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Microscopie SHG résolue en polarisation (P-SHG)

Chapitre 2 – Les techniques d’observations

II. Microscopie multiphoton

2. Microscopie SHG résolue en polarisation (P-SHG)

Figure 6 : Diagrammes de Jablonski simplifiés de la diffusion de Rayleigh et de la SHG.

La SHG est un processus cohérent de diffusion non linéaire de deux photons de même fréquence ω (ω < ωrésonnance) qui permet de générer un photon de fréquence 2ω (voir figure 6). Les phénomènes de diffusion de la lumière par la matière peuvent être abordés ici par un modèle classique. On s’intéresse plus particulièrement à l’interaction entre les photons incidents et les électrons d’un harmonophore. Lorsque l’on applique un champ électrique E, les électrons se déplacent sous l’action de la force de Lorentz. On peut alors les décrire comme des dipôles électriques p composés d’un moment dipolaire permanent p0 (inhérent à la molécule) et d’un moment dipolaire p(E) induit par le champ électrique incident.

p = p0 + p(E)

où p(E) décrit la déformation du nuage électronique de l’harmonophore en réponse au champ incident. Par un développement en série de Taylor, en fonction de E, on obtient alors :

p(E) = α : E + β : EE + γ : EEE + ...

où α est le tenseur de polarisabilité du nuage d’électron et β et γ sont respectivement les tenseurs d’hyperpolarisabilité du second et troisième ordre. On peut décrire alors deux comportements :

- le champ E appliqué est faible. Les électrons oscillent autour de leur position d’équilibre dans un puits de potentiel harmonique. On observe une diffusion élastique des photons ou diffusion de Rayleigh (voir figure 5). Il s’agit du comportement linéaire du nuage électronique vis à vis d’un champ électrique incident. p(E) se compose donc uniquement du premier terme de polarisabilité, α.

- le champ E appliqué est intense. Les électrons oscillent maintenant dans un potentiel anharmonique. Afin de décrire leur réponse sous l’effet du champ E, il est nécessaire d’introduire des termes d’ordre supérieur. Les termes β : EE et γ : EEE sont respectivement à l’origine de la génération de seconde et troisième harmonique. Dans le cas d’un potentiel anharmonique symétrique, p(E) se compose seulement des termes pairs de la série de Taylor. Ces termes pairs correspondent aux harmoniques multiples impaires de ω (ex : THG). Par conséquent, pour générer un signal de SHG, l’harmonophore doit nécessairement être non-centrosymétrique.

b - De la molécule à l’ensemble d’harmonophores.

Au niveau du volume d’excitation, les champs diffusés simultanément par les différents harmonophores vont interférer. Or la phase du champ diffusé à 2ω dépend de l’orientation de l’harmonophore. Considérons tout d’abord un exemple simple : l’observation de deux harmonophores (voir figure 7). Si les deux harmonophores sont orientés parallèlement, leurs signaux SHG ont la même phase et ils interférent de manière constructive. L’intensité du champ diffusé est alors quatre fois plus élevée que pour une molécule unique.

Au contraire, pour deux harmonophores antiparallèles, les signaux SHG générés sont en opposition de phase. Par conséquent, ils interférent de manière destructive : l’intensité du champ diffusé est nulle.

Figure 7 : Effet de l’orientation des harmonophores sur le signal SHG : cas de deux harmonophores orientées parallèlement (interférences constructives) ou anti-parallèlement (interférences destructives).

Figure 8 : Illustration d’un milieu permettant la SHG (a, milieu organisé) ou la diffusion hyper-Rayleigh (b, milieu isotrope) (d’après [1]).

