’enfant in utero, le droit n’apporte au-cune réponse afin de protéger l’enfant à naître. En effet, l’embryon n’a pas la personnalité juridique. Le législateur n’a donc pas envisagé de mesures permettant de protéger cet « être en devenir » contre les agissements de la mère. De plus, une intervention sur le corps de la mère porterait atteinte à son intégrité physique. Seule une éventuelle assistance éducative pourrait être mise en place afin que la mineure enceinte adopte un comportement plus rai-sonnable. Il semble alors que les titulaires de l’autorité parentale doivent en faire la de-mande, comme c’est le cas en matière d’hospitalisation en raison de troubles mentaux d’un mineur836.

Une fois l’enfant né, et la mention de l’identité de la mère dans l’acte de naissance, le lien de filiation est établi. La mineure devient juridiquement la mère de l’enfant. Par conséquent, la femme mineure est titulaire et exerce l’autorité parentale alors qu’elle-même demeure sous l’autorité parentale de ses parents. Autrement dit, la mère mineure pourra consentir, seule ou avec le père, aux décisions relatives à la santé ou à la sécurité de son enfant, alors qu’elle ne le pourra pas pour elle-même. La mineure a donc plus de pouvoir envers son enfant que d’autonomie personnelle. Si l’on envisageait la maternité comme une cause d’émancipation, cela pourrait rétablir un certain équilibre. Néanmoins, cette solution serait trop radicale car même si la maternité est un fait de la vie qui rend plus mature, elle ne confère pas nécessai-rement suffisamment de recul sur les décisions à prendre pour soi et pour un nouveau-né, surtout lorsque la personne mineure est encore une jeune mineure.

Les mineurs peuvent jouir d’une autonomie décisionnelle circonstanciée. Ils de-viennent progressivement acteurs de leur santé et indépendants des prérogatives de l’autori-té parentale. Cette « tendance éliminatrice des parents »837 influe sur l’émergence du droit au secret médical.

B.Une capacité médicale exceptionnelle incluant le respect du droit au secret

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