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BASES METHODOLOGIQUES

B. Approche de terrain (in situ)

1. PRESENTATION DU SITE D’ETUDE

1.1. Situation géographique de la lagune de Tunis

La lagune de Tunis, communément appelée « Lac de Tunis », est un bassin de 4000 ha de superficie en forme d’ellipse, situé au nord-est de la Tunisie, à la limite nord-est de l’Afrique du nord. La Lagune est située à l’Est de la ville de Tunis entre la région de Carthage au Nord et celle de Radès au Sud. Elle est positionnée entre les deux latitudes 36°41’N et 36°46’N et les deux longitudes 10°11’ E et 10°18’ E. Elle se trouve au fond du golfe de Tunis situé au sud du canal sicilo-tunisien. Elle prolonge le golfe de Tunis dont elle se trouve séparée par un étroit cordon littoral continu de l’embouchure de l’oued Méliane aux collines de Sidi Bou Saïd. La lagune est composée d’un canal de navigation séparant les deux parties de la lagune (nord et sud) sur une longueur supérieure à 10 km (Belkhir et Hadj Ali, 1983).

La région de Tunis est considérée comme semi-aride, caractérisée par une pluviométrie irrégulière avec une moyenne annuelle de l’ordre de 458 mm, une évaporation annuelle moyenne de 1500 mm. Les vents dominants sont du secteur ouest, leur vitesse dépasse rarement les 10 m.s-1 (Jouini et al., 2005). D’après les données climatologiques mensuelles de la période allant de 1992 à 2002 fournies par l’Institut National de la Météorologie (INM), la température maximale moyenne de l’air est enregistrée au mois d’août avec 41,7°C, alors que la température minimale moyenne est de 4,2°C au mois de février.

1.2. Environnement sédimentaire

La lagune de Tunis est une lagune d’origine sédimentaire. La vase s’y étend sur une épaisseur de plusieurs mètres dont la couche superficielle noire contient 2,1 tonnes/ha de phosphore et 8 tonnes/ha d’azote (Turki et Hadj Ali Salem, 1990). Les strates sédimentaires qui tapissent le fond de la lagune de Tunis sont l’œuvre de plusieurs agents qui contribuent à l’alimentation de la lagune en matériaux sédimentaires. Parmi ces agents on trouve : le ruissellement (les oueds de Madjerda et Méliane), les apports marins (courants de marées, dérive littoral et érosion côtière), les apports éoliens, les organismes vivants dans la lagune et

les apports humains (égouts, dépôts d’ordures, effluents industriels, engrais chimiques). Cette situation a été favorisée par l’isolement progressif de la lagune par rapport à la mer et également par les conditions paléochimiques et paléogéologiques qui ont régné sur le site depuis les deux derniers siècles.

1.3. Sources de pollution et aménagement de la lagune

La lagune a toujours constitué l’exutoire naturel des eaux usées urbaines et industrielles ainsi que les eaux pluviales de la ville de Tunis. Cette situation, combinée à un faible taux de renouvellement des eaux de la lagune, a conduit à la dégradation progressive et continue de la qualité des eaux de ce milieu.

La lagune de Tunis est caractérisée par la présence des ports les plus importants en Tunisie tels que le port de Radès (premier port de commerce du pays) et celui de La Goulette, qui contribuent à la contamination de l’écosystème lagunaire. La centrale électrique de Radès, la plus grande centrale en Tunisie, est situé également dans cette zone à coté canal de navigation et de la zone industrielle. Elle pompe ses eaux de refroidissement dans le canal de navigation et les rejette directement dans la baie de Tunis près de la passe de canal de Radès (lieu d’entrée de l’eau de mer du Golfe de Tunis vers le lac sud de Tunis). Les rejets de cette centrale sont estimés de l’ordre de 1,3 millions m3/jour (Chouba, 2009). La lagune drainait un bassin versant d’environ 4000 ha dont 1500 ha occupés par les zones industrielles. Il recevait ainsi environ 5500 m3/jour d’eaux usées industrielles très polluées, riches en métaux lourds (chrome, cuivre, etc.) et en hydrocarbures (Jouini et al., 2005)

