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SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

B. Polluants majeurs en Méditerranée: Les hydrocarbures et les métaux lourds

2. LES METAUX LOURDS

2.1. Caractéristiques des métaux et leurs sources en Méditerranée

A la différence de la plupart des contaminants organiques, les métaux lourds sont des constituants naturels dans les roches et dans les gisements minéraux. Ces composés sont souvent retrouvés à l’état de traces (moins de 0,1%) dans l’environnement (Alloway et Ayres, 1997 ; Callender, 2003), dans lequel ils sont introduits par l’intermédiaire de phénomènes naturels tels que l’érosion, l’activité volcanique ou les dépôts atmosphériques. Par ailleurs, les propriétés thermiques et électriques de ces composés en font des éléments de choix dans de nombreuses activités humaines, favorisant ainsi leur dispersion dans l’environnement.

D’après l’inventaire « National Baseline Budget » (Bilan Bases Nationales, BBN), mené dans les pays méditerranéens, les émissions atmosphériques de métaux sont principalement liées à l’industrie cimentière (Hg, Cu), à la production d’énergie (As, Cd, Ni), et à la métallurgie (Pb, Zn). Les rejets aquatiques semblent être principalement liés à l’industrie des engrais (Hg, As, Pb), à la métallurgie (Ni, Zn) et aux usines de traitements des eaux usées (Cd, Cu), auxquels s’ajoute une part non négligeable provenant du secteur de l’énergie et de l’industrie chimique. Quant au raffinage pétrolier, il représente la principale source de rejet de chrome dans l’eau comme dans l’atmosphère (UNEP/MAP/MED POL, 2012). Les métaux rencontrés dans l’environnement peuvent être classés selon leur caractère essentiel ou non. Un métal est considéré comme essentiel lorsqu’il remplit des fonctions biochimiques bien précises dans l’organisme et que son absence entraîne l’apparition de symptômes pathologiques qui disparaissent lorsque le composé est à nouveau présent (Kucuksezgin et al., 2006). Inversement, un élément métallique est dit non-essentiel

lorsqu’on ne lui connait aucune fonction biologique particulière. Généralement ces composés entraînent des effets toxiques délétères à partir de concentrations pouvant être très faibles.

2.2. Spéciation et biodisponibilité des métaux en milieu aquatique

Les éléments métalliques peuvent être présents dans l’environnement sous différentes formes physiques et chimiques, en interaction avec les ligands du milieu, c’est ce que l’on appelle la spéciation (Templeton et al., 2000). En milieu aquatique, les métaux existent sous deux forme : dissoute ou particulaire. Le concept dissous/particulaire avec quelques exemples de tailles d’entités habituellement rencontrées dans le milieu aquatique naturel est représenté dans la figure 8. Parmi ces entités, on retrouve généralement un mélange de cations, d’anions et de molécules inorganiques (Ca2+, Mg2+, Na+, K+, Cl-, HCO3-, PO43-, Si(OH)4…), et de matières organiques dissoutes (urée, acides aminés, acides humiques et fulviques). Il faut ajouter à cela les colloïdes et les particules en suspension issus des sols et des sédiments ainsi que des particules d’origines biologiques (phytoplancton et zooplancton notamment). Ces entités sont caractérisées par des surfaces d’échange variables. Ainsi, les métaux peuvent être présents en tant qu’ions libres hydratés, complexés par des ligands organiques et/ou inorganiques, adsorbés sur des colloïdes ou des MES, (co)précipités (Lesven, 2008).

Figure 8 : Spectre des tailles (en mètre) de particules dans le milieu aquatique et

En milieu aquatique, la toxicité des métaux dépend généralement de leur biodisponibilité, c’est à dire des formes chimiques sous lesquelles ils se trouvent dans le milieu, les rendant plus ou moins accessibles aux organismes. Dans des échantillons bruts, la concentration en métal total peut ainsi être élevée alors que la quantité de métal biodisponible est faible. Les principaux paramètres qui semblent conditionner la biodisponibilité des métaux sont les teneurs en matière organique (ou carbone organique), en hydroxydes métalliques et en AVS (acide volatile sulfide), qui fixent fortement les métaux en formant des complexes insolubles, ainsi que le pH (Ankley et al., 1996 ; Di Toro et al., 2005). Cependant, les interactions intervenant à l’interface biotique/abiotique jouent également un rôle primordial dans la biodisponibilité/activité des métaux. En effet, l’élément métallique peut rencontrer à ce niveau des sites de liaison physiologiquement inertes où dans ce cas, il n’induira pas d’effets notables, ou des sites physiologiquement actifs où, en se liant, le métal affectera directement ou indirectement un certain nombre de mécanismes cellulaires (Campbell et Couillard, 2004).

2.3. Transfert des métaux vers les organismes aquatiques

Les métaux ne peuvent traverser les membranes biologiques par simple diffusion, ils sont alors pris en charge par transport facilité. Le processus de bioaccumulation métallique s‘effectue en trois étapes principales : la diffusion du métal vers la surface biologique, la diffusion au travers de la couche externe puis la complexation du métal à des sites physiologiques inertes ou actifs, affectant ou non le métabolisme (Campbell et Couillard, 2004).

