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2.5 Observations et analyses non destructives ou semi destructives pour le prélèvement

2.5.5 Microscopie électronique à balayage / EDX

2.5.5.1 Principe et objectifs

La microscopie électronique à balayage est une technique d'imagerie qui permet d'accéder d'une part à la topographie d'un échantillon (imagerie des électrons secondaires) et, d'autre part, au contraste chimique de celui-ci (imagerie des électrons rétrodiffusés). Un détecteur de rayons X couplé permet en outre d'effectuer des analyses chimiques élémentaires (points, lignes, cartes). Cette technique permet donc d'étudier, au niveau microscopique, la morphologie des vernis et leur composition chimique élémentaire. Technique de routine pour l'étude des matériaux du patrimoine, elle a en particulier permis d'étudier les substrats des pigments laqués [Kirby 2005]. Elle a été

31 En collaboration avec Michael Palmer (National Gallery of Art, Washington, DC) et Alex von Bohlen, (ISAS, Dortmund).

utilisée sur des échantillons de vernis d'instruments de musique pour analyser des particules minérales [Nagyvary 1988a] individualisées ou des échantillons stratigraphiques [Barlow 1988a,b, 1989a,b]. La morphologie des bois de lutherie a aussi été étudiée par les mêmes équipes [Nagyvary 1988b, Barlow 1988c, 1990, 2008].

2.5.5.2 Préparation de l’échantillon

La préparation de l'échantillon dépend de l'aspect des résultats que l'on veut privilégier. L'obtention d'images topographiques en électrons secondaires, en particulier à fort grossissement, nécessitera souvent la métallisation (généralement à l'or ou au carbone) de ces échantillons de vernis a priori très peu conducteurs des électrons.

L'imagerie en contraste chimique et l'analyse EDX est en revanche de meilleure qualité si l'échantillon n'est pas métallisé. Il est possible de travailler en vide partiel, sur certains types de MEB.

Les coupes minces stratigraphiques, préparées sur lame microscopique métallisée pour la spectrométrie IRTF (Cf. 2.5.2.3) se sont révélées particulièrement adaptées pour l'analyse élémentaire.

Enfin, nous avons pu étudier ces différents aspects, pour certains échantillons, sur un microscope à effet de champ (FEG-MEB/EDX), qui offre une qualité d'images incomparable.

2.5.5.3 Résultats

! Imagerie d'électrons secondaires : topographie

Nous avons pu accéder à la mesure d'épaisseur de couches, et à l'état de surface à l'échelle micrométrique, du vernis, comme le montre la Figure 28.

Figure 28 : Fragment (écaille) du vernis d'une viola pomposa (Allemagne, 18e s., E.980.2.495). L'état de surface présence des micro-rayures, probablement d'usure. L'épaisseur du fragment peut être estimée à 50-60 !m.

Par ailleurs, sur des échantillons fracturés ou coupés, on peut observer finement la morphologie des interfaces entre le bois et le vernis, ainsi que celle de la structure du bois (Cf. Figure 29).

Figure 29 : Coupe stratigraphique du vernis du "Provigny" (violon, A. Stradivari, Crémone, 1716, E.1730.1) mettant en évidence (1) des cellules de bois vides, (2) des cellules de bois remplies de matériau de vernissage, (3) une strate supérieure du vernis.

! Imagerie EDX : cartographies élémentaires

Il nous a été possible de caractériser des particules minérales, dans une retouche de vernis. Ainsi des particules riches en calcium et en soufre sont probablement du sulfate de calcium (Cf. Figure 30). De telles hypothèses peuvent ensuite être confirmées par SR-DRX ou SR-IRTF.

Figure 30 : Cartes EDX des éléments calcium (en haut à droite) et soufre (en bas à droite) sur une zone de la sous-couche minérale du vernis d'un théorbe de Magno Dieffopruchar (fin 16e

s., Venise, E.980.2.321), représentée en électrons rétro-diffusés en haut à gauche.

Les pigments laqués, présents en concentration assez faible dans certains vernis, ont pu être mis en évidence par la combinaison de la micro-spectrométrie Raman et d'analyse EDX sur les quelques particules repérées par microscopie optique dans des coupes minces. Les particules apparaissaient comme translucides dans le liant de ces vernis. Alors que l'analyse Raman identifiait des molécules de type anthraquinone à l'endroit de particules rouges translucides (Cf. 2.5.3.3), l'analyse EDX révélait la nature du substrat minéral (Cf. Figure 31).

Figure 31 : Une particule de pigment laqué dans une coupe mince du vernis du "Provigny" (violon, A. Stradivari, Crémone, 1716, E.1730.1) photographie en microscopie optique (à gauche), et cartes EDX de l'aluminium (au milieu) et de l'oxygène (à droite), mettant en évidence le substrat inorganique de ce pigment laqué.

Une analyse élémentaire de la matière organique est aussi possible pour des échantillons non métallisés analysés par un FEG-MEB/EDX. En effet, les matériaux à base de protéines, à la différence des autres substances naturelles, contiennent de l'azote. Un fort signal d'azote, indique la présence d'un tel matériau, comme l'illustre la Figure 32. C'est ainsi que nous avons pu confirmer la nature protéique de certaines strates de vernis32.

Figure 32 : Coupe mince stratigraphique d'un prélèvement enrobé d'un vernis : Imagerie d'électrons rétrodiffusés (à gauche), carte EDX des raies K de l'azote (à droite).

2.5.5.4 Modification de l’échantillon par l’observation et l'analyse

Nous avons vu que les observations et analyses MEB/EDX induisaient des modifications des échantillons. En particulier, nous avons constaté que le bombardement d'électrons provoquait une diminution de la fluorescence des consituants du vernis pouvant aller jusqu'à l'extinction, en cas d'exposition prolongée, comme par exemple dans le cas d'acquisitions de cartes EDX (Cf. Figure 33).

Figure 33 : Localisation des trois zones d'analyses MEB/EDX (à gauche) et vue stratigraphique de l'échantillon sous illumination 450-490 nm, après examen MEB/EDX (tête de viola d'amore, A. Stradivari, Crémone, vers 1720, E.484).

A cela s'ajoutent, pour les coupes minces de 1 !m déposées sur lames microscopiques métallisées, la destruction localisée du vernis dans les zones d'analyse (Cf. Figure 34).

Figure 34 : Visualisation des modifications d'aspect (à gauche) et de fluorescence (à droite) causées par des analyses ponctuelles et un "linescan" sur une coupe mince stratigraphique déposée sur une lame porte-échantillons métallisée (violon le "Provigny", A. Stradivari, Crémone, 1716, E.1730.1).

Il est donc préférable d'effectuer les observations et analyses sur de tels échantillons par MEB/EDX après toutes les techniques "non destructives" pour le micro-prélèvement. Dans le futur, nous souhaitons étudier du point de vue chimique (IRTF, CPG/SM) ces modifications en fonction des conditions expérimentales et du type d'échantillon.