• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 Traitement stochastique du transport de neutrons

2.2 Milieu hétérogène

Considérons maintenant un système plus réaliste, composé de régions avec des mélanges homogènes différents. Chacun des mélanges correspond à un mélange homogène tel qu’ex- pliqué dans la section précédente. Nous utiliserons un tel système pour expliquer les rôles des différents isotopes et pour ensuite expliquer les conditions frontières qui peuvent être implémentées dans des calculs de transport neutronique.

2.2.1 Combustible et modérateur

Supposons un système comportant une tige composée d’un mélange d’235U et d’238U, le

combustible, dans de l’eau légère (où on a des noyaux d’hydrogène pour les molécules d’eau), le modérateur. La tige de combustible est entourée d’une gaine de zirconium, comme c’est ty- piquement le cas dans les réacteurs. La frontière du système se situe juste après le modérateur et on y applique des conditions de réflexion (ce qui sera expliqué un peu plus loin). L’uranium 235 est un isotope fissile, alors que l’uranium 238 est un isotope qui absorbe beaucoup les neutrons (capture radiative). Leurs sections efficaces respectives (de capture radiative pour l’U238 et de fission et capture radiative pour l’U235) sont montrées à la figure 2.5.

10−2 100 102 104 106 10−4 10−3 10−2 10−1 100 101 102 103 104 105 ´ Energie (eV) S ec ti on effi ca ce (b ) Fission, U235

Capture radiative, U238 Capture radiative, U235

Figure 2.5 Sections efficaces de fission et de capture radiative de l’U235 et de capture radiative de l’U238, dans la plage d’énergie contenant des résonances.

Pour qu’un tel système soit critique, c’est-à-dire pour que la réaction nucléaire puisse s’au- toentrenir, il faut que la fission des noyaux d’uranium 235 produise assez de neutrons pour compenser pour la perte par capture par les noyaux d’uranium 238, la perte par capture dans les autres matériaux (la gaine et le modérateur) et la perte de neutrons par fuites (si on a des conditions frontières qui permettent des fuites). Dans un réacteur nucléaire typique avec ce genre de combustible (par exemple un réacteur à eau sous pression), le pourcent- age massique d’uranium 235 est en général de 2% à 5%. À cause de la structure résonante

de l’235U et de l’238U, pour des énergies allant jusqu’à quelques dizaines d’eV (de l’ordre de l’énergie thermique du système), la section efficace pour la fission de l’uranium 235 est beaucoup plus grande que celle pour la capture radiative par l’uranium 238. Par contre, à des énergies plus élevées, même si en moyenne la section efficace de capture de l’U238 reste plus faible que celle de fission de l’U235, les résonances sont beaucoup plus importantes dans le cas de l’U238 et comme en général l’uranium 238 est présent en quantité beaucoup plus importante que l’uranium 235 (par un facteur d’au moins 20), la capture radiative domine largement dans cette plage d’énergie. Notons que pour de très hautes énergies, il y a toujours des résonances mais elles sont tellement près les unes des autres qu’elles ne sont plus mesurées expérimentalement (la figure 2.5 présente essentiellement la moyenne des sections efficaces à haute énergie, lorsque les résonances arrêtent).

Comme les neutrons sont en général émis à des énergies de l’ordre du MeV à la suite d’une fission (figure 2.4), et comme l’uranium 238 est présent en quantité plus importante que l’uranium 235, le criticité d’un tel système implique que les neutrons doivent être ralentis jusqu’à des énergies où la section efficace de fission est assez importante pour compenser pour le faible pourcentage massique de l’isotope fissile. De plus, ce ralentissement doit se produire à l’extérieur du combustible, car si ce n’était pas le cas, les neutrons seraient en bonne partie absorbés par l’uranium 238 durant le processus de ralentissement.

L’eau légère présente dans le système joue donc un rôle particulièrement important, celui de modérateur. Notons que l’eau peut aussi jouer le rôle de caloporteur, très important pour garder le réacteur à une température acceptable et extraire une partie de l’énergie libérée par la fission. Toutefois, pour des considérations de neutronique ce rôle n’est pas important. Le rôle du modérateur est donc de ralentir les neutrons hors du combustible, jusqu’à (idéalement) des énergies thermiques, pour qu’à leur retour dans le combustible, les neutrons puissent contribuer au maintient de la réaction nucléaire.

Notons que quand on parle de “retour dans le combustible”, il n’est pas nécessairement question d’un retour dans le combustible d’où le neutron origine. Dans un réacteur, les cellules se retrouvent typiquement dans des assemblages comprenant des milliers de cellules identiques. Un neutron provenant d’une tige de combustible donnée sera donc typiquement ralenti dans le modérateur avant d’aller interagir dans un autre tige de combustible. Comme expliqué dans la sous-section 2.2.2, on peut prendre cette possibilité en compte dans les conditions frontières.

2.2.2 Conditions frontières

Si la cellule considérée est entourée d’une frontière γ, alors il y a plusieurs possibilités pour le traitement d’un neutron qui atteint la frontière. Premièrement, si la cellule est entourée de vide et si on note la normale à la frontière (pointant vers l’extérieur) au point rs ∈ γ avec

N(rs), alors un neutron à la frontière avec Ω· N(rs) > 0 quittera le système (et ne reviendra

jamais). C’est ce qu’on appelle une condition frontière de vide.

En pratique, on utilise souvent des conditions frontières réflectives. Précisons d’abord que physiquement, les neutrons ne sont pas vraiment réfléchis. Il n’existe pas de matériaux qui réfléchissent les neutrons (comme un miroir avec des photons par exemple). Les conditions de réflexion sont plutôt utilisées pour prendre en compte le fait qu’un réacteur comprend généralement des milliers de cellules identiques, comme expliqué plus haut. Ainsi, du point de vue d’une cellule individuelle, la géométrie se répète (approximativement) à l’infini. Si on considère des cellules identiques et symétriques, alors statistiquement parlant, un neutron qui sort par un côté d’une cellule sera remplacé par un neutron entrant (avec Ω· N(rs) < 0)

provenant de la cellule voisine. Une condition de réflexion spéculaire correspond à imposer · N(rs) =−Ω0· N(rs), c’est-à-dire que les neutrons sont réfléchis comme des photons par

une surface spéculaire.

On peut aussi considérer des frontière qui ne réfléchissent qu’une partie des neutrons incident, donnée par la fraction β. Cette fraction peut varier entre 0 (conditions de vide) et 1 (condi- tions réflectives) et possiblement être plus grande que 1. Comme il est ici question de calcul à l’état d’équilibre, s’il y a plus de neutrons qui sortent que de neutrons qui entrent par une frontière (β < 1), du point de vue d’une cellule, alors pour la cellule adjacente (qui partage la frontière) il y aura plus de neutrons qui entrent que de neutrons qui sortent (β > 1).

Documents relatifs