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1.3 MicroARN : agents thérapeutiques et de diagnostic ?

1.3.1 MicroARN

Découverts au début des années 1990, les microARN sont des ARN simple-brin longs d’environ 21 à 24 nucléotides, et représentent 1 à 2% des ARN (Lim et al., 2003,Lages

et al., 2012 en Annexe B, page 205). ARN interférants (ARNi) comme les siRNA (short

interfering RNA), les microARN sont des répresseurs post-transcriptionnels et contrôlent ainsi l’expression des gènes (Fire et al., 1998; Mello et Conte, 2004). C’est en s’appariant sur la partie 3’UTR des ARN messagers (ARNm) que les microARN guident la répression de la traduction des ARNm en protéine (Figure 10). Lorsque l’appariement miARN/ARNm est parfait, la fonction des microARN s’apparente à celles des siARN, et va mener à la dégradation des ARNm ciblés (Bartel, 2004). Les microARN réguleraient l’expression d’au minimum un tiers de l’ensemble des gènes humains.

1.3.1.1 La biosynthèse des microARN

Chez les mammifères environ 50% des microARN sont regroupés en polycistron et la co-expression du gène incluant la région codant un microARN (gène hôte) et du microARN lui-même a été proposée pour plusieurs gènes (Baskerville et Bartel, 2005).

Les gènes des microARN sont d’abord transcrits sous forme de précurseurs longs de quelques kilobases et appelés pri-microARN. Ces pri-microARN contiennent une coiffe et une queue polyA (Lee et al., 2004). Après leur transcription, réalisée par une polymérase II ou III, la première étape de maturation des microARN dans le noyau est la coupure des pri-microARN par l’enzyme Drosha (endonucléase de masse moléculaire de 650kDa qui nécessite pour son activité un cofacteur, la protéine DGCR8 (DiGeorge syndrome critical region 8)). Un ARN de 60 à 100 nucléotides et ayant une structure en épingle à cheveux est généré : le pré-microARN (Kim et al., 2009). Ce pré-microARN est ensuite acheminé du noyau au cytosol par transport actif GTP-dépendant grâce à une interaction avec l’exportine 5. Le pré-microARN est ensuite clivé par la ribonucléase Dicer qui permet l’hydrolyse de la structure boucle pour libérer un petit ARN double-brin d’une vingtaine de nucléotides. Ce double brin d’ARN va alors interagir avec une protéine de la famille Argonaute (Ago1 ou Ago2) pour

Introduction

Figure 10 – Voie de biosynthèse des microARN et impact sur la traduction des ARNm. Après transcription en Pri-microARN, les extrémités sont clivées pour donner un Pré-microARN. Le Pré-microARN est ensuite exporté vers le cytoplasme grâce à l’exportine 5. Une fois dans le cytoplasme le Pré-microARN est à nouveau clivé au niveau des extrémités, puis le brin mature est intégré à un complexe RISC. Ce complexe, en se fixant sur la partie 3’UTR des ARN messagers spécifiques, mène à une dégradation de l’ARN messager en question lorsque l’appariement est parfait, ou à la répression de sa traduction quand l’appariement est partiel (descriptions détaillées : voir texte).

former le complexe RISC (RNA-induced Silencing Complex). Au cours de la formation de RISC, une hélicase va aider à la séparation des deux brins d’ARN pour ne garder qu’un seul brin. Ce brin sera appelé microARN mature (Winter et al., 2009).

Un ARNm cible est alors chargé au sein du complexe RISC et le microARN peut interagir avec la région UTR en 3’ (région non codante) de l’ARNm. Deux voies de « Silencing » sont alors possibles, soit la dégradation de l’ARNm cible, soit la répression de la traduction de ce dernier, en fonction de la force de complémentarité microARN-ARN messager (He et Hannon, 2004).

