• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Acquisition et traitement des données expérimentales

2.5 Microscopie à force atomique

L’utilisation première de la microscopie à force atomique (AFM) a été l’analyse topographique tridimensionnelle des surfaces, avec une très haute résolution pouvant aller jusqu’à la résolution atomique. Cette technique est aussi capable de donner des informations sur les propriétés de surface : propriétés viscoélastiques, études tribologiques, mesure de forces d’adhésion, possibilité d’imager les composantes magnétiques ou électriques.

Le principe de l'AFM est de mesurer les différentes forces d’interaction entre une pointe idéalement atomique fixée à l’extrémité d’un bras de levier et les atomes de la surface d’un matériau (forces de répulsion ionique, forces de van der Waals, forces électrostatiques, forces de friction, forces magnétiques...). La mesure de la déflexion du levier sur lequel est montée la pointe donne une mesure directe de ces forces d’interactions, et donc de la distance pointe-surface. Ceci, effectué en chaque point de la surface grâce au balayage de la pointe, donne accès à la topographie de cette surface.

La déflexion du bras levier est suivie en positionnant un faisceau laser sur sa face supérieure, le faisceau est réfléchi sur un miroir puis tombe sur des photodétecteurs qui enregistrent le signal lumineux. Les déplacements x,y,z se font grâce à une céramique piézo-électrique. Le balayage en x,y peut aller de quelques nanomètres à 140μm alors que le déplacement en z peut aller jusqu’à 3.7μm avec une sensibilité de l’ordre de la fraction de nanomètre.

Il existe principalement deux modes d’utilisation de l’AFM :

- Le mode contact, où les principales forces d’interaction entre la pointe et la surface sont des forces répulsives de très courte portée (quelques nm au maximum). C’est dans ce mode qu’est obtenue la résolution atomique. En mode contact, deux modes d’imagerie sont possibles : le mode hauteur et le mode force.

- Les modes résonants. Parmi ceux-ci, le mode modulation d’amplitude, ou « tapping mode », est le mode le plus utilisé, mais également le mieux adapté à l’observation des imogolites en raison de leur fragilité (Tani, et al., 2004). Dans ce mode, la pointe ne vient en effet que périodiquement en contact avec l'échantillon et les forces de friction sont ainsi évitées,

65 limitant l’endommagement des structures. En surface de l’échantillon, le levier oscille près de sa fréquence de résonance, à une amplitude suffisamment élevée (typiquement supérieure à 20 nm) de façon à ce que la pointe traverse la couche de contamination habituellement présente sur toute surface analysée. La variation de l'amplitude d'oscillation est utilisée comme signal d'asservissement afin de corriger le déplacement en z, pour conserver l'amplitude constante et ainsi suivre la morphologie de surface. La résolution est un peu moins bonne que dans le mode contact mais la résolution moléculaire peut tout de même parfois être obtenue.

2.5.2 Préparation et observation des échantillons

2.5.2.1 Préparation

Dans le cas de l’observation de nanoparticules, la surface à observer est idéalement une monocouche de nanoparticules déposées sur une autre surface lisse, typiquement du mica. Le mode de préparation de l’échantillon, et en particulier du mode de dépôt des particules, est donc à optimiser de façon à bien obtenir une monocouche.

Les imogolites étant chargées positivement au pH de la solution (point de charge nulle vers 9-10 alors que les solutions dialysées sont vers pH 7), l’utilisation du mica (chargé négativement) comme support pour les dépôts est parfaitement adaptée. Des lames de mica de 1cm de diamètre sont clivées juste avant le dépôt de façon à n’avoir qu’un seul plan atomique en surface, et donc une surface parfaitement lisse à l’échelle atomique.

La lame de mica est ensuite plongée dans une solution d’imogolites diluée à environ 1g/L pendant un temps compris entre 5 et 10 minutes. Il s’agit des conditions idéales pour la visualisation d’un nombre suffisant de tubes séparés les uns des autres sur des images de 1µm×1µm (Figure 15).

Figure 15 : Effet de la variation de la concentration de la dispersion de nanotubes sur les conditions de visualisation.

Une concentration (ou un temps) trop élevée donne des tubes alignés que l’on ne peut pas mesurer séparément, tandis qu’une concentration trop faible demande un trop grand nombre d’images afin d’avoir une bonne statistique.

