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1.3 Recristallisation dynamique discontinue

1.3.4 Mécanismes de germination

Le processus de germination constitue une étape critique des mécanismes de recris- tallisation, que ce soit en recristallisation statique ou en recristallisation dynamique discontinue. Burke et Turnbull [23] furent les premiers à tenter d’appliquer à la re- cristallisation les mécanismes de la théorie classique de la germination homogène développée historiquement pour la solidification ou les transformations de phases. Cette théorie repose sur deux principes : l’existence de fluctuations atomiques liées à l’agitation thermique permettant de former le germe et une diminution de l’énergie du système par la formation du germe. En effet, le germe est stable, si et seulement si, l’énergie de formation du germe et de l’interface qui en résulte est plus faible que l’énergie locale du matériau d’origine. Malgré la cohérence de cette théorie avec certains aspects de la recristallisation, tels que la localisation des germes préféren- tiellement dans les grains les plus écrouis et aux interfaces ou l’existence d’un temps d’incubation, elle reste cependant difficilement applicable car :

– les forces motrices dans les processus de recristallisation sont faibles en com- paraison de celles mises en jeu lors des transformations de phases;

– les énergies d’interfaces sont importantes au niveau des joints de grains à forte désorientation [16];

– la taille critique des germes est trop grande pour obtenir le germe seulement par l’agitation thermique [24].

Plusieurs mécanismes de germination ont donc été décrits afin d’expliquer les différentes cinétiques observées dans les processus de recristallisation.

1.3.4.1 Migration locale d’un joint entre deux grains adjacents

Les germes apparaissent essentiellement au niveau des joints de grains qui consti- tuent les régions les plus déformées localement au sein du grain. Le mécanisme de germination communément admis est la migration locale d’un joint de grains vers un grain plus écroui. Ce mécanisme a été présentée pour la première fois par Beck et Sperry [25] sur des alliages d’aluminium, puis il a été également observé par la suite sur une variété de matériaux métalliques. La figure 1.15 illustre la migration locale

1.3 Recristallisation dynamique discontinue

du joint de grains à partir du grain à faible densité de dislocations (E1) vers le grain plus écroui (E2). De multiples migrations locales du joint de grains au sein d’un même grain conduisent à l’apparition de colliers de petits grains observés en DDRX. La particularité de ce mécanisme est que le germe formé conserve l’orientation du grain dont il est issu. Ce mécanisme nécessite une différence de densité de disloca- tions suffisante de part et d’autre du joint de grains. La condition de croissance est fixée par l’équation 1.8 proposée par Bailey et Hirsch [24] :

L > 2γb

∆E (1.8)

où 2L est la longueur initiale du joint de grains qui migre, γb l’énergie de surface du

joint de grains et ∆E la différence d’énergie entre les deux grains.

La migration du joint de grains est entretenue, quant à elle, par la diminution de l’énergie stockée par le matériau lors de l’absorption des dislocations par le joint de grains en mouvement. Cette diminution d’énergie est supérieure à l’énergie liée à l’augmentation de la surface totale du joint.

Figure 1.15 – (a) Migration locale d’un joint de grains en faveur d’un grain à faible densité de dislocations (E1) au détriment d’un grain à forte densité de dislocations (E2), (b) traînage des sous-joints lors de la migration du joint de grains, (c) la migration du joint de grains laisse une structure vide de dislocations, (d) migration locale d’un joint à partir d’un seul gros sous-grain [16].

1.3.4.2 Coalescence de sous-grains adjacents

Le mécanisme est basé sur la rotation cristalline d’un des deux sous-grains adja- cents jusqu’à coïncidence des deux réseaux cristallins comme illustré par la figure 1.16. Ce mécanisme est observé plutôt pour des déformations modérées dans des régions proches des joints de grains à des températures de recuit élevées et principa- lement dans les matériaux à forte énergie de défaut d’empilement [16]. Ce mécanisme ne peut donc pas être observé dans l’acier 304L.

Figure 1.16 – Coalescence de deux sous-grains par rotation : (a) structure originale, (b) rotation du sous-grain CDEFGH, (c) coïncidence des deux réseaux cristallins, (d) coalescence des sous-grains formant un germe.

1.3.4.3 Croissance d’un sous-grain

Le mécanisme est basé sur un phénomène de polygonisation dans des régions à faible densité de dislocations entourées de sous-joints de grains. Le sous-grain croît au détriment des sous-grains voisins dont la densité de dislocations est plus grande.

Figure 1.17 – Germination par croissance d’un sous-grain : (a) sous-structure initiale, (b) croissance du sous-grain central au détriment des voisins, (c) transformation des parois à faible désorientation en parois à forte désorientation [26].

1.3 Recristallisation dynamique discontinue

Même si la mobilité des sous-joints est faible, leur migration est rendue possible par la diminution de l’énergie stockée lors de l’absorption des dislocations et du réarrangement de la structure. L’absorption des dislocations dans les parois des sous-joints transforme progressivement les parois à faible désorientation en joints de grains à forte désorientation beaucoup plus mobiles (figure 1.17). Ce mécanisme opère préférentiellement pour des grandes déformations à haute température et dans les matériaux à faible énergie de défaut d’empilement [26, 27].

1.3.4.4 Germination au cours de la DDRX

La plupart des mécanismes de germination décrits précédemment sont basés sur l’existence de sous-structure ainsi que sur la présence de forts gradients de densité de dislocations entre les grains. Ils sont donc adaptés pour décrire la formation de la première génération de grains recristallisés. Dans les matériaux à faible énergie de défaut d’empilement où la sous-structure est moins présente, en particulier au régime stationnaire, un autre mécanisme de germination spécifique a été mis en évidence. Plusieurs auteurs [27–30] ont montré le rôle du maclage sur la formation de nouveaux grains en DDRX. En effet, lors de la croissance d’un grain au détriment de son voisin (figure 1.18.a), la migration du joint de grains peut s’effectuer à partir d’un instant donné en orientation de macle par rapport à son orientation initiale.

Grain 1 Grain 2 Joint de grains A (a) Grain 1 Grain 2 Joint de grains A Grain 3 Joint de macle (b) Grain 1 Grain 2 Joint de grains A Grain 3 Joint de grains B (c)

Figure 1.18 – Formation d’un nouveau grain par maclage en DDRX. (a) Croissance d’un grain au détriment de son voisin, (b) orientation en macle du joint de grains par rapport à sa première orientation, le joint de grains initial continue sa migration, (c) rotation du grain en croissance, le joint de macle devient un joint de grains normal.

Le joint de grains initial continue à migrer dans la même direction faisant croître la macle de recuit nouvellement formée (figure 1.18.b). Par rotation du grain en croissance et de la macle, le joint de macle devient alors un joint de grains normal donnant naissance à un nouveau grain (figure 1.18.c).

Ce procédé de maclage répété participe activement à la formation de nouveaux grains. Hodgson et al. [31] ont observé sur un acier austénitique Fer – 30 %Ni, ce mécanisme de germination par migration locale d’un joint de grains dans un autre au niveau des joints de grains à fortes désorientations et des macles.