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La cicatrisation, un processus physiologique complexe

Avant de discuter des processus biologiques qui conduisent à la survenue d’une plaie chronique, nous allons décrire la réponse naturelle de l’organisme face à une plaie cutanée : la cicatrisation.

La cicatrisation est un processus en trois phases : - La phase inflammatoire.

- La phase de formation du nouveau tissu. - La phase de remodelage du tissu.

a – Phase inflammatoire.

Cette phase débute immédiatement après l’apparition de la blessure par l’hémostase. Les plaquettes s’agrègent au niveau des parois lésées des capillaires pour former un premier caillot ou clou plaquettaire. Ce caillot est ensuite renforcé par l’activation du fibrinogène en fibrine et la formation d’une matrice de fibrine qui comble partiellement la blessure (voir figure 1-a). Ce processus est plus communément appelé la coagulation. Au sein du caillot, les plaquettes et les neutrophiles piégés sécrètent divers facteurs pour attirer les cellules de l’inflammation sur le site de la blessure [7]. Les produits de dégradation des bactéries présentes dans le lit de la blessure sont également des chémoattractants des cellules de l’inflammation [6].

Les premières cellules de l’inflammation à arriver au niveau de la blessure sont les neutrophiles. En profitant du flux sanguin, ils atteignent le caillot où ils sont activés par des signaux chimiques inflammatoires. Les neutrophiles traversent ensuite la paroi endothéliale (diapédèse) avant de s’infiltrer à travers le caillot. En quelques heures, on les retrouve dans le lit de la plaie où ils débutent le débridement des tissus dévitalisés ainsi que la phagocytose des bactéries. Pour accomplir ces tâches, les neutrophiles libèrent de grandes quantités d’agents antibiotiques (éicosanoïdes, R.O.S, peptides cationiques, etc.) ainsi que des protéases. Dans les conditions physiologiques, les neutrophiles ne sont plus présents dans la plaie 72 heures après le début de la phase inflammatoire.

Après deux jours, les monocytes commencent à coloniser le caillot. Au cours de la diapédèse, ils se différencient alors en macrophages matures. Leur fonction est de terminer le débridement et de nettoyer la plaie des débris de bactéries et de neutrophiles. Les macrophages ont également un rôle dans la formation du nouveau tissu puisqu’ils sécrètent de nombreux facteurs de croissance qui promeuvent la prolifération cellulaire et la synthèse d’une nouvelle matrice extracellulaire.

Les mécanismes induisant la résolution de l’inflammation in vivo ne sont pas encore très bien compris. Une des hypothèses les plus crédibles est lié au phénotype des macrophages.

Figure 1 : Les 3 phases de la cicatrisation cutanée : la phase inflammatoire (a), la phase de formation du nouveau tissu (b) et la phase de remodelage (c). En a, la phase inflammatoire 24h après la blessure. Cette phase débute immédiatement après l’apparition de la blessure et dure environ 48h. La plaie est alors un milieu hypoxique dans lequel s’est formé un caillot de fibrine et de plaquettes. Les neutrophiles migrent vers le lit de la plaie pour phagocyter les bactéries et ôter les tissus dévitalisés. En b, la phase de formation du nouveau tissu entre 5 et 10 jours après la blessure. Une croûte s’est formée à la surface de la blessure et de nouveaux vaisseaux sanguins ont bourgeonné dans le tissu de granulation. On observe également la migration de cellules épithéliales sous la croûte. En c, la phase de remodelage entre 1 mois et 1 an après la survenue de la blessure. Les fibroblastes du tissu de granulation ont progressivement remplacé la fibrine par une matrice désorganisée de collagène. Une partie de ces fibroblastes s’est différencié en myofibroblastes et a induit la contraction du tissu cicatriciel en surface.

Il a été démontré in vitro qu’un macrophage de phénotype « pro-inflammatoire » voit son phénotype changer lorsqu’il phagocyte des neutrophiles apoptotiques. Il devient alors un macrophage présentant un phénotype « anti-inflammatoire ». Ce changement de phénotype pourrait être à l’origine de la résolution de l’inflammation in vivo [8].

b – Phase de formation du nouveau tissu.

Cette phase débute deux jours après la survenue de la blessure et dure environ une semaine. Elle est tout d’abord caractérisée par des phases de migration et de prolifération cellulaire :

- Les macrophages sécrètent des facteurs de croissance qui favorisent l’angiogenèse (ex : VEGF, PDGF). On observe alors un bourgeonnement de nouveaux capillaires sanguins à travers le caillot. La progression des capillaires est facilitée par l’activité fibrinolytique de cellules endothéliales. De manière concomitante, les fibroblastes synthétisent une nouvelle matrice riche en collagène de type III et désorganisée. Ce phénomène de remodelage et de vascularisation du caillot est appelé « la granulation ».

- Les kératinocytes, en bordure de la plaie, migrent sous la croute (la partie séchée et superficielle du caillot) en utilisant le nouveau tissu de granulation comme substrat. Ces cellules, en se rejoignant au centre de la plaie, forment alors le nouvel épithélium. C’est l’épithélialisation. Au cours de cette étape, on observe le rétablissement de la jonction dermo-épidermique (membrane basale).

Dans un second temps, on observe une rétraction de la partie supérieure de la plaie induite, en grande partie, par la contraction des myofibroblastes. Les myofibroblastes sont des fibroblastes différenciés sous l’action des macrophages. c – Phase de remodelage.

Cette phase commence environ un mois après la survenue de la blessure et dure au moins un an. Elle débute tout d’abord par une phase de régulation où tous les processus engagés au cours de la cicatrisation sont progressivement arrêtés. Les myoblastes, macrophages et cellules endothéliales entrent alors en apoptose, ou quittent le nouveau tissu. Le tissu cicatriciel mature est donc quasiment acellulaire et peu vascularisé.

Dans un second temps, on observe un remplacement progressif du collagène III par le collagène de type I. Au cours de ce processus, les fibroblastes opèrent également une réorganisation de la matrice, puisqu’on constate que les nouvelles fibrilles de collagène sont orientées selon des directions privilégiées [9].

Toutefois, le tissu cicatriciel, même mature, ne récupère jamais les propriétés mécaniques, fonctionnelles ou esthétiques du tissu initial.