66 La lame de mica, une fois hors de la solution, est mise à sécher d’abord sous hotte à flux laminaire, puis une nuit à 60°C. L’étape de séchage à plus haute température permet d’éliminer un maximum de l’eau, ce qui réduit les probabilités que les particules collent à la pointe lors du balayage de celle- ci. Lorsque la pointe accroche une particule, les images présentent un même motif qui se répète en plusieurs endroits (Figure 16). Ce motif, qui est en fait l’image de la particule qui est accrochée à la pointe, perturbe le traitement des images, c’est pourquoi ce cas est à éliminer lorsque observé.

Figure 16 : Deux images AFM d’un même échantillon, mais en deux endroits différents de la surface.

Les deux images de ce même échantillon montrent un motif qui se répète plusieurs fois. Il s’agit d’une particule accrochée à la pointe, c’est pourquoi on retrouve ce motif sur deux images prises en deux endroits distincts de la surface.

2.5.2.2 Observation

Les échantillons sont observés en mode tapping avec une pointe µmasch de type NSC19/AIBS dont les caractéristiques sont résumées Tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques des pointes AFM utilisées

Min Typique Max Dimensions du levier (L×l×e) en µm 125×35×0.7 125×35×1 125×35×1.3 Fréquence de résonance en kHz 52 80 113 Constante de force en N/m 0.17 0.63 1.70

Rayon de courbure en nm 10

67 Une première image sur une zone de taille 5µm×5µm permet de vérifier l’état de la surface et de la monocouche, puis une dizaine de zones de taille 1µm×1µm sont observées de façon à visualiser un nombre suffisant de tubes différents (au moins 500) pour avoir une bonne statistique lors du traitement des images.

Les paramètres de scan sont définis par un accordage préalable de la pointe. Le nombre de pixels par ligne est de 512 et la fréquence de scan est comprise entre 0.5 et 1Hz.

2.5.3 Traitement des images

2.5.3.1 Mesures de dimensions

Un premier traitement des images consiste en l’aplanissement du fond. La hauteur est en effet mesurée par les variations relatives du levier autour de la valeur d’amplitude définie, et la présence par exemple d’une particule plus grosse est susceptible de fausser les mesures sur les autres particules voisines. Une fois ce traitement effectué, il est possible d’extraire les différentes dimensions des particules par des mesures en hauteur (z) et des mesures en xy, comme représenté Figure 17.

Figure 17 : Extraction des dimensions des particules à partir des profils en hauteur perpendiculairement et le long de l’axe du tube

10nm

5nm

-1 0 1 2 3 4 0 20 40 60 80 100 120 Longueur -1 0 1 2 3 4 20 30 40 50 60 70 80 Diamètre

68 La mesure en hauteur consiste en mesurer la variation de hauteur sur une section perpendiculaire à l’axe des tubes. Les tubes étant déposés sur la surface, cette mesure donne accès à leur diamètre. La précision sur cette valeur n’est pas impactée par la convolution de la pointe et est dépendante de la précision lors du calibrage du piezo. Dans notre cas elle est de l’ordre de 20%.

La mesure en xy se fait quant à elle le long de l’axe du tube et permet de mesurer la longueur. Cette mesure est fortement impactée par la convolution de la pointe, en particulier dans notre cas où les dimensions de la pointe sont de l’ordre de celles des particules. La valeur de la longueur est donnée par la longueur du palier que présentent ces profils. L’effet de la convolution de la pointe sur la mesure de longueur est représenté Figure 18.

Figure 18 : Effet de la convolution par la pointe sur les mesures de longueur de nanotubes

2.5.3.2 Modes de représentation des résultats

Deux modes de représentation seront utilisés pour l’analyse des données AFM.

Pour l’analyse globale de la structure, on utilise une représentation sur laquelle chaque tube est représenté par un point positionné selon sa longueur (en ordonnée) et son diamètre (en abscisse). Ce mode de représentation introduit récemment (Hubert, et al., 2010) permet de visualiser rapidement si diamètre et longueur sont corrélés ou encore s’il y a en solution plusieurs populations de tubes de structures différentes.