Le besoin pressant d’une intervention rapide face à l’état critique atteint par la lagune au début des années 1980 a conduit au lancement d’un large programme d’aménagement dans le but d’améliorer, de contrôler et de gérer la qualité de l’eau dans le lac nord de Tunis. Le succès de ce projet, qui a conduit à une amélioration de la qualité de l'eau et la diversité biologique (Shili et al., 2002), a encouragé les autorités tunisiennes à lancer un projet d’aménagement similaire dans le lac sud de Tunis (avril 1998- juillet 2001). Le tableau IV présente les caractéristiques du lac sud de Tunis avant et après l’aménagement.

Tableau IV : Les caractéristique du lac sud de Tunis avant et après l’aménagement (Ben

Souissi, 2002 ; Jouini et al., 2005)

Avant aménagement Après aménagement

- Une superficie de 12 km2.

- Une hauteur d’eau variant de 0,1 m à 1 m avec une moyenne de 0,7 m.

- Le volume moyen d’eau dans le lac est de l’ordre de 7 700 000 m3.

- Un faible hydrodynamisme.

- Le volume des échanges d’eau avec la mer est situé entre 127 000 et 417 000 m3/jour. - La concentration moyenne annuelle en azote total est égale à 170 mg/m3.

- La concentration moyenne annuelle en phosphore total est égale à 155 mg/m3. - La concentration moyenne annuelle en chlorophylle-a est égale à 33,6 mg/m3. - La salinité maximale atteignait est égale à 51,9 psu.

- Présence de zones de stagnation d’eau. - La transparence de l’eau de mer est très réduite.

- Une forte prolifération des algues nitrophiles avec une concentration de 10 kg/m3.

- Le milieu lagunaire est hypereutrophe.

- Une superficie de 7 km2.

- Une hauteur d’eau variant de 1,7 m à 4 m avec une moyenne 2,4 m.

- Le volume moyen d’eau dans le lac est de l’ordre de 17 300 000 m3.

- Un bon hydrodynamisme.

- Le volume des échanges d’eau avec la mer est de l’ordre de 2 570 000 m3/jour.

- La concentration moyenne annuelle en azote total est égale à 635 mg/m3.

- La concentration moyenne annuelle en phosphore total est égale à 31 mg/m3. - La concentration moyenne annuelle en chlorophylle-a est égale à 2,1 mg/m3. - La salinité maximale atteignait est égale à 38,6 psu.

- Absence de zones de stagnation d’eau. - L’eau de mer est transparente (une visibilité jusqu’à 2 m).

- Une disparition sensible des algues nitrophiles en faveur d’espèces marines. - Le milieu lagunaire est mésotrophe.

2. LOCALISATION DES STATIONS D’ECHANTILLONNAGE

Le choix des stations d’échantillonnage s’est basé principalement sur la présence des palourdes et la localisation des sources de contamination.

Les palourdes Ruditapes decussatus ont été récoltées mensuellement dans la lagune de Tunis durant la période allant de septembre 2008 jusqu’à août 2009 à partir de trois zones (figure 21) :

• Z1 : se localise au voisinage des industries pétrochimiques et de la centrale électrique de Radès.

• Z2 : se localise entre les stations Z1 et Z3, au voisinage du canal de navigation et des industries pétrochimiques.

• Z3 : se localise au voisinage du port de Radès.

Les sédiments ont été prélevés saisonnièrement dans le lac de Tunis durant la même période à partir de six stations, 3 stations (S1, S4 et S5) sont localisé au voisinage du canal de navigation, alors que les autres (S2, S3 et S6) sont plus éloignés du canal (figure 35):

• S1 et S2: situées au voisinage de la zone industrielle et de la centrale électrique de Radès.

