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Applications des imogolites et allophanes

Chapitre 1 : Nanotubes inorganiques et imogolites

1.6 Applications des imogolites et allophanes

Peu d’applications ont été développées à partir des imogolites. Ceci peut être attribué, d’une part, à la forte concurrence des nanotubes de carbone, et d’autre part à la difficulté de synthétiser des imogolites en grande quantité. Pourtant, la grande monodispersité des nanotubes d’imogolites ainsi que la facilité des conditions de synthèse en font un concurrent sérieux face aux autres types de nanotubes. En effet, contrairement aux nanotubes de carbone fortement inertes, les surfaces internes et externes des tubes d’imogolite sont facilement fonctionnalisables de par la présence des groupements hydroxyles. Grâce aux derniers progrès dans la synthèse et la caractérisation des imogolites, de nouvelles applications sont apparues pour ce matériau.

On peut ainsi citer leur développement dans :

- Les revêtements antistatiques pour la photographie argentique ou les bandes cinématographiques (Kodak). Ceci est lié à la conduction protonique le long de l’axe des tubes d’imogolite

- Les encres d’imprimante couleur (Kodak). L’encapsulation des pigments dans les allophanes permet une meilleure tenue de ceux-ci sur le papier

- La nanoélectronique. Une étude révèle que les nanotubes d’imogolite seraient le candidat idéal en tant que gaine isolante pour des nanocâbles (Kuc, et al., 2009)

- Les cristaux liquides (Gabriel et al., 2000)

- Renforcement de matériaux hybrides (Jiravanichanun, et al., 2009)

- Matériaux de grande surface spécifique utilisés pour la filtration, la catalyse ou le stockage de gaz

1.6.1 Matériaux nanostructurés à base d’imogolites

L’organisation de nanoparticules pourrait permettre de produire des matériaux macroscopiques à partir d’une brique élémentaire nanoscopique. Quelle que soit l’utilisation désirée, il est nécessaire de contrôler cette organisation afin de contrôler les propriétés du matériau final.

Les nanotubes, de par leurs dimensions anisotropiques, présentent de multiples configurations lors de leur assemblage, que ce soit pour une organisation bidimensionnelle (membranes, couches minces) ou tridimensionnelle. L’étude de cette organisation est particulièrement importante pour les cristaux liquides. En 1949, Lars Onsager propose un modèle basé sur une approche entropique pour décrire les transitions de phase des cristaux liquides (Onsager, 1949), modèle qui permet encore aujourd’hui de comprendre et prévoir les phases sous lesquelles se présentent les systèmes organiques et minéraux.

L’organisation des nanotubes d’imogolites est étudiée principalement pour les cristaux liquides. En effet, dans une certaine gamme de concentrations, des suspensions d’imogolite se séparent en deux phases, une isotropique et une biréfringente (Gabriel 2000). L’étude approfondie de cette phase biréfringente a montré qu’il s’agissait d’une phase de type nématique, c’est-à-dire avec un ordre d’orientation à longue distance mais un ordre de position à courte distance seulement (Figure 18).

32 Figure 18 : Différents modes d’organisation de nanotubes. En haut à droite est représentée une phase de type nématique

Pour les imogolites, le rapport d’aspect longueur/diamètre est élevé dans le cas d’imogolites au silicium mais nettement plus faible pour les analogues au Ge. En effet, ces derniers ont un diamètre de l’ordre de 4nm pour une longueur de l’ordre de 20nm, ce qui donne L/D≈5. D’après la théorie d’Onsager, la transition isotrope nématique aura lieu pour une concentration de l’ordre de 4×D/L=4/5=0,8. Il faudrait donc atteindre des concentrations de l’ordre de 2900g/L afin d’observer une telle transition. Les Ge-imogolites, de par leur faible rapport d’anisotropie, ne semblent donc pas être particulièrement adaptés pour les cristaux liquides.