Ensuite, les longueurs seront analysées à partir d’histogrammes donnant la distribution de longueur. Pour cela, les tubes sont regroupés en famille de même longueur à plus ou moins 2.5nm près, avec une précision dépendant du nombre de pixels par image. Cette représentation demande une statistique suffisante en nombre de tubes pour qu’elle soit pertinente. Typiquement, un minimum de 15 tubes par famille sera requis pour que la distribution soit bien représentative de l’ensemble de l’échantillon.

2.5.4 Limites de la microscopie AFM

2.5.4.1 Convolution par la pointe

La pointe utilisée ayant des dimensions proches de celles des nanoparticules observées (10nm pour le bout de la pointe et 5 nm de diamètre environ pour les tubes), les images obtenues sont fortement convoluées par la pointe.

69 Au niveau des mesures de longueur, cette convolution complexifie la mesure (voir précédemment), mais rend aussi difficile les mesures de petite longueur. En effet, pour mesurer correctement une longueur, il faut que le profil de hauteur selon l’axe du tube présente un palier bien défini, ce qui n’est pas le cas lorsque ces longueurs sont trop faibles. On constate ainsi qu’il est difficile de mesurer proprement les longueurs inférieures à 10nm.

Par ailleurs, le logiciel ne permettant pas la correction de cette convolution, les mesures de dimension ne peuvent être automatisées. En effet, une mesure automatique à partir de l’image AFM se baserait sur la différence de contraste pour définir les limites d’une particule, et la longueur mesurée serait largement surévaluée par rapport à la longueur réelle (Figure 19).

Figure 19 : Comparaison entre la longueur mesurée à partir de la différence de contraste et la longueur réelle mesurée par le plateau du profil en hauteur.

Visuellement, cette convolution par la pointe donne l’impression que les particules ne sont pas parfaitement cylindriques, mais qu’elles ont des contours plus arrondis.

2.5.4.2 Adsorption sur la lame de mica

L’adsorption des particules sur la lame de mica est très rapide de par l’attraction électrostatique entre les particules chargées positivement et le mica chargé négativement. On peut cependant se demander si la capacité d’adsorption est la même pour toutes les tailles de particule, et par conséquent si la couche adsorbée (et observée) est bien représentative des populations réelles en solution.

En effet, on peut imaginer que les petites particules vont rapidement être adsorbées, couvrant une bonne partie de la surface et empêchant par la suite l’adsorption des tubes les plus longs. Par ailleurs, dans les cas non dialysées, la forte concentration en ions en solution est également susceptible de modifier l’affinité en adsorption de la surface.

Un tel comportement est cependant difficile à observer et quantifier. Les conditions de dépôt ont été ajustées de manière à former un dépôt de tubes suffisamment dispersés afin d’éviter une telle sélection.

70

2.6 Bibliographie

Guinier A. et Fournet G. Small-Angle Scattering of X-Rays [Livre]. - [s.l.] : Wiley, New York, 1955. Hansen J.P. et McDonald I.R. Theory of simple liquids [Livre]. - [s.l.] : Academic Press, London, 1976. Hubert F. [et al.] Nanorods versus Nanospheres: A Bifurcation Mechanism Revealed by Principal

Component TEM Analysis [Revue] // Langmuir. - [s.l.] : Amer Chemical Soc, 2010. - Vol. 26. - pp. 6887- 6891.

Levard C. [et al.] Synthesis of large quantities of single-walled aluminogermanate nanotube

[Revue] // Journal Of The American Chemical Society. - [s.l.] : Amer Chemical Soc, 2008. - Vol. 130. - pp. 5862--+.

Lindner P. et Zemb T. Neutrons, X-rays and Light: Scattering Methods Applied to Soft Condensed

Matter [Livre]. - [s.l.] : North-Holland, 2002.

Porod G. Small-Angle X-Ray Scattering [Livre]. - [s.l.] : Academic Press, London, 1982.

Tani M., Liu C. et Huang P. M. Atomic force microscopy of synthetic imogolite [Revue] //

Geoderma. - [s.l.] : Elsevier Science Bv, 2004. - Vol. 118. - pp. 209-220.

Zemb T. [et al.] A high-sensitivity pinhole camera for soft condensed matter [Revue] // Journal Of