• S3 et S4 : localisées en face des stations S1 et S2, respectivement et plus éloignées de la zone industrielle que ces dernières.

• S5 et S6 : localisées au voisinage du port de Radès.

Des échantillons de la palourde R. decussatus et des sédiments ont été prélevés d’un site de référence qui est la région de Louza. Ce choix a été basé sur la littérature, car ce site a été largement utilisé dans les études sur terrains concernant les côtes tunisiennes (Banni et al., 2005, 2007). L’état de « santé » du site Louza nous permet de le considérer comme site de référence dans les programmes de biosurveillances sur les côtes tunisiennes (Banni et al., 2009a). Ce site est situé dans le golfe de Gabès entre la Chebba et Sfax. Cette frange littorale correspond à un milieu calme (faible agitation) avec un fond vaseux-sableux. La ponte du fond est très douce, ce qui rend le phénomène de régression-transgression spectaculaire ; les profondeurs ne dépassent pas les 3 m. Ces paramètres écologiques (fond vaseux-sableux, faible hydrodynamisme) sont en faveur de la reproduction des palourdes.

Figure 21 : Localisation des sites d’échantillonnage dans la lagune de Tunis et la région de

Louza.

*

sites de prélèvement des palourdes et des sédiments,

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sites de prélèvement des sédiments.

3. STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET PREPARATION DES ECHANTILLONS

L’échantillonnage a été réalisé dans le but d’étudier les variations spatio-temporelles des différents paramètres chimiques et biologiques choisis. Les compagnes d’échantillonnage ont été réalisées sur une année de façon mensuelle. Au total, douze compagnes ont été

effectuées. Compte tenu des différents objectifs de ce travail de terrain, plusieurs types d’échantillonnage ont été effectués à chaque compagne de prélèvement.

3.1. Collecte des palourdes R. decussatus

Les échantillons des palourdes Ruditapes decussatus (une centaine par station) ont été collectés mensuellement à partir des 3 sites d’étude (Z1, Z2 et Z3) dans la lagune de Tunis entre la période allant de septembre 2008 à août 2009. Les palourdes R. decussatus témoins ont été collectées saisonnièrement dans la région de Louza (site de référence) durant la même période (2008-2009).

Les palourdes prélevées sur terrain ont été ramenées directement au laboratoire et disséquées. Les tissus mous de 100 individus ont été prélevés, nettoyés avec de l’eau ultra-pure et gardés en pool à -80°C pour les analyses chimiques. Pour les analyses biochimiques, les branchies et les glandes digestives de 30 individus ont été prélevées, lavées brièvement dans un tampon d’homogénéisation glacé, groupées en dix pools et conservées à -80°C jusqu’à leur analyse. Pour l’étude histopathologique, 10 palourdes ont été disséquées et les branchies et les glandes digestives ont été mises immédiatement dans le fixateur « liquide de Bouin ». Concernant l’approche moléculaire, les branchies et les glandes digestives de 5 palourdes ont été conservées dans une solution de stabilisation de l’ARN (RNAlater, Sigma) à -80°C.

3.2. Echantillonnage des sédiments

Les sédiments de surface (jusqu’à 20 cm de profondeur) ont été prélevés mensuellement des six stations (S1 à S6) dans la lagune de Tunis durant la même période de collecte des palourdes. Un échantillon de sédiments a été prélevé dans la région de Louza. Les échantillons ont été transportés au laboratoire et stockés à -20°C.

3.3. Détermination des paramètres physico-chimique de l’eau de mer

La qualité physico-chimique de l’eau de mer de la lagune de Tunis a été suivie mensuellement durant toute la période d’échantillonnage (septembre 2008 - août 2009) et pour les six stations d’étude. La température (°C) et la salinité (psu) ont été mesurées avec un Conductimètres WTW LF325 et le pH a été mesuré avec un pH-mètre 330i.