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1.3 Recristallisation dynamique discontinue

1.3.3 Migration des joints de grains

Le joint de grains se déplace dans le matériau avec une vitesse v en réponse à une pression P qui s’applique sur le celui-ci. Cette vitesse est considérée comme proportionnelle à la pression exercée et est dépendante de la mobilité M du joint de grains telle que :

v = M P (1.5)

La pression responsable de la migration du joint de grains peut avoir plusieurs origines en fonction des conditions expérimentales. Pendant la recristallisation dyna- mique discontinue, le matériau est suffisamment écroui pour considérer la différence de densité de dislocations de part et d’autre du joint comme la principale force motrice de migration du joint de grains. En effet, le déplacement du joint entraîne une absorption des dislocations, laissant une zone qui en est dépourvue suite à son passage. Cette absorption des dislocations provoque une diminution de l’énergie élas- tique du système, ce qui est favorable à la migration du joint de grains. Dans un matériau recristallisé, dans lequel la densité de dislocations est faible, l’énergie de surface de part et d’autre du joint de grains participe également à sa mobilité (cf. section 1.5.3).

Le joint de grains est définie comme la frontière intergranulaire entre deux cristaux dans un matériau polycristallin. Le principal mécanisme de la migration du joint de grains est le transfert d’atomes par saut atomique (diffusion) entre les deux grains adjacents au joint. La migration du joint est donc sensible à la température mais également à la présence de défauts dans le réseau cristallin. Cette dépendance en température de la mobilité du joint de grains est définie par la relation suivante :

M = M0exp −

Q RT

!

(1.6) où T est la température, R la constante des gaz parfaits, M0 la mobilité initiale

des joints de grains et Q l’énergie d’activation liée à la dependance thermique du processus de diffusion des atomes.

La sensibilité aux défauts du réseau cristallin se manifeste, quant à elle, par l’in- termédiaire de nombreux phénomènes physiques. Dans le cadre de notre étude, nous nous intéressons en particulier à deux phénomènes : le traînage des solutés (solute

drag) qui concerne les éléments en solution solide et l’épinglage de Zener (Zener pinning) associé aux précipités.

1.3.3.2 Traînage des solutés

Les atomes en solution solide ralentissent la migration des joints de grains en dimi- nuant leur mobilité. Ces atomes issus des éléments d’addition créent une dilatation ou une contraction locale dans le réseau cristallin du fait de leur taille différente de celle des atomes de la matrice [5]. Ils ségrègent préférentiellement à proximité des joints de grains, c’est-à-dire à l’interface entre deux réseaux cristallins ordonnés. Lors de la migration du joint de grains, ces atomes accompagnent la paroi par dif- fusion, provoquant une diminution de sa mobilité. En effet, en fonction de l’énergie attractive ou répulsive du joint sur les atomes de soluté, ceux-ci sont poussés devant ou tirés derrière. Ce mécanisme de traînage des solutés a été décrit par Lücke et Detert [18] puis détaillé par la suite par [19, 20].

Figure 1.13 – Évolution de la force motrice en fonction de la vitesse de migration du joint de grains dans le cas (a) d’un métal pur, (b) d’une concentration en soluté inférieure

à la concentration critique c(c) d’une concentration en soluté de l’ordre de 3c[19].

La figure 1.13 présente l’effet de la concentration des atomes en solution solide sur la force motrice nécessaire à la migration du joint de grains en fonction de la vitesse de migration. Dans le cas d’un métal pur, en négligeant l’effet des lacunes, la force motrice est proportionnelle à la vitesse de migration du joint de grains. Lorsque la

1.3 Recristallisation dynamique discontinue

concentration des atomes en solution solide augmente, la force motrice nécessaire augmente très fortement aux faibles vitesses de migration, en particulier pour les fortes concentrations illustrées par la courbe (c). Aux grandes vitesses de migration, l’impact des solutés est moins marqué. Ainsi, les mécanismes où les vitesses de migration des joints de grains sont faibles, tels que la croissance de grain, seront plus impactés par l’effet de traînage des solutés que les mécanismes où les vitesses de migration sont grandes comme la recristallisation dynamique.

Sinclair et al. [21] ont illustré les travaux de Cahn pour les faibles vitesses de migration en étudiant l’effet du traînage des solutés sur la taille de grain après la recristallisation statique et la croissance de grain. La figure 1.14 montre que la taille des grain diminue progressivement lorsque la concentration en Nb augmente dans un fer-α ultra pur, illustrant l’effet du niobium sur la mobilité des joints de grains.

Figure 1.14 – Effet du niobium sur la taille de grain après la recristallisation statique et la croissance de grain à chaud du fer-α. La concentration massique en niobium augmente dans la largeur de l’échantillon (courbe noire en trait plein) [21].

1.3.3.3 Épinglage de Zener

La présence de précipités dans le matériau peut également diminuer la vitesse de migration des joints de grains, ce phénomène est appelé épinglage de Zener car décrit par Smith mais sur l’idée de Zener [22]. Les précipités n’affectent pas la mobilité des joints de grains, à l’instar des solutés, mais exercent une force d’ancrage antagoniste au déplacement du joint. Lors de la migration de celui-ci, les parties situées à une certaine distance de la particule continuent de progresser normalement tandis que la partie en contact se confond avec l’interface du précipité. Un épinglage local du joint se crée dans cette zone ce qui est susceptible de bloquer la migration de la paroi. Afin que la migration du joint puisse continuer, il est nécessaire de recréer la

partie du joint manquante, ce qui est énergétiquement défavorable pour le système. Les particules exercent donc une force de Zener FZ qui s’oppose à la force motrice :

FZ =

3γFV

2r (1.7)

où γ est l’énergie de surface du joint de grains, r le rayon moyen des particules et

FV la fraction volumique des précipités.