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I. Les inclusions magmatiques et les techniques expérimentales et

I.2. Techniques de caractérisation des inclusions magmatiques

I.2.2. Microthermométrie optique

L’objectif des études expérimentales d’inclusions magmatiques est de chauffer les inclusions jusqu’à la température de piégeage afin de renverser les processus qui se sont produits lors du refroidissement, tels que la cristallisation de minéraux fils, la dévitrification et/ou l’apparition de bulles de rétraction thermique. Le système cristal hôte – inclusion est alors trempé afin d’avoir accès à la composition chimique initiale du liquide piégé. Deux types de techniques expérimentales peuvent être envisagés pour homogénéiser des inclusions magmatiques : l’utilisation d’un four 1 atm à trempe verticale sous contrôle de fugacité d’oxygène ou une platine chauffante à 1 atm fixée sur un microscope. C’est cette deuxième technique qui a été utilisée durant cette thèse. L’avantage de la platine chauffante est la possibilité d’observation directe et donc de contrôle du déroulement de l’expérience avec l’augmentation de température. Le modèle de platine micro-thermométrique le plus couramment utilisé est celui qui a été mis au point par Sobolev et al. (1980 ; Figure 22).

Figure 22.

Schéma de la pl

atine chauff

ante modèle Vernadsky (Sobolev et al., 1980)

La platine chauffante se compose d’une enceinte refroidie par circulation d’eau, d’un four en Pt90Rh10, d’un porte-échantillon métallique en forme de bague sur lequel est fixé un thermocouple Pt-Pt90Rh10 de type S. Afin de laisser passer la lumière, la partie supérieure (sur le couvercle) et la partie inférieure sont constituées de fenêtres de silice. Le four est un tube vertical de 6 mm de long et 2 mm de diamètre, à l’intérieur duquel on dispose l’échantillon. Le porte-échantillon d’un diamètre de 1 mm est une bague de Pt de 0.1 mm d’épaisseur et 0.7 mm de haut. L’échantillon est placé sur une lamelle de saphir d’une épaisseur de 100-300 µm, puis l’ensemble est disposé sur le porte-échantillon. L’utilisation de cette lamelle permet d’éviter la pollution de l’échantillon et du porte-échantillon ; le saphir a été choisi parce qu’il n’interagit pas chimiquement avec l’olivine à nos températures expérimentales. La mesure de la température est réalisée par le thermocouple qui est soudé sur le porte-échantillon et qui est calibré avec des composants dont le point de fusion est connu. Des métaux précieux tels que l’or et l’argent ont été principalement utilisés lors de cette étude, ainsi que le fluorure de magnésium.

Le contrôle de la fO2 est nécessaire afin d’empêcher l’oxydation du minéral, notamment dans le cas de l’olivine. C’est pourquoi les expériences se réalisent avec un flux d’hélium. Le dispositif se complète alors par un four secondaire dans lequel est placé du Zr chauffé à 700°C, ce qui permet de purifier l’hélium lorsque le flux traverse le four (Figure 23). Les molécules d’O2 présentes en traces dans le flux d’He sont piégées par le Zr, ce qui maintient la fugacité à 10-10-10-9 atm à 1200°C (∆QFM = -1.74 à -0.74). Le choix de l’He se justifie également par sa forte conductivité thermique (3.63 mW.cm-1.K-1), ce qui rend la trempe très efficace.

I. Les inclusions magmatiques et les techniques expérimentales et analytiques

Figure 23. Dispositif expérimental de micro-thermométrie.

La variation de la tension d’alimentation en fonction de l’intensité du courant n’est pas linéaire au cours de l’augmentation en température d’une expérience (Figure 24). En revanche, il existe une relation linéaire entre l’intensité I et la température lue Texp lorsque l’intensité est ≥ 40 A (Figure 24b) : Texp = 35.272 * I – 834.62.

Figure 24. Relations entre l'intensité, la tension et la température dans la platine Vernadsky sous flux d'He à un débit de 20 mL/min sur dix expériences. La température montre une relation linéaire avec l'intensité pour des courants supérieurs à 40 A et une gamme de température de 570°C à 1250°C (b).

La courbe de calibration en température de la platine a été réalisée sous flux d’Hélium à un débit de 20 mL/min en utilisant plusieurs composants purs caractérisés par des points de fusion à différentes températures sur une gamme de température de 961-1263°C (Figure 25).