Considérons maintenant le cas de N molécules réparties dans le plan de l’image. On peut alors distinguer deux situations (voir figure 8) :

- Les harmonophores ont une orientation aléatoire. La phase du champ diffusé dépend de l’orientation des harmonophores. Statistiquement, on observe donc la diffusion non-cohérente d’un champ émis à 2ω. Elle porte le nom de diffusion Hyper-Rayleigh et son intensité est proportionnelle au nombre N de diffuseurs. Comparée à la SHG, la diffusion Hyper-Rayleigh est un phénomène d’intensité négligeable. - Les harmonophores sont orientés selon la même direction. Les

champs diffusés par les harmonophores sont tous en phase. On observe alors la somme cohérente de tous ces champs que l’on nomme génération de seconde harmonique. L’intensité du signal SHG est Onde incidente (ω) Onde diffusée (2ω) Interférences Intensité

I

4 x I

proportionnelle au carrée du nombre N de diffuseurs. C’est l’une des caractéristiques des rayonnements cohérents.

Pour conclure, la SHG est un processus cohérent dont la génération est soumise à la condition de non-centrosymétrie. Cette condition concerne à la fois la structure des harmonophores mais aussi leur répartition spatiale. C’est également cette condition qui est à l’origine de la spécificité du signal SHG. De plus, afin d’être efficace, la SHG requiert une haute densité de diffuseurs dans le volume d’excitation. Ces caractéristiques font de la microscopie SHG une technique de choix afin d’observer l’organisation des phases cristallines liquides lyotropes d’harmonophores.

c – Le collagène, un harmonophore endogène.

Les molécules de collagène, organisées sous forme de phases cristallines liquides [6] ou insérées au sein d’une fibrille [7], sont capables de générer un signal SHG. On notera qu’il s’agit dans les deux cas de systèmes denses en harmonophores pour lesquels la condition de non-centrosymétrie est respectée. Il n’est d’ailleurs pas possible d’observer une molécule unique de collagène par SHG, la densité de groupements diffusants étant trop faible. Le diffuseur élémentaire, au sein de la triple hélice, est la liaison peptidique [1, 4]. La microscopie SHG permet, par ses spécificités explicitées ci-dessus, de sonder l’organisation tridimensionnelle des liaisons peptidiques en prenant en compte la structure hiérarchique des assemblages de collagène (voir figure 9). Dans le cadre de cette thèse, nous avons utilisé la microscopie SHG afin d’observer des phases cristallines-liquides de collagène non fibrillé (cf Partie B – Chapitre 2). Nous nous sommes donc placé à l’échelle de la triple hélice. Cette dernière peut être assimilée à un cylindre sur lequel sont régulièrement diposées les liaisons peptidiques. Nous avons également analysé des matrices fibrillées (cf Partie B – Chapitre 3).

d – Effet de l’orientation du collagène sur l’intensité du signal SHG.

A densité égale dans le volume d’excitation, et pour des harmonophores orientés dans le même sens, il y aura plus de signal si les harmonophores sont alignés avec la polarisation incidente.

En appliquant une polarisation circulaire à E (dans le plan de l’image), on peut s’affranchir de l’effet de l’orientation moyenne des triples hélices sur l’intensité du signal SHG (voir infra). Le signal SHG enregistré est alors, en première approximation, proportionnel à , où ψ est l’angle des triples hélices par rapport au plan de l’image (voir figure 9), appelé aussi angle hors plan. On remarque que le signal SHG est d’autant plus atténué que l’angle ψ est important. Pour un ensemble de triples hélices perpendiculaires au plan de l’image, l’intensité SHG est alors théoriquement nulle.

Cette méthode d’imagerie nous a permis de discriminer différents types de phases cristallines liquides [9]. Toutefois, pour obtenir des informations sur

(9a) : Excitation avec une polarisation

linéaire à différents angles θ (9b) : Diagramme d’intensité (allure pour le collagène) I(θ)

l’orientation des triples hélices, il est nécessaire d’avoir recours à la SHG résolue en polarisation ou P-SHG.

Figure 9 : Effet de l’angle hors plan ψ sur l’intensité du signal SHG. Au centre, image en microscopie SHG d’une phase cristalline liquide de collagène. A l’aide du profil d’intensité à droite, on identifie une phase organisée en contre-plaqué (voir Partie II-Chapitre 2). Le collagène est alternativement dans le plan de l’image ou perpendiculaire au plan de l’image (d’après [4]).

e – Microscopie SHG résolue en polarisation.

