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II. Etude des inclusions magmatiques dans le contexte de ride médio-

II.3. Etude des inclusions magmatiques dans un basalte de la ride médio-

II.3.1. Contexte géologique de la zone FAMOUS

La zone FAMOUS est située sur la vallée axiale de la ride médio-Atlantique à 36°50’N (Figure 40). La ride médio-Atlantique est une ride lente, avec un taux d’ouverture de 2 cm/an. Cette région de 15 km² a fait l’objet d’un échantillonnage intense par dragage et submersible sur le plancher intérieur et les murs adjacents de la vallée lors du projet French American

Mid-Ocean Undersea Study (1977). L’échantillon retenu ARP73-10-03 provient du flanc Est

du volcan Mont Venus dans la zone de rift central (36°50.0’N, 33°15.0’W). La bathymétrie de cet échantillon était environ de 2500-2600 m.

Figure 40. Localisation de la zone FAMOUS. Figure modifiée de Frey et al. (1993).

Les études antérieures sur la zone FAMOUS ont montré la variabilité en éléments majeurs et traces des laves (Langmuir et al., 1977 ; White et Bryan, 1977 ; Bender et al., 1978 ; Bryan, 1979 ; Le Roex et al., 1981 ; Frey et al., 1993). Ce sont des tholéiites à olivine ou à quartz normatifs qui ont été subdivisées en plusieurs groupes tels que les basaltes à olivine, les basaltes à phénocristaux de plagioclase ou de plagioclase + pyroxène et les basaltes picritiques. Les études pétrologiques ont montré que l’olivine est la phase au liquidus pour des pressions comprises entre 1 atm et 1.5 GPa ; elle est remplacée par le clinopyroxène aux pressions supérieures (Bender et al., 1978). Le fractionnement de plusieurs phases (clinopyroxène à des pressions > 1.5 GPa, puis olivine et plagioclase) peut expliquer en grande partie la variabilité en éléments majeurs des verres basaltiques (Frey et al., 1993). Néanmoins, la variabilité en TiO2 et Na2O nécessitent la présence de magmas primaires différents (Bender et al., 1978 ; Le Roex et al., 1981). Selon Le Roex et al. (1981), les

différents magmas parentaux dériveraient de différents degrés et de différentes pressions de fusion du manteau à l’aplomb de la ride.

La région de FAMOUS se situe dans une zone de transition géochimique dans laquelle les concentrations en terres rares dans les basaltes sont intermédiaires entre des tholéiites de ride de type N-MORB (MORB "normaux" avec des rapports La/Sm normalisés aux chondrites ~0.6) et des tholéiites enrichies que l’on trouve à proximité des îles des Açores ((La/Sm)N ~ 2-3 ; Schilling, 1975). Ce caractère transitionnel est visible également dans les rapports 87Sr/86Sr ~ 0.70287-0.70347 (Dupré et al., 1981). Néanmoins, le mélange entre le manteau appauvri à l’aplomb de la zone et le matériel enrichi du panache des Açores (White et Schilling, 1978 ; Dupré et Allègre, 1980) n’a pas été clairement mis en évidence au niveau de la zone FAMOUS (White et Bryan, 1977 ; Dupré et al., 1981).

Les variations de compositions en éléments traces dans les verres basaltiques de la zone FAMOUS ont été interprétées par Langmuir et al. (1977) comme le résultat d’un processus complexe de fusion "dynamique" d’une source homogène (Figure 41). Lors de ce processus, des liquides produits à différents degrés de fusion et différentes pressions lors d’un processus de fusion continue se mélangent et sont caractérisés par des enrichissements très variables en éléments les plus incompatibles. Ce modèle permettrait également d’expliquer deux particularités chimiques des verres de la zone FAMOUS : le croisement des spectres de terres rares et le découplage des compositions en éléments majeurs et traces (Langmuir et al., 1977).

L’homogénéité de la source est également suggérée par les données isotopiques en

87Sr/86Sr et 230Th/232Th (White et Bryan, 1977 ; Condomines et al., 1981). En revanche, il semble exister une hétérogénéité du manteau sous la zone FAMOUS concernant le système Re-Os, puisqu’une gamme de valeurs du rapport 187Os/186Os de deux basaltes a été reportée (Roy-Barman et al., 1998). Cette variation dans les compositions 187Os/186Os ne peut cependant pas être sans conteste rattachée à une hétérogénéité de source, mais peut résulter d’un fractionnement exceptionnel du rapport chimique Re/Os entre les phases constitutives des MORB (Gannoun et al., 2004).

