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CHAPITRE I : ÉTAT DES CONNAISSANCES

I. 1.3.2.2 Minéralisation des digestats et impacts

Si l’étape d’hydrolyse permet de casser les macromolécules organiques en composés solubles, elle permet simultanément la solubilisation des composés azotés (Azote organique) et phosphatés (polyphosphates) qui lui sont associés. La Figure I.6 donne un exemple de la répartition de ces composés en fonction du traitement choisi.

Figure I.6 : Etude comparative de la contenance en Azote, Phosphore, Magnésium dans les fumiers/lisiers bruts, composts et digestats.

Le digestat apparaît plus concentré en sels minéraux, notamment N et P, que l’effluent brut. Ainsi, une part importante de l'Azote organique, Azote uréique et Azote protéique (formes que le sol ne retient pas), se minéralise (ammonification) par action de l’uréase (enzyme présente dans l’intestin, les sols et les milieux aquatiques, Udert et al., 2003) pour former de l’Azote ammoniacal et des ions ammonium (NH4+) dont la proportion respective dépend des conditions de travail, pH notamment (Al Seadi et Nielsen, 2002; Holm-Nielsen et al., 2009). Pour l’urée, l’ammonification se fait selon la réaction présentée ici :

(I.1) La teneur en azote minéral peut ainsi être renforcée de 0,2% à 27% dans le digestat par rapport aux effluents bruts, il est en de même pour la teneur en Azote total du fait de la transformation d’une partie de la fraction organique en biogaz et donc diminution de la matière brute (MB). Il est ainsi cité des exemples (ADEME, 2009) où l’Azote minéral passe de 1,3 kg.tMB-1 ± 0,5 (soit 27% du N total) à 2,5 kg.tMB-1 ± 0,3 (soit 57%) après digestion de lisier et fumier porcin et bovin. Cette augmentation s’accompagne, à l’inverse, d’une baisse de la teneur en Azote organique qui est passée de 3,5 kg.tMB-1 ± 1,2 à 1,9 kg.tMB-1 ± 1,4.

Cette réaction montre aussi qu’une libération d’ammoniac (gaz) est possible, libération qu’il est impérative d’éviter en maîtrisant le pH du digestat, et une possible poursuite de fermentation en cas de stockage.

En cas d’épandage, des pertes sous forme d’azote gazeux (ammoniac) sont notifiés mais l'ammonium, grâce à sa charge positive, peut-être retenu par le complexe argilo-humique du sol chargé négativement. Le risque d'entrainement de cet ion en profondeur est ainsi limité mais sa disponibilité instantanée par les plantes l’est aussi. Son oxydation progressive en nitrates par les bactéries du sol, permet par contre sa libération et son absorption par les plantes mais provoque aussi un risque de transfert vers les nappes d’eau souterraine. Le flux d’Azote épandu devient alors un critère limitant, d’autant que l’étape de nitrification peut aussi générer une production de composés intermédiaires d’oxydation comme le protoxyde d’azote, gaz à effet de serre reconnu. Pour le Phosphore, la méthanisation permet de transformer 95% des polyphosphates organiques en orthophosphates (Giusquiani et al., 1998, Gigliotti et al., 2002). Le Phosphore organique résiduel est probablement sous forme de mono-ester, principalement de l’acide phytique. La teneur en phosphates dans le digestat est donc importante, toutefois la présence des ions Calcium et Magnésium, voire d’autres sels métalliques (Fer, Aluminium, Zinc, Cuivre) peuvent être à l’origine, selon le pH, d’une précipitation partielle des Phosphates qui se retrouvent alors essentiellement dans la phase solide du digestat.

Il faut noter que les teneurs en Azote et Phosphore dans les déchets d’élevage sont très dépendantes du régime alimentaire des animaux. Abaisser le dosage des protéines permet de réduire le flux d’Azote rejeté. De même, pour les animaux monogastriques, porcs et volailles par exemple, un apport d’enzymes phytases, naturelles dans les céréales (comme le blé, le triticale ou le seigle) ou industrielles, leur permet de mieux digérer et assimiler le Phosphore lié à l’alimentation. Les résultats prouvent qu’une alimentation par phases des porcins et l’utilisation de phytases pour les volailles permet de réduire les rejets de Phosphore par animal d’au moins 20%. D’après Giovanni (2000), si 100% des élevages bretons hors-sol utilisaient l’alimentation biphase et multiphase, les rejets de Phosphore pourraient diminuer à 10000 - 12000 tonnes. Le Phosphore organique étant particulièrement résistant à l’attaque par les micro-organismes du sol, il ne contribue pas à la fertilisation des cultures. Épandu, il est rapidement fixé dans le sol où il s’accumule lentement. Ainsi, l’acide phytique est reconnu comme étant un des composés de Phosphore organique le plus fixé par le sol où il représente souvent plus de 50% du Phosphore présent (Fardeau, 1993).

D’une façon générale, les teneurs les plus élevées des composés fertilisants tels que N, P et K, sont observées pour des digestats issus de la méthanisation du lisier de porcs et des sous-produits d’animaux. A l’opposé, les teneurs les plus faibles sont associées à des digestats issus de la méthanisation du lisier/fumier bovin, des biodéchets, puis des déchets verts.

I.1.4 Post-traitement des digestats

Si après méthanisation les digestats sont stabilisés au regard de la matière organique, ils représentent encore des flux conséquents car la masse d’eau n’a pas été réduite. L’épandage n’étant pas possible en continu, le stockage des digestats peut alors devenir un problème au regard des volumes à considérer.

Il a alors été envisagé des post-traitements pour concentrer la matière organique amendante, essentiellement dans les digestats sous forme particulaire.

I.1.4.1 Post-traitement du digestat par procédé de séparation solide/liquide

La séparation solide/liquide est une méthode efficace pour valoriser les digestats agricoles en permettant (i) la production d’une phase solide riche en éléments organiques amendants tout en réduisant potentiellement la génération d'odeurs (stripping de l’azote ammoniacal) et (ii) la concentration des composés azotés et autres composés solubles les plus fermentables dans une phase liquide (Garcia et al., 2009; Jørgensen et Jensen, 2009) utilisable en ferti-irrigation.

Les technologies les plus utilisées pour cette séparation sont la presse à vis (rétention des particules supérieures à 1 mm), la centrifugation (rétention des particules supérieures à 0,02 mm), les tamis vibrants, les tamis tangentiels, les pressoirs rotatifs, ainsi que la filtration sur sable et galets (Hills et Kemmerle, 1981; Burton, 2007; Jorgensen et Jensen, 2009; Kunz et al., 2009 ; Xia, 2012). L’efficacité de séparation reste bien entendue très dépendante du type de procédé et des besoins en énergie associés mais aussi des caractéristiques du lisier. Pour un lisier brut de porc charcutier par exemple, le taux de rétention dans la phase solide de l’Azote et du Phosphore augmente respectivement de 8 à 20% et de 15 à 75% en utilisant une vis compacteuse ou une décanteuse-centrifuge. La taille et la densité des composés en suspension sont les deux critères déterminants d’une telle séparation, plus les composés sont grossiers et denses, plus leur rétention sera facile, soit par tamisage, soit par décantation, centrifuge ou non.