1.6.2 Organisation en deux dimensions

A deux dimensions, il existe principalement deux types d’alignements possibles pour des nanotubes : soit parallèlement les uns aux autres perpendiculairement à l’interface, soit en tapis parallèlement à l’interface. Le contrôle de cet alignement est primordial pour la fabrication de membranes. Ainsi, on imagine facilement que si une molécule peut passer facilement dans la direction de l’axe du tube et difficilement à travers les parois, il est nécessaire d’obtenir des nanotubes alignés perpendiculairement à l’interface pour que cette molécule puisse passer à travers la membrane. Une molécule très étudiée expérimentalement est le Tobacco Mosaic Virus (TMV), dont la forme est cette d’un bâtonnet. C’est d’ailleurs à partir de l’étude de son comportement que Lars Onsager développa son modèle.

He a reporté en 2009 une étude détaillée sur l’organisation à l’interface eau/huile de molécules du TMV (He, et al., 2009). Par un ajustement du pH et de la concentration, il obtient l’une ou l’autre des deux orientations de manière reproductible. En effet, à faible concentration, les bâtonnets

33 s’orientent parallèlement à l’interface afin de minimiser l’énergie d’interface en couvrant un maximum de surface avec les bâtons, tandis qu’à forte concentration, ils s’orientent perpendiculairement à l’interface afin de limiter les interactions inter-tubes répulsives. Le pH et la force ionique influent sur la force de ces interactions répulsives et sont donc susceptibles de modifier les valeurs limites pour l’une ou l’autre des orientations.

Figure 19 : Images AFM de rods de virus du tabac à pH=7.8. A gauche la concentration faut 0.2mg/mL et les rods sont parallèles à l’interface, tandis qu’à droite la concentration est de 0.8mg/mL et l’orientation se fait perpendiculairement à

l’interface (He, et al., 2009)

Cet exemple illustre l’enjeu du contrôle de l’organisation de particules tubulaires dans le cadre de fabrication de membranes ou de couches minces.

1.6.3 Organisation en trois dimensions avec interface

Le spray-drying est une méthode permettant de générer et de sécher des microgouttes à partir d’une solution de nanoparticules dispersées. Les forces capillaires au sein de la goutte contrôlent le séchage et l’organisation des nanoparticules. Contrairement aux membranes, le séchage se fait ici de manière isotrope, il s’agit donc d’une organisation en trois dimensions.

Si le spray de nanoparticules sphériques a été beaucoup étudié pour la fabrication de matériaux ordonnés à l’échelle mesoscopique, l’organisation de nanoparticules ayant une structure anisotrope est moins bien connue.

Des exemples montrent qu’il est possible d’obtenir différentes configurations lors du séchage de nanoparticules tubulaires. Han et Li (Han, et al., 2006) ont ainsi mis en évidence la possibilité d’obtenir des bâtonnets nanométriques de rutile alignés radialement, alors que dans d’autre cas ces mêmes bâtonnets s’orienteront parallèlement à la surface de la goutte (Figure 20).

34 Figure 20 : Organisation de bâtonnets de rutile par spray-drying. a, b et c : organisation radiale. (Han, et al., 2006) d :

organisation parallèle à la surface de la goutte

A travers cet exemple, il est possible de se rendre compte de la complexité du contrôle de l’organisation de particules tubulaires dans une goutte, ou plus généralement en trois dimensions. Or, comme dans le cas de membranes, l’alignement de ces particules contrôlera une partie des propriétés du matériau final, par exemple dans le cas de matériaux de type core shell il contrôlera l’accès au cœur du matériau, c’est pourquoi la compréhension et le contrôle de cette organisation sont primordiaux.

Peu de résultats ont été reportés quant à l’organisation des nanotubes d’imogolites. Une étude met cependant en évidence la possibilité de les utiliser comme base d’un matériau type core-shell par assemblage couche par couche autour de billes de polystyrène (Kuroda, et al., 2008). C’est le seul cas d’imogolite organisés en trois dimensions référencé à ce jour.

35 Figure 21 : Assemblage d’imogolites autour d’une bille de polystyrène. Effet du traitement thermique sur la couche

d’imogolites (Kuroda, et al., 2008)