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I. Les inclusions magmatiques et les techniques expérimentales et

I.1. Les inclusions magmatiques

I.1.6. Modifications post-piégeage d’une inclusion magmatique : système ouvert

I.1.6.2. Cas des inclusions étudiées

Dans les différents échantillons étudiés au cours de cette thèse, certaines inclusions magmatiques présentent des évidences de rééquilibration chimique post-piégeage, telles que des teneurs faibles en FeO* et des valeurs élevées pour le . C’est le cas des inclusions des échantillons de l’île Maurice et Piton des Neiges (point chaud de la Réunion ; cf. partie III). Ces inclusions étant partiellement cristallisées (avec pour minéraux fils des clinopyroxènes et amphiboles), elles ont toutes subi une homogénéisation sous la platine chauffante décrite dans la section suivante. Des profils chimiques ont été réalisés à la microsonde électronique dans l’olivine à proximité de l’inclusion dans des cristaux d’un même échantillon avant et après chauffage (Figures 13 et 14). Les olivines analysées avant et après chauffage sont différentes pour chaque échantillon, car une inclusion ne peut être mise à l’affleurement avant d’être chauffée. Pour chaque olivine, deux ou trois profils sont réalisés au contact de la même inclusion. Les conditions d’analyse sont les suivantes : une tension de 15 kV, une intensité de 30 nA pour SiO

Mg Fe Liq Ol D K

2, MgO, FeO et de 30 ou 50 nA pour CaO, NiO et MnO et des temps de comptage de 10 à 30 s pour les éléments majeurs et de 50 à 150 s pour les éléments mineurs. Les profils sont réalisés avec un pas de 1 à 2 µm afin de caractériser les gradients compositionnels sur de courtes distances. Les deux olivines avant et après chauffage de l’île Maurice présentent des compositions légèrement différentes (Mg# = 100*Mg/(Mg+Fe) = 87 et 89), ce qui explique le décalage observé pour MgO, FeO* et Mg# (Figure 14).

Figure 13. Profils chimiques dans des olivines du Piton des Neiges à proximité de l'inclusion magmatique après homogénéisation à ~ 1250°C. La même inclusion ne pouvant être analysée avant et après le chauffage, les profils avant et après homogénéisation sont réalisés dans deux inclusions différentes de l'échantillon du Piton des Neiges. Néanmoins, celles-ci ont été choisies de la même taille (50 µm) et dans des olivines de compositions similaires (Mg# = 100*Mg/(Mg+Fe) ~ 85.5). Deux profils ont été réalisés dans chaque cas (avant et après chauffage), mais un seul est représenté pour la clarté des figures. Les erreurs sont reportées à 2σ.

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Figure 14. Profils chimiques dans des olivines de l'île Maurice à proximité de l'inclusion magmatique avant et après homogénéisation à ~ 1250°C. La même inclusion ne pouvant être analysée avant et après le chauffage, les profils avant et après homogénéisation sont réalisés dans deux inclusions différentes de taille similaire (50 µm). Les deux olivines retenues présentent des compositions légèrement différentes (Mg# = 100*Mg/(Mg+Fe) = 87 et 89), ce qui explique le décalage observé pour MgO, FeO* et Mg#. Pour CaO et NiO, un seul profil a été sélectionné dans chaque cas (avant et après chauffage) pour la clarté des figures. Les erreurs sont reportées à 2σ.

Les figures 13 et 14 montrent la présence de gradients compositionnels sur 5 à 15 µm dans l’olivine au contact de l’inclusion, aussi bien avant qu’après chauffage à ∼ 1250°C. La teneur en forstérite dans l’olivine, de même que la teneur en Ni, diminuent lorsque l’on se rapproche de l’interface inclusion-olivine. En ce qui concerne la teneur en Ca avant chauffage, elle diminue à proximité de l’interface dans le cas de l’échantillon du Piton des Neiges et augmente dans le cas de celui de l’île Maurice. Il est visible surtout dans les profils des olivines non chauffées du Piton des Neiges que le gradient s’étale sur une plus longue distance pour Fe et Mg que pour les éléments mineurs Ca, Ni et Mn (Figure 13).

Le liquide résiduel a pu être analysé dans les inclusions cristallisées (Tableau 1) et présente une composition évoluée, très pauvre en FeO et MgO et riche en SiO2 et en alcalins. Il est donc possible dans le cas des inclusions cristallisées comme dans celui des inclusions homogénéisées, de vérifier la présence d’un équilibre chimique entre le liquide et l’olivine à proximité (Figure 15). On se rend alors compte qu’il existe un équilibre local entre le liquide évolué des inclusions cristallisées et l’olivine enrichie en Fe à proximité de l’interface. Dans ce cas, les valeurs de sont faibles, du fait de la composition enrichie en alcalins et silice (Toplis, 2005). En revanche, les liquides qui ont subi une homogénéisation ne sont à l’équilibre ni avec l’olivine hôte, ni avec l’olivine la plus proche de l’inclusion. Cette absence d’équilibre est certainement à relier avec les faibles concentrations en fer dans les verres après homogénéisation (Tableau 1). Toutefois, le liquide après homogénéisation a été analysé au cœur de l’inclusion et l’absence d’un profil de concentration dans le verre au contact de l’olivine n’a pas été vérifiée. Des profils existent sur de courtes distances (environ 5 µm) dans les inclusions vitreuses du Piton de Caille ; ils montrent un appauvrissement en FeO et en MgO, une augmentation en CaO et une diminution du rapport FeO/MgO lorsque l’on se rapproche de l’olivine. Si de tels profils sont également présents après homogénéisation, on peut alors envisager un équilibre Fe-Mg très local au contact olivine-liquide. Cependant, l’analyse au contact olivine-liquide dans des inclusions de la Chaîne des Puys n’avait montré aucun gradient de composition après chauffage (Jannot, 2005).