II. Etude des inclusions magmatiques dans le contexte de ride médio-océanique

Figure 41. Modèle de fusion proposé par Langmuir et al. (1977) pour reproduire les spectres de terres rares (non normalisés) des basaltes de la zone FAMOUS. a) Modèle de fusion à l'équilibre : spectres de terres rares des liquides dérivés de 8, 15 et 25% de fusion d'un manteau appauvri. b) Modèle de fusion continue dans lequel l'extraction des liquides est continue avec une proportion de 5 % de liquide en permanence retenue dans le résidu. c) Modèle de fusion dynamique. Ce modèle de fusion est une combinaison de plusieurs événements : mélange de liquides issus de taux de fusion variables au cours de processus de fusion à l'équilibre et/ou continue, rééquilibrage des liquides produits avec le manteau lors de leur transport et cristallisation fractionnée. Ce modèle permet de reproduire les caractéristiques de laves de la zone FAMOUS, en particulier le croisement des spectres de terres rares, la variation du rapport La/Yb et l'absence de corrélation entre les terres rares légères et lourdes. Figure modifiée de Langmuir et al. (1977).

Deux études ont été menées sur les inclusions magmatiques piégées dans des olivines

Fo88-91 (Shimizu, 1998) ou des spinelles chromifères (Kamenetsky, 1996) de basaltes

picritiques de la zone FAMOUS. Les inclusions piégées dans les spinelles de l’échantillon ARP73-10-03 (même échantillon que notre étude) permettent un accès aux magmas primitifs à l’origine des basaltes émis en surface. Les spinelles sont présents sous la forme de cristaux dans le verre matriciel et en inclusions dans les phénocristaux d’olivine. Les inclusions magmatiques présentent une grande variabilité des compositions en éléments traces, et plus précisément en éléments les plus incompatibles, qui recouvre le champ des MORB (Kamenetsky, 1996 ; Figure 42). Un processus de fusion continue d’une source issue d’un mélange dans des proportions variables entre le manteau source des MORB et le manteau non

différencié, suivi d’un mélange des liquides produits à différentes profondeurs et différents degrés de fusion, semble reproduire les spectres des compositions en traces des inclusions magmatiques (Kamenetsky, 1996).

Figure 42. Compositions en éléments traces normalisées au manteau primitif des inclusions piégées dans des spinelles du basalte ARP73-10-03 de la zone FAMOUS (traits pleins ; Kamenetsky, 1996). Les deux spectres les plus enrichis proviennent de deux inclusions situées dans un même cristal de spinelle. Les compositions des verres basaltiques de la zone FAMOUS sont reportées pour comparaison (champ grisé), ainsi que les spectres caractéristiques de N- et E-MORB (traits pointillés). Les inclusions magmatiques d'un unique échantillon couvrent une gamme de compositions en éléments très incompatibles plus large que celle des verres de toute la zone. Figure modifiée de Kamenetsky (1996).

L’étude des inclusions piégées dans les phénocristaux d’olivine d’un autre échantillon picritique (ALV519-4-1) a montré également la grande diversité chimique des liquides sur le lieu de cristallisation de l’olivine (Shimizu, 1998). L’auteur a interprété cette variabilité comme le résultat de l’interaction chimique entre les liquides silicatés et le manteau lors de la migration vers la surface (Figure 43 ; Kelemen et al., 1997 ; Shimizu, 1998).

II. Etude des inclusions magmatiques dans le contexte de ride médio-océanique

Figure 43. Interaction liquide/manteau entre un magma primaire et une péridotite (Kelemen et al., 1997). Ce modèle permet d'expliquer l'enrichissement en terres rares légères dans des inclusions magmatiques piégées dans les olivines d'un MORB de la zone FAMOUS (Shimizu, 1997). Dans ce modèle, un processus d'AFC est réalisé entre le liquide initial de MORB et un réactant solide de type harzburgite (ayant la composition minéralogique suivante : 63% olivine, 23% orthopyroxène, 9% clinopyroxène et 5% spinelle) produit par 15% de fusion fractionnée du manteau source des MORB. Le rapport de masses solide réactant/solide produit, Ma/Mc, est fixé à 0.97. Les proportions des phases solides sont maintenues constantes. Les résultats sont reportés pour des valeurs de F (fraction massique de liquide initial) variant entre 1 et 0.1. Les compositions d'inclusions encerclées sont bien reproduites par un processus de fusion partielle d'une lherzolite à spinelle, et le modèle d'interaction liquide/encaissant explique le reste de la variation chimique dans les inclusions. Figure modifiée de Kelemen et al. (1997).