2.3.1. Métaux dissous

La prise en charge des métaux dissous par la membrane épithéliale des branchies (voie directe de contamination) constitue l’interface clé pour les mécanismes de transport transmembranaire et peut s’effectuer selon trois mécanismes généraux (Campbell et Couillard, 2004) (figure 9):

- le transport facilité du cation par des transporteurs transmembranaires protéiques ou des canaux transmembranaires.

- le transport facilité d’un complexe métallique anionique.

Figure 9 : Principaux mécanismes membranaires permettant l’entrée des métaux dans la

cellule (adapté de Mason, 2013).

2.3.2. Métaux particulaires

Les métaux particulaires vont en effet être réellement assimilés uniquement après ingestion de la particule et solubilisation du métal. Cette étape de solubilisation peut se produire directement dans le tractus digestif ou dans les vacuoles créées par invagination de la membrane biologique. Dans ces deux cas, les conditions physico-chimiques (pH, oxydo-réduction…) vont favoriser la solubilisation des métaux initialement liés à la particule. Une fois solubilisés, les métaux doivent franchir la membrane digestive ou vacuolaire selon les mêmes processus que les membranes épithéliales des branchies (Campbell et Couillard, 2004).

L’endocytose peut également jouer un rôle important dans le transfert des métaux chez les organismes aquatiques. Ce mécanisme, décrit au niveau des branchies, de l’épithélium du manteau et au niveau de la barrière intestinale (Depledge and Rainbow, 1990; Roesijadi and Robinson, 1994), induit l’incorporation des métaux aux lysosomes et leur relargage dans le cytosol.

Il a été démontré qu’une contamination par les métaux lourds peut affecter la croissance, la consommation de l’oxygène, la reproduction etc (Viarengo, 1989). Au niveau cellulaire, le principal mode de toxicité des métaux réside dans la création d’un stress oxydant (Tatrai et al., 2001).

2.4. Mécanismes de détoxication des métaux

Après avoir franchi la membrane apicale des cellules épithéliales des branchies, les métaux seront pris en charge selon deux mécanismes : ils peuvent traverser la cellule, le plus souvent associés aux ligands intracellulaires, et accéder ainsi à la membrane baso-latérale, où ils seront libérés dans le milieu circulant (sang ou hémolymphe) ou vers les cellules adjacentes. (Martin and Rainbow, 1998a et b). Ils peuvent aussi subir des séquestrations intracellulaires, avec des composants structuraux des membranes, des organites et des composés cytosoliques (figure 10). Cette séquestration est dépendante du niveau et du temps d’exposition, du type cellulaire, de l’espèce et du cycle de vie des organismes (Ahearn et al., 2004; Shi et Wang, 2004).

Figure 10 : Représentation schématique des interactions possibles entre les métaux et les

structures intracellulaires (Paul-Pont, 2010).

Les métallothionéines constituent les principaux ligands intracellulaires des métaux (Baudrimont et al., 2003). Ces protéines interviennent dans la détoxication des métaux essentiels lorsqu'ils sont présents en excès. Leurs groupements thiols non spécifiques, permettent également la séquestration de métaux toxiques non essentiels (Cd, Hg, Pb, Ag,…). Ces protéines de faible poids moléculaire (6 à 7 kDa) et très riches en cystéine (30%), possèdent de fortes potentialités de fixation, basées sur les propriétés thioloprives des métaux (forte affinité pour les groupements thiols).

La séquestration des métaux dans des structures compartimentées a été également décrite chez les invertébrés aquatiques. Ce mécanisme de séquestration limite la dispersion du métal au sein de la cellule et favorise son élimination en mettant à contribution le système lysosomal ou la précipitation sous forme de granules ou de concrétions insolubles (Viarengo, 1989 ; Viarengo et Nott, 1993).

Etant présentes dans l’hémolymphe des organismes invertébrés, les hémocytes jouent aussi un rôle dans la séquestration et le transport des métaux (Robinson et al., 1997). Elles sont capables de phagocyter les corps étrangers et ainsi d’accumuler les éléments métalliques présents dans l’hémolymphe(Marigómez et al., 2002).

2.5. Voies d’élimination des métaux

L'élimination des métaux chez les bivalves se fait principalement par les voies rénales et digestives (Roesijadi et Robinson, 1994 ; Marigómez et al., 2002) (figure 17). Elle peut être réalisée par voie rénale via les processus d‘ultrafiltration qui ont lieu au niveau de la glande péricardique qui a été décrite chez Dreissena polymorpha (Giamberini and Pihan, 1996). L’élimination peut aussi se faire par voie digestive avec la formation de pseudofécès qui correspond au relargage des corps résiduels du tissu digestif, par exocytose au niveau des cellules de la glande digestive (Morton, 1983 ; Marigómez et al., 2002). Quant aux métaux séquestrés à l'intérieur des hémocytes des mollusques, ils sont éliminés par migration depuis les tissus intestinaux, à travers la barrière épithéliale, vers la lumière du tube digestif ou vers l'eau environnante par le mécanisme de diapédèse (Roesijadi et Robinson, 1994). Enfin, les phénomènes de mue chez les invertébrés aquatiques possédant une cuticule externe participent à l‘élimination de métaux, de même que la formation de la coquille, de la dentition ou encore du byssus chez les bivalves (Mason et Jenkins, 1995).

C. Moyens d’évaluation de la pollution et de son impact sur