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CHAPITRE I : ÉTAT DES CONNAISSANCES

I. 1.4.2.2 Élimination/Récupération du Phosphore de la phase liquide

I.1.5 Conclusion partielle

Les effluents d’élevage sont des déchets présentant un intérêt agronomique certain au travers de leur contenu en carbone organique pour amender les sols et l’apport potentiel de fertilisants. Il ne faut toutefois pas négliger les flux de pollution indirecte que leur épandage, en excès dans le cas de zone en excédent structurel ou non, peut provoquer : gaz à effet de serre (l’agriculture y contribue à 30% d’après Duxbury, 1994), eutrophisation des milieux récepteurs, diffusion pathogènes et produits chimiques, notamment antibiotiques, voire métaux lourds.

Pour renforcer leur caractère amendant, il paraît important d’encourager la stabilisation de la matière organique fermentescible très largement présente dans les effluents bruts, soit par

compostage qui peut aussi induire une élimination de composés indésirables par la montée en température qu’il impose sur le produit, soit par digestion anaérobie. Cette dernière voie étant par ailleurs génératrice d’énergie et libère en solution des composés fertilisants initialement emprisonnés dans les matrices organiques. Le couplage de ces deux voies biologiques est aussi envisageable.

La digestion anaérobie apportant aussi à l’exploitant une source d’énergie et de gain indirect, son développement peut être essentiel dans le bilan économique des exploitations avec des retours sur investissement inférieurs à dix ans. Un des points clés du marché de la méthanisation est alors d'évaluer et d’optimiser les filières de gestion des digestats (dont la qualité reste dépendante de l’intrant (Kupper et Fuchs, 2007; Solagro, 2004)), de manière à pérenniser et sécuriser les débouchés pour la totalité de la matière organique traitée. Une caractérisation précise de la composition des digestats est donc demandée par les acteurs de la profession et les pouvoirs publics pour garantir l'innocuité des produits générés, optimiser les procédés de post-traitement des digestats et enfin définir des normes et des homologations sur les produits issus du post-traitement des digestats. Sur un plan réglementaire, cette caractérisation des filières de gestion des digestats et des produits finis (Annexe I.4) permettra une définition claire de leur statut et éliminera le handicap que représente leur valorisation.

Parmi les post-traitements possibles, la séparation des phases solide et liquide est une voie intéressante car elle permet de récupérer un concentrat solide chargé en matière organique stabilisée qui peut aussi, avant épandage, subir un compostage pour éliminer la présence de pathogènes, voire de produits sanitaires, et rendre au produit final des caractéristiques proches des produits normés fertilisants (Flotats et al., 2009 ; Schmidt et Meissl, 2007 ; Salminen et al., 2001). Il reste alors à traiter la phase liquide, soit pour lui enlever son caractère eutrophisant par élimination des composés azotés et phosphorés (voie biologique), soit en extrayant de cette phase liquide, et sans leur enlever leur caractère fertilisant, les composés d’intérêt (ammonium, phosphates et autres éléments nutritifs pour les plantes) et récupérer une eau traitée de qualité suffisante pour être utilisée sur site (Tay et Jeyaseelan, 1995). Ces procédés d’extraction doivent rester simples dans leur fonctionnement (automatisables par exemple) pour faciliter leur exploitation sur site.

Figure I.7 : Schéma des procédés de traitement du lisier et des co-produits chez Géotexia.

Pour les éleveurs et industriels, l’objectif est de ne pas se placer en zone d’excédent structurel (production supérieur à la capacité locale de retour au sol). Ou alors, d’arriver à homologuer ses déchets afin de transformer la notion de déchet en matière fertilisante commercialisable : logique de produit matière fertilisante dérivée de déchet (Balat et Balat, 2009 ; Panwar et al., 2011 ; Al Seadi et Lukehurst, 2012). Ainsi, une multitude d’opérations pour traiter le digestat anaérobie existe mais le choix dans la nature du procédé va dépendre principalement du degré de purification qui doit être atteint.

Géotexia (http://www.bioenergie-promotion.fr/13591/geotexia-une-usine-de-biogaz-territorial-en-bretagne/) a ainsi mis en place une filière de traitement (Figure I.7) qui permet de valoriser des volumes importants de déchets (35 000 tonnes de lisiers et 40 000 tonnes de co-produits agroalimentaires par an). L’étape de digestion anaérobie permet de produire un biogaz valorisable et convertible en électricité (Hjort-Gregersen et al., 2007) par alimentation d’un moteur de 1,3 MW électrique, dont la production annuelle est évaluée à 11,38 GWh et vendue à EDF. La chaleur dégagée par le moteur est utilisée (i) pour maintenir le méthaniseur à température constante, et par le sécheur (ii) pour assécher la phase solide du centrifugat pour former un engrais solide (4000 t.an-1) et (iii) pour concentrer par évaporation l’engrais liquide (6000 t.an-1). Une production de 50 000 m3.an-1 d’eau traitée est aussi obtenue par association d’ultrafiltration et osmose inverse, elle est réutilisée pour l’irrigation des saules (bois en expansion dans cette

région servant de matière première pour le chauffage de cheminée). Par ailleurs, Géotexia a obtenu une homologation favorable sur trois de ses matières fertilisantes produites :

· GEONORGP (fraction organique encore en suspension dans le culot de centrifugation) qui est destinée à l’entretien ou à la restauration des taux d’humus du sol (apport de matière organique stabilisée), ainsi qu’à un effet fertilisant (minéralisation lente) azoté et phosphaté.

· RETEXIA-NK (rétentat de l’UF de porosité inférieure à 0,1 µm) qui est destiné à la fertilisation azotée, sous forme ammoniacale, et potassique.

· FERTIXIA-NKS (concentrât issu de l’osmose inverse du filtrat d’ultrafiltration, étape ultime des post-traitements appliqués au digestat brut de méthanisation) qui est destiné à la fertilisation azotée (action rapide) sous forme ammoniacale, ainsi que l’apport de Potassium et de Soufre.

Le procédé choisi intègre, dans l’étape de traitement de la phase liquide des digestats, des opérations de séparation sur membranes. Ces dernières décennies, les procédés membranaires ont en effet montré leur intérêt pour le traitement des eaux et des effluents (Glucina et al., 2000 ; Mrayed et al., 2011 ; Andrade et al., 2014). Leur sélectivité permet des séparations plus ou moins ciblées pour récupérer des constituants d’intérêts et offre la possibilité de réutiliser les eaux traitées, arguments clefs de leurs applications (Côté et al., 1998; Lebeau et al., 1998 ; Cicek 2003 ; Hasar et al., 2004 ; Mrayed et al., 2011). Le développement important de ces technologies a conduit à une réduction des coûts et une extension de leurs possibilités d'application (Pieters et

al., 1999 ; Ledda et al., 2013). Ces procédés, qui sont un point central de ce travail de doctorat,

vont être sommairement présentés dans le paragraphe suivant.