Mg Fe Liq Ol D K

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Figure 15. Evolution du entre l'olivine et l'inclusion à proximité de l'interface liquide-olivine. Le champ en grisé représente la valeur du (erreur 2σ comprise) à l'équilibre selon le modèle de Toplis (2005) pour les conditions P-T suivantes : 900°C et 3 kbar pour les inclusions cristallisées et 1250°C et 3-5 kbar pour les inclusions homogénéisées. Les erreurs sont reportées à 2σ.

Mg Fe Liq Ol D K Mg Fe Liq Ol D K

Verres résiduels Verres après homogénéisation Piton des Neiges Maurice Piton des Neiges Maurice

SiO2 59.99 61.88 47.65 50.05 TiO2 0.67 0.45 3.18 2.99 Al2O3 23.72 22.52 15.16 16.21 MnO 0.02 0.02 0.12 0.09 FeO* 1.44 1.27 6.91 5.24 MgO 0.70 0.68 9.44 8.39 CaO 4.29 3.43 13.20 12.44 Na2O 6.36 6.30 2.87 2.97 K2O 2.04 2.47 0.77 0.83 P2O5 0.77 1.44 0.51 0.49 Total 99.99 100.47 99.80 99.69

Tableau 1: Compositions chimiques des verres résiduels dans deux inclusions cristallisées et des verres homogénéisés dans deux inclusions après chauffage dans des olivines du Piton des Neiges et de l’île Maurice.

De même, le test de l’équilibre olivine-liquide vis-à-vis du partage du Ca (Libourel, 1999) montre un contraste entre les olivines non-chauffées et chauffées (Figure 16), avec une absence d’équilibre, même localement, entre les inclusions homogénéisées et les olivines adjacentes. Néanmoins, comme précédemment, nous ne pouvons pas exclure la présence d’un gradient de concentration de CaO dans l’inclusion à proximité de l’olivine. Il semble tout de même que, lors des expériences d’homogénéisation à ~ 1250°C, le temps de résidence à haute température soit trop court pour atteindre l’équilibre entre l’olivine et le liquide silicaté vis-à-vis de Fe-Mg et du Ca.

Les gradients compositionnels dans l’olivine au contact de l’inclusion sur de faibles distances (20 µm maximum) sont associés à la surcroissance d’olivine sur les parois de l’inclusion après le piégeage. Ils témoignent d’un taux de refroidissement rapide et concernent une échelle de temps courte à rattacher certainement à l’événement éruptif. En effet, dans ces conditions, l’interdiffusion FeO-MgO dans l’olivine autour de l’inclusion est minimale et le processus s’apparente à une cristallisation fractionnée sur les parois de l’inclusion. Il s’agit donc du dernier évènement de refroidissement qu’ait connu l’inclusion piégée dans l’olivine avant son arrivée en surface. Néanmoins, si l’olivine a connu une histoire complexe et prolongée de cristallisation et rééquilibration avec des temps de résidence relativement longs avant cet épisode de refroidissement brutal, les compositions du minéral hôte et de l’inclusion ont pu être fortement modifiées postérieurement au piégeage.

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Figure 16. Ln en fonction du Mg# des olivines dans les profils de compositions réalisés dans l'olivine à proximité de l'inclusion pour les échantillons de l'île Maurice et de Piton des Neiges. Le coefficient de partage du CaO entre l'olivine et le liquide silicaté est calculé selon le modèle de Libourel (1999) pour les systèmes contenant du fer; ce modèle prend en compte les effets des concentrations en CaO, SiO

Liq Ol CaO D* Liq Ol CaO D*

2, TiO2, alcalins dans le liquide sur les variations de la teneur en Ca dans l'olivine. La courbe représente la régression établie dans les liquides expérimentaux à l'équilibre avec l'olivine par Libourel (1999). Le champ en grisé indique l'erreur sur la régression (2σ = +/- 10%).