1.3.1.2 Annotation des microARN

Tous les microARN connus pour 58 espèces sont référencés dans la base miRBase (miR-Base, http ://www.mirbase.org) et un système d’annotation est donc mis en place pour nommer les différents microARN. Des microARN homologues peuvent être retrouvés dans plusieurs organismes et la nomenclature des microARN permet de bien les identifier. Les

Introduction microARN sont identifiés par un numéro précédé de l’abréviation « miR » ou « mir », qui permet une distinction entre le microARN mature (miR) et la boucle précurseur (épingle à cheveux) du microARN (mir), correspondant respectivement à un numéro d’accession MI-MAT et MI. Par exemple pour le microARN 21 (miR-21) chez l’homme, le précurseur est noté MI0000077 et le microARN mature MIMAT0000076. Un préfixe de trois ou quatre lettres est utilisé pour distinguer les espèces comme par exemple hsa-miR-101 et mmu-miR-101 pour faire une différence entre le microARN chez l’Homme (hsa : Homo sapiens) et chez la Souris (mmu : Mus musculus) (Griffiths-Jones et al., 2006). Dans certains cas, la boucle précurseur peut donner lieu à la synthèse de deux microARN différents. Le système d’annotation per-met la distinction de ces deux microARN : le microARN du côté 5’ de la boucle est noté 5p et le microARN du côté 3’ est noté 3p. Cette annotation 3p et 5p est utilisée jusqu’à ce que l’abondance de l’une des deux formes soit déterminée. La forme majoritaire sera alors nommée miR et la forme minoritaire miR*(Griffiths-Jones et al., 2008).

Dans certains cas, un microARN mature peut provenir de l’expression de plusieurs régions chromosomiques différentes. Pour ces microARN, il faut donc distinguer leurs précurseurs, et ces microARN seront notés 1, 2, 3, etc, comme par exemple hsa-mir-128-1(chromosome 2q21.3) et hsa-mir-128-2 (chromosome 3p22.3). Dans cet exemple, les 2 gènes codent pour la même séquence mature. Dans d’autres cas, les microARN matures peuvent être très similaires (quelques bases de différence). Dans ce cas les numéros des microARN sont suivis de a, b, c. . . Par exemple hsa-mir-517a, hsa-mir-517b, hsa-mir-517c sont des microARN dont la séquence mature présente quelques variations. Certains microARN ne suivent pas cette nomenclature, comme par exemple le microARN hsa-let-7.

Actuellement, la base de données qui recense les microARN (Sanger v20.0) identifie 1872 précurseurs de microARN pour l’espèce humaine soit 2578 microARN matures. Le nombre de microARN connus, toutes espèces confondues, est en très forte évolution depuis la découverte de l’existence des microARN. Ces dernières années, l’émergence du séquençage haut-débit a permis un boum de découverte de nouveaux miR qui sont intégrés dans les nouvelles versions de la mirBase (Kozomara et Griffiths-Jones, 2010).

30% de ces microARN sont intergéniques, et parmi les 70% des microARN restant, 80% sont transcrits à partir de la séquence d’introns de gènes (exemple miR-15a et miR-16-1 dans l’ARN non-codant du gène DLEU2). Parmi ces microARN 60% sont localisés dans des in-trons de gènes codant pour une protéine (exemple miR-106b, miR-93 et miR-25 dans le gène MCM7). D’autres microARN (20%) sont transcrits à partir d’exons de gènes qui ne codent pour aucune protéine (par exemple miR-155 provient d’un transcript appelé BIC non traduit en protéine) (Kim et Nam, 2006).

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1.3.1.3 Le rôle des microARN dans le processus de cancérisation

Dans certains cancers, les régions chromosomiques connaissant des modifications géné-tiques contiennent plus de 50% des microARN (Calin et al., 2004) menant à des dérégulations des profils de microARN notamment dans les gliomes (Lages et al., 2011). Or, certains mi-croARN dérégulés semblent être à l’origine, directement ou indirectement, d’un grand nombre de tumeurs. Suivant le type de cancer, un même microARN semble pouvoir à la fois, être oncogène, ou au contraire contribuer à la suppression tumorale. Ceux qui induisent directe-ment un mécanisme pro-cancéreux sont dits « oncomiR ». Ces oncomiR et miR suppresseurs de tumeur, qui induisent un mécanisme anti-cancéreux, jouent un rôle prépondérant dans la tumorogénèse par le biais de leur fonction de régulation de voies cellulaires majeures telles que le contrôle du cycle cellulaire ou la mort cellulaire (Figure 11).

miR-15a et miR-16 sont considérés comme des suppresseurs de tumeur ; en effet ils in-duisent l’apoptose en ciblant l’ARNm codant pour BCL2 (B Cell Lymphoma 2), protéine anti-apoptotique ayant un rôle dans plusieurs types de cancers (Cimmino et al., 2005). Une sousexpression de ces microARN dans la majorité des leucémies et des cancers de la prostate (Gregory et Shiekhattar, 2005)), permet une traduction de l’ARNm codant pour BCL2 qui pourra jouer un rôle anti-apoptotique. En revanche, la présence ou l’absence de ces microARN dépend du type de cancer, et pour les glioblastomes ces deux microARN sont retrouvés sur-exprimés (Lages et al., 2011).

