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Chapitre 4 : Croissance des imogolites

4.6 Conclusions

Les différentes études faites par le passé pour expliciter le schéma de croissance des nanotubes d’imogolite ont amené à des résultats qui semblaient contradictoires, tant au point de vue de la structure des précurseurs que du mode de croissance en lui-même. La mise en évidence de deux types de structures tubulaires et l’accès à une microscopie de résolution plus élevée nous ont permis d’envisager ce mode de croissance sous un nouvel angle.

Tout d’abord, les proto-imogolites ont été pour la première fois observées, et le doute sur leur structure a été levé : il s’agit de fragments de tubes de 2 à 3 nm de dimension caractéristique, dont la structure est proche de celle du tube final mais avec une courbure qui peut différer selon la quantité de groupements germanates adsorbés.

Ensuite, un modèle de croissance mettant en jeu le repliement des proto-imogolites en petits tubes, suivi du collage bout à bout de ces petits tubes pour former un tube plus grand, a été développé. La résolution des équations mises en jeu permet de prédire la concentration en tubes en fonction du temps pour 200 différentes longueurs, concentrations dont on peut déduire la distribution de longueur et l’intensité diffusée en fonction du temps. Les prédictions de ce modèle ont été confrontées à des mesures expérimentales de SAXS et d’AFM, révélant que les longueurs et les intensités sont correctement prédites en fonction du temps, de la concentration et de la température de synthèse. On retrouve ainsi que les tubes double-paroi sont nettement plus courts que les tubes simple-paroi, de par une probabilité de chocs efficaces entre les tubes plus faible. Ce modèle met également en avant la prépondérance des effets de diffusion et chocs sur les effets de dissolution/nucléation dans la cinétique de croissance. Il ne rend en revanche pas tout à fait compte de la forme de la distribution de longueur dans le cas de grandes polydispersités, particulièrement rencontrées pour les tubes simple-paroi.

Enfin, le vieillissement des tubes d’imogolite a été étudié à température ambiante et à la température de croissance 90°C. Cette étude montre que la croissance se poursuit après la fin de la synthèse, avec une vitesse qui dépend de la température : dans notre cas où l’échelle de temps est de quelques mois, cette poursuite de croissance est visible à 90°C mais pas à 20°C. La nucléation des tubes se poursuit également tant qu’il reste des précurseurs en solution, et la structure semble

149 également se consolider localement. Ces résultats sur la distribution de longueur et la concentration rejoignent ceux de Yang et Wang et constituent des arguments supplémentaires en faveur du mécanisme de croissance par collage bout à bout.

L’utilisation de techniques de caractérisation in situ devrait permettre à l’avenir de comprendre encore mieux ce mécanisme, en particulier le mode de formation des tubes double-paroi. Nous avons en effet étudié les deux cas simple-paroi et double-paroi par le même modèle de croissance, mais actuellement rien n’explique pourquoi, en partant d’une même structure de précurseurs, les tubes finaux ont dans certains cas une structure simple-paroi et dans d’autres une structure double- paroi. D’autant que nous avons montré précédemment que les double-paroi sont formés a priori dès le début avec cette structure et ne résultent pas de l’emboitement de deux tubes simple-paroi. Le suivi par microscopie haute résolution (de type cryo-MET) de la formation des tubes à partir des protoimogolites, c’est-à-dire sur les tout premiers temps de la croissance, pourrait donner accès au mécanisme exact de formation dans les deux cas simple et double-paroi. D’autres techniques telles que la calorimétrie pourraient apporter des indications supplémentaires sur le mécanisme, en mettant par exemple en évidence la formation de liaisons covalentes (réactions endothermiques). Les observations en microscopie de proto-imogolites semblent montrer une tendance des structures à s’empiler les une avec les autres, empilement plus ou moins fort selon les interactions mises en jeu entre ces différents fragments. On peut ainsi imaginer que ces empilements sont permis par l’établissement de liaisons hydrogènes ou d’interactions électrostatiques entre les fragments, et que dans certains cas ces interactions sont suffisamment fortes pour maintenir l’empilement de deux fragments lors de l’étape de repliement, amenant à la formation d’une structure type double-paroi. Le cas simple-paroi correspondrait alors au cas contraire ou les forces qui maintiennent l’empilement ne sont pas assez importantes pour que cette structure soit conservée lors du repliement. Ceci sera détaillé dans le chapitre 5.