Lors du chauffage, les minéraux fils (amphibole et clinopyroxène) et l’olivine de surcroissance qui avaient cristallisé au cours du refroidissement se dissolvent dans le liquide. Ceci provoque une augmentation des concentrations en FeO, MgO et CaO dans le liquide et une diminution de la teneur en SiO2. Si l’on considère les valeurs publiées du coefficient d’interdiffusion Fe-Mg selon l’axe cristallographique c de l’olivine (Misener, 1974 ; Jurewicz et Watson, 1988 ; Chakraborty, 1997), on en déduit que, du fait du temps très court pour le transport par diffusion dans l’olivine hôte (expériences d’une à deux heures), les gradients compositionnels générés lors des expériences de chauffe concernent une très courte distance (5-10 µm). Les résultats observés dans les inclusions du Piton des Neiges et de l’île Maurice peuvent être comparés aux données et aux simulations numériques réalisées par Gaetani et Watson (2000). Leurs travaux montrent que lorsqu’une inclusion est chauffée à la "bonne" température (c’est-à-dire la température de liquidus avant l’éruption), sa composition est similaire à la composition avant l’éruption (Figure 17). En revanche, si la température atteinte au cours du chauffage est inférieure à la température de liquidus, la concentration de MgO dans le liquide et, dans une moindre mesure, celle de FeO, seront sous-estimées, tandis que la teneur en SiO2 sera légèrement surestimée (Gaetani et Watson, 2000 ; Figure 17). Si la température est trop élevée, les effets seront inversés. Les simulations avec un temps de

résidence de 24 ou 72 h à la même température prédisent les effets de l’échange avec l’olivine hôte sur la concentration en FeO dans le liquide : la teneur en FeO sera fortement sous-estimée dans le cas où la température d’homogénéisation est trop faible ; elle sera sursous-estimée lorsque la température lors de l’expérience est supérieure à la température de liquidus (Figure 17).

Figure 17. Graphes illustrant les effets du chauffage simulé d'une olivine sur la composition d'une inclusion magmatique (Gaetani et Watson, 2000). Les gradients compositionnels produits dans l'olivine sont présentés dans la figure 18. Le paramètre ∆Température représente l'écart entre la température de liquidus avant l'éruption et la température finale de chauffage. Le paramètre ∆Concentration représente la différence entre la composition de l'inclusion après chauffage et la composition pré-éruptive. Dans les simulations, l'inclusion et son olivine hôte sont chauffées à 100 °C/heure puis restent à la température maximale pendant (a) 0, (b) 24, ou (c) 72 h. Figure modifiée de Gaetani et Watson (2000).

L’observation de gradients compositionnels marqués dans les olivines du Piton des Neiges et de l’île Maurice ayant subi un chauffage (Figures 13 et 14) semblerait ainsi coïncider avec le cas d’inclusions chauffées à une température inférieure à la température de liquidus avant l’éruption (Figure 18) où l’on conserve un gradient sur une courte distance, caractéristique d’un refroidissement rapide lié à l’épisode éruptif. Cet écart de température avec la température pré-éruptive serait à l’origine d’une sous-estimation des teneurs en MgO et FeO dans l’inclusion. Nous pouvons alors émettre l’hypothèse que la température de 1250°C (en moyenne) à laquelle ont été chauffées les inclusions du Piton des Neiges et de l’île Maurice est inférieure à la véritable température d’homogénéisation. Il faut noter toutefois que des expériences réalisées à des températures de 1350°C montrent des gradients compositionnels inverses, ce qui traduit une surchauffe (vérifiée avec la mise en évidence de la dissolution d’une partie de l’olivine hôte dans les compositions d’inclusion). D’autre part,

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on peut également envisager que le temps de résidence à haute température devrait être plus long (24-48 h), afin d’approcher l’équilibre liquide-olivine. On observerait alors des gradients beaucoup moins prononcés dans l’olivine.

Figure 18. Graphes représentant la teneur en forstérite de l'olivine hôte en fonction de la distance au centre de l'inclusion. L'olivine montre un gradient de composition produit par simulation d'un refroidissement naturel rapide (anté-éruption ; courbe en tiretés) suivi d'un chauffage tel qu'il peut être opéré en laboratoire (Gaetani et Watson, 1999). Les courbes en trait plein représentent le chauffage jusqu'à des températures comprises en 75°C au-dessous et 75°C au-dessus de la température de liquidus avant l'éruption avec des incréments de 25°C entre chaque courbe. Les simulations ont été réalisées en chauffant l'inclusion et son olivine hôte à 100 °C/heure puis en laissant le système à la température maximale pendant (a) 0, (b) 24, ou (c) 72 h. Figure modifiée de Gaetani et Watson (2000).

En ce qui concerne les gradients contradictoires en Ca dans les olivines non homogénéisées du Piton des Neiges (Figure 13) et de l’île Maurice (Figure 14), ils pourraient s’expliquer par une diffusion du Ca entre l’inclusion et le liquide qui aurait débuté au cours du refroidissement dans le cas de Maurice, mais pas dans les olivines du Piton des Neiges. Cette différence peut être due à un taux de refroidissement légèrement plus lent pour les olivines de l’île Maurice. Lorsqu’on chauffe les olivines, la teneur en CaO augmente fortement dans le liquide inclus et l’olivine au contact avec ce liquide voit sa concentration en CaO augmenter. Néanmoins cette diffusion ne concerne qu’un volume réduit du fait d’une diffusivité plus lente du Ca selon l’axe cristallographique c de l’olivine par rapport au Fe et au Mg.

I.1.6.3. Démarche adoptée pour l’exploitation des analyses en éléments