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Le collagène de type I, une protéine fibrillaire

Chapitre 3 – Des phases cristallines-liquides aux matériaux organisés

I. Le collagène de type I, une protéine fibrillaire

La fibrille de collagène est un assemblage unidirectionnel de tropocollagène pouvant attendre 1 cm de longueur et dont le diamètre excède rarement 500 μm [1]. Elle se distingue de toutes les autres fibrilles biologiques par sa périodicité axiale caractéristique de 67 nm encore appelée période D (voir figure 1 – fibrille en cryoTEM). Cette périodicité peut être observée par AFM, diffraction aux rayons X ou encore en microscopie électronique [2].

Figure 1 : Fibrilles de collagène de type I observées au cryo-TEM. Sur chaque fibrille, on distingue une striation périodique, la période D de 67 nm (voir zoom).

Ce « motif » particulier découle directement de la disposition axiale du collagène au sein de la fibrille. Selon le modèle proposé par Petruska et al. [3], les molécules de collagène sont alignées le long de l’axe de la fibrille avec un décalage périodique δ tel que :

δ = k x 67nm avec k, un entier naturel non-nul (voir figure 2).

La molécule de collagène mesurant 4,4 période D (300 nm), il existe donc un espace ou « gap » entre deux molécules de collagène consécutive. En projetant cette structure, on distingue alors deux types de régions :

D-Period overlap

gap

- Les régions pauvres en électrons qui correspondent à la projection de portions de fibrille comprenant des « gaps ».

- Les régions riches en électrons qui correspondent à la projection de portions de fibrille ne comprenant que des morceaux de tropocollagène.

Figure 2 : Organisation axiale des fibrilles de collagène selon le modèle de Petruska et al. Les molécules de collagène, alignées le long de l’axe de la fibrille, sont périodiquement décalées d’une distance δ multiple de 67 nm. La présence d’un « gap », entre deux molécules de collagène consécutives, est l’origine de régions riche (overlap) et pauvre (gap) en électrons. C’est l’alternance de ces régions que l’on observe en microscopie électronique ou en diffraction aux rayons X (d’après [4]).

L’organisation transverse de la fibrille est un sujet qui fait encore débat. Actuellement, le modèle accepté correspond à une disposition des molécules de tropocollagène au sein d’un réseau quasi-hexagonal. Ce modèle a été raffiné par Hulmes et al. afin de concilier cette structure cristalline avec la forme cylindrique de la fibrille [5]. Pour Hulmes et al., des zones parfaitement organisées et disposées radialement sont séparés par des régions amorphes (voir figure 3). La proportion de zones cristallines et de zones amorphes varie d’ailleurs fortement d’un tissu à un autre sans qu’aucune explication n’ait été apportée [2].

Enfin, Orgel et al. [17] ont depuis apporté des précisions sur une sous-structure de la fibrille : la microfibrille. Selon le modèle d’Orgel, les molécules de tropocollagène s‘associent par cinq en une super-hélice droite. C’est cet assemblage torsadé que l’on nomme microfibrille et qui serait en fait disposé au sein du réseau quasi-hexagonal. La continuité de la fibrille et l’impossibilité d’isoler une microfibrille à partir d’un tissu s’explique par l’interdigitation de ces dernières.

Figure 3 : La molécule de collagène est considérée comme étant constituée de cinq segments de longueur D (67 nm). Le cinquième segment est par conséquent plus court. Les microfibrilles, une sous structure de la fibrille composée de cinq molécule de collagène, sont représentés en orange. Pour décrire l’organisation transverse des fibrilles de collagène, Hulmes et al. ont proposé un modèle comprenant des régions cristallines séparées par des zones amorphes. La présence de zones désorganisées permet de concilier une structure cristalline avec la forme cylindrique de la fibrille. Dans l’encart à droite, le tropocollagène est disposé au sein d’un réseau quasi-hexagonal. (d’après [8]).

Figure 4 : Structure « Double twist » proposée par Bouligand et al. pour décrire l’organisation transversale des fibrilles. Cette structure est également employée pour décrire un type particulier de mésophases : les phases bleues (d’après [9]). Un autre modèle, décrit par Bouligand et al. [6] et récemment repris par

Brown et al. [7], permet de lier la formation des fibrilles au comportement de

Triple hélice de collagène

D

mésogène du collagène. L’arrangement transversal des molécules de collagène serait en fait similaire à une configuration dite en « double twist » (voir figure 4). Ce type de configuration est également utilisé pour décrire certaines mésophases : les phases bleues. D’une manière similaire aux mésophases de collagène produites in vitro, la forme et la taille des fibrilles dépend des conditions physico-chimiques rencontrées dans chaque tissu [1, 7].

2 – Quelques généralités sur la fibrillogenèse.

Une des particularités du collagène de type I est sa capacité à former spontanément des fibrilles en condition physiologique. Après avoir été excrété de la cellule, les macromolécules de tropocollagène, débarassées de leurs propeptides, sont incorporées aux fibrilles préexistantes de la matrice extracellulaire. In vivo, la fibrillation du collagène est donc contrôlée par l’action d’enzymes (cf Partie I – Chapitre 1). Toutefois, la forme sous laquelle ces molécules sont associées à la matrice extracellulaire fait encore débat.

Canty et al. [10] ont observé la présence de fibrilles de collagène au sein même de fibroblastes d’embryon, démontrant que le clivage des propeptides et la fibrillogenèse peut débuter lors du transport entre l’appareil de Golgi et la membrane plasmique. Ils ont également identifié une nouvelle structure cellulaire : le « fibripositor ». Cette extrusion de la membrane plasmique permettrait à la cellule d’orienter et placer les nouvelles fibrilles de collagène qu’elle contient avant de les sécréter dans l’espace extracellulaire. La fibrillogenèse intracellulaire et les « fibripositor » n’ont cependant été observés qu’au niveau du tendon d’embryon de poulet, jamais dans un tissu adulte [11].

In vitro, la fibrillogenèse peut-être induite en modifiant le pH ou encore la

force ionique. En partant d’une solution acide de triple hélice de collagène, il est possible de déclencher la fibrillogenèse en augmentant le pH de la solution vers des valeurs comprises entre pH=6 et pH=10. Dans cette gamme de pH, la charge nette du collagène est quasiment nulle (pH = pI). La solubilité du collagène dans l’eau devient alors très faible et les molécules s’associent par cinq pour former des agrégats : les microfibrilles. Ce sont ces microfibrilles qui s‘associent par la suite pour donner la fibrille de collagène [1, 2].

La fibrillogenèse est un procédé essentiellement d’origine entropique puisque l’association des molécules de collagène permet de libérer une quantité importante de molécules d’eau de structure [12]. La formation des fibrilles est également facilitée par l’établissement de liaisons hydrogènes entre les résidus polaires [13] et de liaisons de Van der Waals entre les résidus hydrophobes du collagène [14].

La fibrillogenèse reste toutefois encore mal comprise [2]. Par exemple, il a été démontré que les télopeptides catalysent l’alignement du collagène et la nucléation des microfibrilles [15]. Cependant, ce rôle des télopeptides n’a toujours pas été expliqué.