Figure 10 : Principe des mesures résolues en polarisation et diagramme angulaire typique du collagène (d’après [4]).

De manière simple, la P-SHG consiste à combiner la microscopie en lumière polarisée avec la microscopie SHG. En pratique, on excite l’échantillon avec un champ incident de polarisation linéaire et d’orientation θ (voir figure 10a). L’intensité SHG est mesurée pour chaque angle θ ce qui revient à sonder

θ

l’orientation des fibrilles dans le volume d’excitation. On peut alors représenter le diagramme angulaire d’intensité SHG en fonction de l’orientation de la polarisation (voir figure 10b). La forme atypique de ce diagramme est dûe à la non-linéarité du processus de SHG.

Claire Teulon a effectué, au cours de sa thèse [4, 5], un calcul analytique de l’intensité SHG en fonction de la polarisation incidente. Elle est parvenue, dans le cadre de la symétrie de Kleinman, à l’expression suivante :

où :

- Iω et I sont respectivement les intensités du champ incident et du signal SHG.

- θ est l’orientation de la polarisation incidente.

- φ est l’orientation moyenne dans le plan de l’image des triples hélices contenues dans le volume focal (voir figure 11).

- A(ψ), B(ψ) et C(ψ) sont des paramètres dépendant de ψ, l’angle hors plan des triples hélices de collagène.

Figure 11 : Angles φ et ψ caractérisant l’orientation moyenne des triples hélices dans le volume focal (d’après [4]).

En ajustant la transformée de Fourrier de I(θ) avec cette expression, on peut directement obtenir l’orientation φ des molécules de collagène dans le plan de l’image. A partir des paramètres A(ψ), B(ψ) et C(ψ), on peut également en déduire deux autres informations [4, 5] :

- L’intensité SHG moyenne, paramètre mesuré aussi en microscopie SHG. - Le paramètre d’anisotropie, ρ.

L’intensité SHG et ρ dépendent tous les deux de l’orientation 3D des harmonophores et du desordre. Si on considère une phase cristalline liquide, les triples hélices y sont localement orientées le long d’une direction moyenne ou directeur (cf Partie II). Le désordre correspond alors à un écart au directeur.

Pour résumer, la microscopie P-SHG est une technique sélective des milieux denses et organisés (non-centrosymétriques) qui nous permet d’observer les phases cristallines liquides du collagène de type I. L’utilisation de

processus non-linéaire confère une résolution 3D intrinsèque à ce mode d’imagerie. Par la polarisation, nous pouvons aussi déterminer l’orientation moyenne des triples hélices dans le volume d’excitation (1 μm3) et ce en chaque point du volume 3D de l’échantillon (par déplacement du volume d’excitation). Enfin, elle peut être couplée à la 2-PEF, nous donnant ainsi accès à la concentration moyenne en collagène et en gélatine. Il s’agit donc d’un outil d’analyse d’une puissance extraordinaire adapté à l’étude de ces systèmes complexes.

f – Description du microscope.

Figure 12 : Schéma du microscope (d’après [4]).

Le microscope utilisé a été conçu au LOB par Emmanuel Beaurepaire. Son schéma de principe est représenté en figure 12. Il est piloté par un programme Labview. Une modification de ce programme, permettant le contrôle de la

polarisation du champ incident, a été mise en place par Ivan Gusachencko, Gaël Latour, Claire Teulon et Marie-Claire Schanne-Klein.

La configuration utilisée pour toutes les expériences permet une imagerie multimodale SHG/PEF. Les signaux sont collectés vers l’avant (transmission 2-PEF, F-SHG) ou en épidétection vers l’arrière (B-SHG). L’image est réalisée pixel par pixel en balayant le volume d’excitation dans l’échantillon. La focalisation se fait avec un objectif à forte ouverture numérique pour que le volume d’excitation soit le plus petit possible.