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1.4 Synthèse de ce qu’on sait et ce qu’on ignore encore…

1.4.1 Méthodes analytiques choisies dans les travaux précédemment publiés

Les travaux précédemment publiés et résumés ci-dessus présentent des analyses de vernis réalisées sur un maximum de 125 instruments anciens, ainsi que des analyses de 13 échantillons de bois. Malheureusement, les analyses présentées ne sont que

partielles et les résultats présentés ne traitent souvent que d’un des aspects suivants (Cf. Figure 12) :

- Soit de la composition fonctionnelle ou moléculaire de la matière organique (huiles, résines, etc.)

- Soit de la composition élémentaire de la matière inorganique (pigments, siccatifs, etc.)

- Soit de la stratigraphie des vernis appliqués sur l’instrument.

Ces caractérisations incomplètes ne permettent pas une meilleure compréhension des matériaux et techniques employées pour vernir ces instruments.

Figure 12 : Nombre d'instruments étudiés en fonction des aspects analytiques abordés dans la littérature scientifique.

Il convient également de souligner que les informations d’ordre expérimental sont souvent absentes, ce qui limite la portée des résultats. Ainsi, une teneur élémentaire élevée en azote est attribuée à la présence de protéines dans des vernis, et la mise en évidence d’acides aminés est interprétée comme étant due à une colle animale, mais les procédures expérimentales ne sont pas détaillées [Condax 1966, 1970, 1982]. Les mesures de température de fusion, ou les tests de solubilité ne permettent pas d’identifier avec certitude des composés, qui plus est des mélanges vieillis de substances naturelles [Condax 1966, 1970, 1982]. Si des tests ponctuels avec des indicateurs colorés [White 1984, Dilworth 1984, Baese 1986, Meyer 1996] (employés ici pour détecter des protéines, des gommes ou des pigments laqués) peuvent fournir des résultats satisfaisants, ils peuvent aussi être facilement biaisés par la présence de fibres

de bois ou par une contamination lors de la manipulation de l’instrument ou du prélèvement.

La spectroscopie IRTF en transmission, en dispersant le prélèvement dans une matrice de KBr, ou en réflexion directement sur le prélèvement, permet de caractériser la matière organique [Condax, 1970, 1982, Korte 1993, Meyer 1995, Staat 1996]. L’identification est alors effectuée en cherchant la meilleure correspondance entre le spectre IRTF du prélèvement (ou d’au moins certaines bandes de vibration) avec celui d’un matériau d’une base de données (ou bandes de vibration). Toutefois, peu d’informations concernant les bases de données utilisées sont indiquées dans les rapports d’analyses que nous avons étudiés. De surcroît, la détermination certaine de la composition de mélanges vieillis d’huiles et de résines naturelles est pratiquement impossible par la seule spectroscopie IRTF. Les résultats publiés doivent donc être considérés avec prudence [Derrick 1999, Scalarone 2003].

Les techniques chromatographiques, la chromatographie en phase gazeuse (CPG) éventuellement couplée à la spectrométrie de masse (CPG/SM), permettent de séparer et d’identifier les molécules organiques, après la préparation du prélèvement par solubilisation parfois suivie d’une méthylation [White 1978, 1984, Caruso 2007]. Ces techniques sont éprouvées depuis des dizaines d’années pour l’identification des liants dans la peinture de chevalet (voir par exemple [Mills 1994, van der Berg 2000, Osete-Cortina 2004, Scalarone 2001]). Les molécules identifiées peuvent être associées à une famille de matériaux naturels, voire être des biomarqueurs spécifiques d’un matériau. Ainsi, le larixol est spécifique de la résine exsudée par l’épicéa Larix Decidua, communément dénommée "térébenthine de Venise". Les techniques chromatographiques ne donnent pas d’information sur la fraction polymérique du vernis. Alors que les mécanismes de séchage et de vieillissement naturels modifient la composition moléculaire du vernis, la CPG/SM permet non seulement d’identifier les molécules originales et les produits de dégradation, mais aussi d’évaluer l’état d’oxydation du matériau [van der Berg 2000].

La matière inorganique a été étudiée uniquement par des analyses élémentaires. La TXRF, le !-PIXE et la microsonde électronique, appliqués depuis les années 1990 aux vernis d’instruments de musique, sont considérés comme des techniques quantitatives après étalonnage [von Bohlen 1997, 1999, 2004a, 2004b, 2006, 2007, Nagyvary 2009]. En revanche, les autres techniques d'analyses comme l’AES

[Michelman 1967, Condax 1970, 1982], le PIXE/RBS [Tove 1974, 1980] et les analyses EDX [Barlow 1988, Nagyvary 1988a, 1988b] sont qualitatives. L’analyse élémentaire des vernis fournit des informations utiles mais limitées. L’analyse EDX permettent d’identifier des particules individuelles par comparaison avec des matériaux de référence [Barlow 1988] ou avec des banques de spectres élaborées en pétrographie [Nagyvary 1988a,b]. Cependant, de telles techniques sont impuissantes à discerner des composés de compositions élémentaires similaires. Pour réaliser une identification plus précise, il faut combiner l’analyse élémentaire à des analyses cristallographiques ou spectrométriques (IRTF ou Raman).

La stratigraphie du vernis (nombre de strates, épaisseur de chaque strate) et la morphologie des interfaces entre les strates ont été étudiées d’abord par microscopie optique. A cette fin, le prélèvement doit conserver toutes les strates de vernis, de la surface de l’instrument au bois. Plusieurs auteurs rapportent des observations de prélèvements préalablement enrobés dans un polymère transparent et découpé en coupes minces avec un microtome, pour l'observation en microscopie optique en transmission [Condax 1970, Baese 1986] et en lumière polarisée [Nagyvary 2005] ou en épifluorescence [Baese 1986]. Nagyvary et Ehrman publient des images de microscopie électronique (MEB) à un grossissement tel qu’il y est impossible de distinguer une quelconque stratigraphie [Nagyvary 1988a]. En revanche, à la même époque, Barlow et ses collègues présentent plusieurs images de MEB de coupes transverses de prélèvements cassés et non polis. Ces images autorisent une lecture aisée de la stratigraphie, en révélant les différences de texture et de morphologie des strates observées [Barlow 1988, 1989a, 1989b, 1989c].

Toutes les techniques analytiques utilisées reposent sur le prélèvement du vernis d’un instrument de musique ancien. Certaines publications rapportent des prélèvements de 0,5 g [Condax 1970, 1982], ou de 1 à 2 cm2 [White 1978] voire 28 cm2 [Michelman 1967] de vernis. Ces quantités de matière sont de nos jours considérées comme excessives pour des objets patrimoniaux. L’évolution récente des techniques analytiques permet de réduire significativement la taille du prélèvement, et éventuellement de s'en dispenser.

1.4.2 Types, origines et dates de fabrication des instruments de