Si le mécanisme de croissance semble mieux compris aujourd’hui, il reste donc des points à préciser dans la formation de la structure tubulaire. Pour cela, il faudrait avoir recours à l’utilisation de techniques expérimentales permettant l’observation et une caractérisation plus fine des premiers temps de la croissance.

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4.7 Bibliographie

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Yang H. X., Wang C. et Su Z. H. Growth mechanism. of synthetic imogolite nanotubes [Revue] //

Chapitre 5

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Table des matières

5.1 Introduction ... 153 5.2 Charge des tubes de Ge-imogolite ... 153 5.2.1 Mesure du point de charge nulle ... 153 5.2.2 Modèle MUSIC appliqué aux imogolites ... 155 5.3 Interactions électrostatiques entre les plans d’imogolite ... 158 5.3.1 Etat initial, état final ... 158 5.3.2 Calcul des énergies au sein des structures imogolites ... 158 5.3.2.1 Energie de courbure et interaction électrostatique ... 158 5.3.2.2 Application au cas des protoimogolites ... 160 5.3.3 Croissance de précurseurs dialysés ... 165 5.4 Contrôle physico-chimique de la structure ... 167 5.4.1 Effet du pH sur la structure ... 167 5.4.1.1 Titrage du milieu réactionnel ... 167 5.4.1.2 Structure des phases tubulaires ... 169 5.4.1.3 Structure des phases non tubulaires ... 170 5.4.2 Tubes simple-paroi et double-paroi en concentration variable ... 173 5.4.3 Etude de la transition simple-paroi / double-paroi ... 175 5.5 Conclusions ... 178 5.6 Bibliographie ... 179

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5.1 Introduction

Beaucoup de caractérisations des nanotubes d’imogolite se font à l’état solide, après lyophilisation des solutions de nanoparticules dispersées. La synthèse a cependant lieu en milieu aqueux, milieu dans lequel les tubes sont susceptibles d’interagir par l’établissement de forces de type électrostatiques, ou encore de liaisons hydrogène. La seule étude (théorique et expérimentale) à ce jour effectuée dans le but de comprendre la formation d’imogolites ou d’allophanes selon les conditions de synthèse explique que la direction dans laquelle le feuillet de gibbsite se courbe est contrôlée par des liaisons hydrogène s’établissant au sein des protoimogolites (Abidin, et al., 2007). Par ailleurs, deux indices laissent à penser que des interactions électrostatiques s’établissent au sein du milieu réactionnel : d’une part il a été évoqué à plusieurs reprises que les contre-ions présents dans la solution pouvaient influencer la croissance et la structure des tubes (Farmer 1978, Bac 2009), d’autre part on remarque sur les clichés de microscopie des protoimogolites que les précurseurs SW comme DW ont tendance à s’empiler, ce qui pourrait par la suite modifier leur comportement lors de la croissance.

L’étude des forces électrostatiques commence par la détermination de la charge des tubes d’imogolite, inconnue à ce jour pour les Ge-imogolites. Dans la littérature, seul Gustafsson a analysé via une adaptation du modèle MUSIC (MUlti SIte Complexation) (Hiemstra, et al., 1989) la charge des différentes parois des tubes de Si-imogolite (Gustafsson, 2001). Nous commencerons donc par analyser la charge des tubes de Ge-imogolite, par une approche expérimentale (mesure du point isoélectrique) et théorique (utilisation du modèle MUSIC). Une fois cette charge déterminée, il nous sera possible d’analyser les forces électrostatiques susceptibles de s’établir au sein du milieu réactionnel de la synthèse des nanotubes de Ge-imogolite et de voir comment elles peuvent influencer la formation d’une structure de type simple-paroi ou double-paroi.

Le dernier objectif de ce chapitre sera de déterminer comment contrôler expérimentalement la formation de tubes simple-paroi ou double-paroi. La maîtrise de la structure des tubes est en effet indispensable, que ce soit dans l’optique du développement d’applications, ou encore pour de futures études sur ces nanotubes, pour lesquelles il sera utile de connaître les dimensions et les propriétés des tubes synthétisés, caractéristiques pouvant différer entre une structure SW ou DW.

5.2 Charge des tubes de Ge-imogolite