La reproductibilité de la mesure de température est inférieure à 10°C (2σ). Cette calibration en température permet d’écrire la relation suivante entre la température réelle TR et la température lue Texp sous flux d’Hélium à un débit de 20 mL/min :

TR = 1.13(±0.02) * Texp– 111.7(±20.5) (8)

Les erreurs entre parenthèses sont données à 2σ.

Figure 25. Calibration en température de la platine Vernadsky sous flux d'He à un débit de 20 mL/min par la fusion de différents composants purs : argent (Tm = 961.78°C), or (Tm = 1064.18°C) et fluorure de Mg (Tm = 1263°C). (a) Points de fusion dans des expériences différentes (4 pour Ag, 5 pour Au, 4 pour MgF2). (b) Relation linéaire entre les températures moyennes des expériences par composant (erreur 2σ) et la température réelle de fusion de chaque composant.

Néanmoins, l’erreur maximale sur la valeur de température est de 12°C, du fait de l’existence d’un gradient thermique dans le four (Sonzogni, 2006). Le gradient horizontal a été évalué à 12°C sur 1 mm (Figure 26) et le gradient vertical, estimé en disposant des morceaux d’or sur les cristaux d’olivine dont l’épaisseur est préalablement mesurée, est de l’ordre 10°C/mm. Le gradient horizontal n’est pas concentrique, mais forme un pôle chaud à proximité de l’alimentation du four et froid à l’opposé (Figure 26).

I. Les inclusions magmatiques et les techniques expérimentales et analytiques

Figure 26. Figures représentant le gradient thermique dans la platine thermométrique obtenu par fusion de grains d'or disposés sur toute la surface de la lamelle de saphir. (a) Disposition des grains d'or. (b) Carte d'isothermes graduée en écarts de température (température de fusion de l'or (1064.18°C) - température lue grâce au thermocouple). Les grains d'or qui vont fondre en premier sont situés dans le quart SW de la rondelle, c'est-à-dire que le pôle chaud se situe à l'ouest et le pôle froid au NE. Le gradient mesuré est de 12°C. Expérience et figure réalisées par Y. Sonzogni (2006).

Significations des températures d’homogénéisation :

Le retour aux conditions physiques et chimiques qui existaient lors du piégeage est effectif lorsque le liquide silicaté inclus consiste en un liquide magmatique homogène et que la bulle de retrait a disparu. Néanmoins, des différences importantes existent entre les conditions physico-chimiques qui prévalaient lors de la formation de l’inclusion et celles qui sont atteintes expérimentalement. En premier lieu, les expériences micro-thermométriques sont réalisées à la pression atmosphérique, alors que la pression peut être de quelques kilobars lors de la cristallisation en milieu naturel. Avec l’augmentation de température lors de l’expérience, la pression interne de l’inclusion tend à croître jusqu’à la pression de piégeage (voir section I.1.3). Selon que le cristal hôte est capable ou non de contenir la pression à l’intérieur de l’inclusion, la pression durant l’expérience se rapprochera plus ou moins de la pression initiale de formation de l’inclusion.

Une augmentation de la température d’homogénéisation (i.e., température de disparition de la bulle de rétraction thermique) au cours de la durée d’une expérience a été observée par différents auteurs (Sobolev et Danyushevsky, 1994 ; Gioncada et al., 1998 ; Massare et al., 2002). Lorsque l’inclusion est chauffée, une augmentation de la pression interne, associée à une expansion thermique du liquide silicaté, se produit. Une étude menée

au laboratoire par A. Tison a montré que la déformation plastique de l’olivine hôte au cours de l’expérience - dont le moteur est la pression interne - provoquerait une augmentation du volume de l’inclusion. Dans le cas de l’olivine, l’augmentation très rapide de la température d’homogénéisation serait due à une déformation pure et contrairement aux cas du pyroxène et du plagioclase, la perte en volatils dans l’inclusion n’influerait pas ou peu sur la température (Tison, 2006).

Ces résultats remettent en question la signification de la température d’homogénéisation d’une inclusion magmatique et il semble qu’on ne puisse pas considérer les températures obtenues comme des températures minimales de piégeage du liquide silicaté dans le cristal hôte (Roeder, 1984). Néanmoins, les conditions de chauffage des cristaux d’olivine ayant été similaires tout au cours de la thèse, on peut utiliser les températures mesurées pour comparer les inclusions entre elles. D’autre part, l’objectif principal des expériences d’homogénéisation réalisées au cours de cette thèse est d’homogénéiser et de vitrifier le contenu des inclusions afin d’approcher la composition des liquides au moment de leur piégeage, et non pas de déterminer avec précision les paramètres physiques de formation des inclusions.