Un autre miR suppresseur de tumeur est le miR-146a. Ce microARN est sousexprimé dans les gliomes (Permuth-Wey et al., 2011), et dans des cancers affectant différents organes : prostate (Xu et al., 2009), sein (Shen et al., 2008), tyroïde (Jazdzewski et al., 2009), foie (Xu

et al., 2008). Or, une de ses cibles directes est l’ARNm codant pour EGFR (Xu et al., 2012).

Ainsi, une fois miR-146a sousexprimé dans les gliomes, le messager codant pour EGFR ne sera plus soumis à la régulation du miR-146a. EGFR sera alors produit en grande quantité et le « pathway » dépendant d’EGFR sera donc activé.

Les microARN suppresseurs de tumeurs peuvent aussi intervenir dans le contrôle du cycle cellulaire, comme par exemple miR-124, miR-128 et miR-34a (Chiocca et Lawler, 2010; De Smaele et al., 2010). Tous trois sousexprimés dans les glioblastomes, miR-124 a pour cible directe l’ARNm codant pour CDK6 (Cyclin Dependant Kinase 6), miR-128 cible l’ARNm codant pour Bmi1 (un facteur de renouvellement dans les cellules souches) et miR-34a inhibe la désacétylase SIRT1. Bmi1, CDK6 et SIRT1 participent à l’activation du pathway p16/RB1

Introduction (voir figure 11) grâce à CDK6 qui joue le même rôle que CDK4, à Bmi1 qui a la capacité de bloquer p16 et p21 (Chiocca et Lawler, 2010) et à SIRT1 qui bloque l’acétylation de p53 et induit la production de la protéine pro-apoptotique PUMA (p53 Upregulated Modulator of Apoptosis) (Yamakuchi et al., 2008). Une sousexpression de 124, 128 et/ou miR-34a mène donc à une activation du cycle cellulaire.

Figure11 – Action des microARN dans la tumorogénèse

Les microARN suppresseurs de tumeur sont indiqués en vert et les oncomiR en rouge. BCL2 : B Cell Lymphoma 2 ; CDK : Cyclin Dependent Kinase ; EGFR : Epidermal Growth Factor Receptor ; E2F : Facteur de transcription ; MDM2 : Murine double minute 2 ; mTOR : mammalian Target Of Rapamycin ; PTEN : Phosphatase and TENsin homolog ; PUMA : P53 Upregulated Modulator of Apoptosis ; RB1 : gène 1 du RétinoBlastome ; SIRT1 : Sirtuine 1

A l’inverse le cluster miR-17-92 est considéré comme un oncogène. Il est composé de six miARN : miR-17-5p, miR-18a, miR-19a, miR-19b-1, miR-20a et miR-92, fortement surexpri-més dans un grand nombre de tumeurs comme par exemple dans les lymphomes des cellules B (He et al., 2005) ou les glioblastomes (Ernst et al., 2010). Parmi les ARNm cibles de ce cluster, se trouvent notamment les ARN messagers codant pour la protéine pro-apoptotique

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Bim (Ventura et al., 2008) ou pour la protéine « suppresseur de tumeur » PTEN (Zhang

et al., 2013), dont les expressions seront donc réprimées. Un autre oncomiR est miR-21 qui a

été décrit comme surexprimé dans 15 types de cancers dont les glioblastomes (Wang et Lee, 2009). miR-21 a pour cible directe PTEN et active indirectement l’expression d’EGFR. La surexpression de ce microARN miR-21 va conduire à une activation du « pathway » EGFR et à une croissance accrue de la tumeur (Zhou et al., 2010). Enfin, une étude récente a mis en évidence que l’ARNm codant pour la protéine pro-apoptotique PUMA serait la cible directe de deux miARN miR-221 et miR-222 dans les cellules de glioblastomes (Zhang et al., 2010).